
Les données de l’ASCO redéfinissent lesnormes
Compte-rendu:
Dre rer. nat. Ine Schmale
Le traitement par T-DXd s’est révélé supérieur au ramucirumab plus paclitaxel dans l’étude DESTINY-Gastric04. Le conjugué anticorps-médicament est désormais le standard de deuxième ligne pour les patient·es atteint·es d’un cancer gastrique HER2-positif. Selon MATTERHORN, un nouveau standard s’impose aussi pour le traitement de l’adénocarcinome résécable de l’estomac ou de la jonction gastro-œsophagienne: l’administration périopératoire de durvalumab associé à FLOT. Dans le cancer du côlon de stadeIII, l’immunothérapie par atezolizumab a également convaincu.
Cancer de l’estomac
Le trastuzumab déruxtécan est efficace dans le carcinome gastrique HER2-positif
On estime que 5 à 17% de tous les cancers gastriques sont HER2-positifs. Chez les patient·es atteint·es d’un carcinome gastrique HER2-positif ou d’un adénocarcinome de la jonction gastro-œsophagienne, une chimiothérapie associée au trastuzumab et, selon l’expression de PD-L1, au pembrolizumab, est recommandée en première ligne de traitement. En deuxième ligne de traitement, le ramucirumab combiné au paclitaxel reste une option. L’étude de phaseIII DESTINY-Gastric04 a comparé le trastuzumab déruxtécan (T-DXd) en deuxième ligne de traitement au ramucirumab plus paclitaxel.1
494 patient·es atteint·es d’un cancer gastrique HER2-positif ou d’un adénocarcinome de la jonction gastro-œsophagienne ont été randomisé·es pour recevoir soit le T-DXd, soit le ramucirumab plus paclitaxel. L’âge médian était de 63 à 64 ans; la majorité étaient des hommes (76% et 83% respectivement). Le carcinome gastrique représentait 60 à 62% des cas et l’adénocarcinome de la jonction gastro-œsophagienne 38 à 40%. Un quart des patient·es ont progressé dans les 6 mois suivant la première ligne, et trois quarts après 6 mois. 15 à 16% des patient·es avaient déjà reçu un inhibiteur de point de contrôle immunitaire avant l’étude. Le critère d’évaluation primaire de l’étude DESTINY-Gastric04 était la survie globale (OS).
Dans le bras ramucirumab plus paclitaxel, 21,0% des cas ont ensuite reçu du T-DXd et 4,8% du disitamab vedotin après le traitement de l’étude. Malgré cela, un bénéfice statistiquement significatif et cliniquement pertinent en termes d’OS a été observé avec le T-DXd par rapport au ramucirumab plus paclitaxel: médiane de 14,7 mois contre 11,4 mois (HR: 0,70; IC à 95%: 0,55–0,90; p=0,0044). La survie sans progression (PFS), critère d’évaluation secondaire majeur, a également été prolongée: médiane de 6,7 mois contre 5,6 mois, soit une réduction de 26% du risque de progression (HR: 0,74; IC à 95%: 0,59–0,92; p=0,0074). Le taux de réponse était de 44,3% sous T-DXd contre 29,1% sous ramucirumab plus paclitaxel (p=0,0006) avec une durée médiane de réponse de 7,4 mois contre 5,3 mois.
La durée médiane de traitement était de 5,4 mois versus 4,6 mois, avec une incidence comparable d’effets indésirables associés au traitement ≥grade3 et d’arrêts thérapeutiques. Aucun nouveau signal de sécurité n’a été observé. La qualité de vie a été préservée dans les deux bras de l’étude sans changement cliniquement significatif.
Conclusion
Les résultats de l’étude DESTINY-Gastric04 confirment le trastuzumab déruxtécan comme standard de deuxième ligne pour les patient·es atteint·es d’un carcinome gastrique HER2-positif ou d’un adénocarcinome de la jonction gastro-œsophagienne.
Durvalumab améliore l’effet de FLOT dans le carcinome gastrique résécable
Le schéma FLOT (fluorouracile, leucovorine, oxaliplatine, docétaxel) améliore le pronostic des patient·es atteint·es d’un adénocarcinome résécable de l’estomac ou de la jonction gastro-œsophagienne. L’administration supplémentaire d’un inhibiteur de PD-1 peut prolonger la survie en situation métastatique, mais son intéret en périopératoire restait à démontrer. L’étude MATTERHORN a maintenant évalué le durvalumab, un inhibiteur de PD-L1, en combinaison avec le schéma FLOT.2
Dans cette étude de phaseIII en double aveugle, 948 patient·es ont reçu 2 cycles de FLOT plus durvalumab ou un placebo en néoadjuvant, 2 cycles de FLOT plus durvalumab ou un placebo en adjuvant, suivis de 10 cycles de durvalumab ou d’un placebo. Le critère d’évaluation primaire était la survie sans événement (EFS).
Un taux de résection tumorale de 87% avec durvalumab contre 84% avec placebo a été atteint, avec une résection R0 dans 92% des cas. 52% des patient·es ont terminé le traitement adjuvant avec durvalumab ou un placebo, 61% et 64% respectivement ont complété la chimiothérapie. L’âge médian était de 62 à 63 ans (fourchette de 26 à 84 ans), deux tiers avaient un carcinome gastrique. Un quart des tumeurs étaient de stadeT4 et 69 à 70% des patient·es avaient des ganglions lymphatiques atteints. 90% des tumeurs avaient une expression de PD-L1 ≥1%.
L’étude MATTERHORN a atteint son critère d’évaluation primaire (HR: 0,71; IC à 95%: 0,58–0,86; p<0,001). La médiane de l’EFS n’était pas encore atteinte dans le bras durvalumab, contre 32,8% avec placebo, après un suivi médian de 31,6 mois. Après 18 mois, 73% des patient·es étaient en vie sans événement contre 64%, et après 24 mois, 67% contre 59%. Le bénéfice de l’administration de durvalumab a été observé de manière cohérente dans tous les sous-groupes. Pour l’OS, la médiane était de 47,2 mois dans le bras placebo et n’était pas encore atteinte dans le bras durvalumab. Après 18 mois, 81% des patient·es étaient en vie contre 77%, et après 24 mois, 76% contre 70%. Bien que le seuil de signification pré-spécifié ne soit pas encore atteint (p=0,025), un avantage OS se dessine déjà avec un hazard ratio de 0,78 et un intervalle de confiance de 0,62–0,97. Un taux de rémission complète de 19% contre 7% des patient·es a été observé (p<0,001). Une évaluation de lasurvie sans maladie (DFS) chez les patient·es ayant subi une résection R0 a également confirmé l’avantage de l’administration supplémentaire de durvalumab dans ce groupe (HR: 0,70; IC à 95%: 0,53–0,93). Aucun nouveau signal de sécurité n’a été observé.
Conclusion
L’ajout du durvalumab au schéma FLOT prolonge significativement l’EFS chez les patient·es atteint·es d’adénocarcinome résécable de l’estomac et de la jonction œsophagienne. Le schéma FLOT n’a pas été compromis par l’ajout de durvalumab. Les résultats de l’étude MATTERHORN soutiennent ainsi l’administration périopératoire de durvalumab plus FLOT comme nouveau standard thérapeutique.
Cancer du côlon de stadeIII: l’atezolizumab améliore l’efficacité du FOLFOX6
En adjuvant, le standard pour le cancer du côlon de stadeIII est la fluoropyrimidine associée à l’oxaliplatine, indépendamment du statut de réparation mismatch (MMR). Environ 15% des personnes concernées présentent un déficit du système de réparation mismatch (dMMR), associé à une résistance potentielle aux fluoropyrimidines. L’étude de phaseIII randomisée et ouverte ATOMIC a évalué une immunochimiothérapie combinant mFOLFOX6+atezolizumab (6 mois), suivie d’atezolizumab (6 mois), versus une chimiothérapie seule chez des patient·es atteint·es de cancer du côlon avec dMMR.3
Le critère d’évaluation primaire était la DFS.
Au total, 712 patient·es ont été randomisé·es pour recevoir le mFOLFOX6 avec ou sans atezolizumab. L’âge médian était de 63 à 65 ans, environ un tiers présentaient une tumeur de stadeT4 et/ou N2. La durée moyenne du traitement était de 5,5 mois avec mFOLFOX6 et 10,9 mois avec l’atezolizumab dans le bras expérimental. L’étude a atteint son critère d’évaluation primaire: la DFS a été significativement prolongée par l’ajout d’atezolizumab (HR: 0,50; IC à 95%: 0,34–0,72; p<0,0001). Après 3 ans, 86,4% des patient·es étaient sans maladie par rapport à 76,6%.
Les effets indésirables de grade3–4 liés au traitement étaient plus fréquents dans le bras immunochimiothérapie (72,3% contre 59,2%). Les effets secondaires de grade3–4 les plus courants dans les deux bras de l’étude étaient: neutropénie (43% vs 36%), neuropathie sensorielle périphérique (19% vs 15%), diarrhée (12% vs 8%) et fatigue (10% vs 4%).
Conclusion
L’ajout d’atezolizumab au mFOLFOX6 a réduit de 50% le risque de récidive ou de décès chez les patient·es atteint·es de cancer du côlon de stadeIII avec dMMR. Les résultats de l’étude ATOMIC établissent l’immunochimiothérapie comme nouveau standard thérapeutique dans cette population.
mCRC: nouveau standard de première ligne pour les tumeurs mutées BRAF
Les résultats de l’étude BEACON ont conduit à l’autorisation de l’encorafénib, un inhibiteur de BRAF, en association avec le cétuximab, en deuxième ligne de traitement ou au-delà, chez les personnes atteintes de cancer colorectal métastatique (mCRC) avec mutation BRAF V600E. L’étude de phaseIII BREAKWATER a évalué l’encorafénib+cetuximab, avec ou sans mFOLFOX6, en première ligne. Cet essai randomisé, multicentrique et ouvert à trois bras a inclus 637 patient·es atteint·es de mCRC BRAF V600E muté, traité·es en première ligne par encorafenib+cetuximab ou encorafenib+cetuximab+mFOLFOX6, ou un traitement standard. Les critères d’évaluation co-principaux étaient la PFS et le taux de réponse (ORR) évalués par une revue indépendante.
L’âge médian des patient·es inclus·es dans les trois bras de l’étude était de 59 à 62 ans. Chez 46 à 50%, trois organes ou plus étaient atteints, 60 à 66% présentaient des métastases hépatiques. La tumeur primitive était localisée à gauche dans 38 à 44% des cas, à droite dans 56 à 62%.
Le premier critère d’évaluation co-principal a déjà été atteint: le taux de réponse était statistiquement significatif et cliniquement plus élevé dans la combinaison thérapie ciblée+chimiothérapie. Les données de PFS et d’OS ont été présentées au congrès de l’ASCO.4
L’étude BREAKWATER a également atteint le deuxième critère d’évaluation co-principal. La PFS est passée d’une médiane de 7,1 mois sous traitement standard à 12,8 mois sous thérapie ciblée associée à la chimiothérapie. Le risque de progression ou de décès a été réduit de 47% (HR: 0,53; IC à 95%: 0,41–0,68; p<0,0001). Le bénéfice de PFS a été constant dans tous les sous-groupes examinés. Cet avantage s’est traduit par une amélioration de l’OS. La médiane d’OS était de 30,3 mois avec encorafénib+cétuximab+mFOLFOX6, contre 15,1 mois avec le traitement standard. Le risque de décès a été réduit de 51% (HR: 0,49; IC à 95%: 0,38–0,63; p<0,0001). L’avantage en termes d’OS a également été observé dans tous les sous-groupes examinés. Un taux de réponse de 65,7% a été obtenu (vs 37,4%), avec une durée médiane de réponse de 13,9 mois vs 10,8 mois. Chez 34,8% vs 17,6% des patient·es, les rémissions ont duré ≥12 mois. Les effets indésirables de grade3–4 liés au traitement étaient plus fréquents avec la combinaison (76,3% vs 58,5%). L’ajout d’encorafénib+cétuximab au mFOLFOX6 n’a pas augmenté les interruptions ou réductions de dose de chimiothérapie par rapport au bras standard.
La comparaison encorafénib+cétuximab avec le traitement standard a montré des résultats comparables pour la PFS, avec un taux de réponse numériquement plus élevé (45,6%) et une OS médiane plus longue (19,5 mois) que le standard. Ce schéma sans chimiothérapie induisait moins d’effets indésirables de grade3–4 (15,7% des patient·es seulement). Ainsi, encorafénib+cetuximab peut constituer une option pour les patient·es non éligibles à la chimiothérapie.
Conclusion
Encorafénib+cetuximab+mFOLFOX6 représente un nouveau standard pour le traitement du mCRC BRAF V600E muté. Pour les patient·es de première ligne non éligibles à la chimiothérapie, un traitement par encorafénib+cétuximab peut être envisagé.
Source:
Congrès annuel de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) 2025, 30 mai au 4 juin, Chicago, États-Unis
Littérature:
1 Shitara K et al.: Trastuzumab deruxtecan (T-DXd) vs ramucirumab + paclitaxel in second-line treatment of patients with human epidermal growth factor receptor 2-positive (HER2+) unresectable/metastatic gastric cancer (GC) or gastroesophageal junction adenocarcinoma (GEJA): primary analysis of the randomized, phase 3 DESTINY-Gastric04 study. ASCO 2025; Abstr. #LBA4002 2 Janjigian YY et al.: Event-free survival in MATTERHORN: a randomized, phase 3 study of durvalumab plus 5-fluorouracil, leucovorin, oxaliplatin and docetaxel chemotherapy (FLOT) in resectable gastric/gastroesophageal junction cancer (GC/GEJC). ASCO 2025; Abstr. #LBA5 3 Sinicrope FA et al.: Randomized trial of standard chemotherapy alone or combined with atezolizumab as adjuvant therapy for patients with stage III deficient DNA mismatch repair (dMMR) colon cancer (Alliance A021502; ATOMIC). ASCO 2025; Abstr. #LBA1 4 Elez E et al.: First-line encorafenib + cetuximab + mFOLFOX6 in BRAF V600E-mutant metastatic colorectal cancer (BREAKWATER): progression-free survival and updated overall survival analyses. ASCO 2025; Abstr. #LBA3500
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