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Recherche clinique et mises à jour d’études

Les biomarqueurs en ligne de mire

Les traitements anticancéreux modernes permettent une prise en charge de plus en plus individualisée de la maladie. Cependant, il faut pour cela identifier les patients qui tirent profit des médicaments. Des recherches intensives sont donc menées sur des biomarqueurs susceptibles de prédire une réponse au traitement. Lors de la réunion virtuelle de l’AACR, des données actuelles à ce sujet ont été présentées.

KEYNOTE-048: analyse de sous-groupes

Le score positif combiné (CPS) est calculé à partir de l’expression de PD-L1 sur la tumeur et les cellules T. Il s’agit d’un biomarqueur prédictif de la réponse aux inhibiteurs de PD-1/PD-L1 tels que le pembrolizumab.1 L’étude de phase III KEYNOTE-048 a montré que le pembrolizumab (pembro), en traitement de première intention du cancer de la tête et du cou récidivant/métastatique (HNSCC r/m), est supérieur au régime EXTREME (chimiothérapie + cétuximab): le pembro a prolongé la survie globale (OS) par rapport au régime EXTREME chez les patients présentant un CPS PD-L1 ≥20 et ≥1. Dans la population globale, il n’était pas inférieur à EXTREME en termes d’OS, mais avait le profil d’innocuité le plus favorable. Le traitement de première intention par pembro plus chimiothérapie (chimio) a été associé à une OS supérieure dans les trois populations étudiées par rapport à EXTREME.2
Cette année, l’analyse post-hoc des sous-groupes affichant CPS <1 et CPS 1–19 a été présentée par rapport à CPS ≥20. Il est apparu clairement que l’efficacité du pembro et du pembro + chimio augmentait avec l’augmentation de l’expression de PD-L1 (Fig. 1). Dans le sous-groupe CPS 1–19, les résultats en termes d’OS du pembro + chimio étaient conformes au bénéfice thérapeutique. L’évaluation du groupe ayant un CPS <1 était limitée en raison du petit nombre de patients. Les auteurs ont recommandé des analyses plus poussées pour trouver des marqueurs permettant d’identifier les patients atteints de HNSCC avec une faible expression de PD-L1 qui pourraient néanmoins bénéficier de l’inhibiteur de point de contrôle, par exemple la charge mutationnelle tumorale (CMT).3

La charge mutationnelle tumorale influence l’issue du traitement

Le rapport entre CMT et réponse au traitement par pembro a fait l’objet d’une analyse rétrospective par Razvan Cristescu et ses collègues. 12 études avec le pembro en monothérapie chez des patients ayant des tumeurs solides (KEYNOTE-001, 002, 010, 012, 028, 045, 055, 059, 061, 086, 100, 199) ont été évaluées. Le taux de réponse objective (ORR), la durée de la réponse (DOR), la survie sans progression (PFS) et la survie globale (OS) ont été évalués. La CMT a été déterminée par séquençage de l’exome entier (SEE). Le seuil de CMT a été défini comme 175 mutations/exome.4
Au total, la CMT a été déterminée chez 2234 patients atteints de 24 types de tumeurs, dont 1772 avaient été traités au pembro. Parmi ceux-ci, 433 affichaient une CMT ≥175 mut./exome, 1339 une CMT <175 mut./exome. Les résultats groupés ont démontré une efficacité clinique supérieure du pembro en cas de CMT ≥175 mut./exome, indépendamment du statut PD-L1 et de l’entité tumorale. L’ORR était de 31,4% (≥175 mut./exome) contre 9,5% (<175 mut./exome), p ≤0,016. La DOR médiane n’a pas été atteinte pour une CMT ≥175 mut./exome (contre 12,5 mois). Une CMT plus élevée a également été associée à une meilleure efficacité du pembro en ce qui concerne la PFS (4,2 contre 2,1 mois; p ≤0,005) et l’OS (15,5 contre 10,1 mois; p ≤0,029; Fig. 2).4

Les biomarqueurs dans le cancer du sein avancé

On pense que les mutations de PIK3CA sont responsables de la résistance des cancers du sein HER2-positifs avancé au traitement endocrinien.5

MONARCH-2
L’addition de l’inhibiteur pour CDK4 et CDK6 abémaciclib à l’antagoniste des œstrogènes fulvestrant a permis de vaincre la résistance dans l’étude MONARCH-2. Il en a résulté un avantage de survie cliniquement pertinent et statistiquement significatif de 9,4 mois (p = 0,01) par rapport au fulvestrant plus placebo.6 La PFS était également plus longue sous l’association que dans le bras de contrôle, indépendamment du statut de mutation de PIK3CA, mais avec un avantage numérique plus important chez les porteuses de mutations.7
Cette année, des données sur l’OS, sur la survie sans chimiothérapie (SFC) et sur le délai avant le début d’une chimiothérapie (TTC) chez les patients avec et sans mutation de PIK3CA ont été présentées. Le statut PIK3CA était disponible chez 238 des 669 patientes de la cohorte MONARCH-2. L’abémaciclib plus fulvestrant ont obtenu un avantage comparable sur le plan de l’OS par rapport au placebo chez les patientes présentant une mutation et un type sauvage PIK3CA. Le TTC et la CFS ont également été prolongés dans les deux sous-groupes par l’addition d’abémaciclib. Une différence statistiquement significative entre les patientes présentant une mutation et un type sauvage PIK3CA n’a pas pu être détectée, ce qui pourrait être dû au petit nombre de patients, selon les auteurs. Ils recommandent donc des études prospectives supplémentaires et suffisamment dotées.8

NeoALTTO
Mattia Rediti et ses collègues ont étudié le rôle des répertoires de récepteurs de cellules T et B (TCR, BCR) dans les récidives du cancer du sein HER2-positif. Le contexte: de nombreuses patientes atteintes de cancers du sein HER2-positifs subissent des récidives, non seulement en cas de maladie résiduelle (MR) après un traitement néoadjuvant, mais également en cas de rémission complète pathologique (RCp). Le système de défense immunitaire de l’organisme joue un rôle clé dans l’efficacité des médicaments utilisés. Les scientifiques ont analysé les données de l’étude NeoALTTO. Les données du séquençage original de l’ARN (RNAseq) des biopsies de tumeurs de 254 des 455 participantes à l’étude étaient disponibles. 166 de ces patientes n’ont pas atteint une RCp, définie comme ypT0/is. Les données de RNAseq matchées d’échantillons de MR étaient disponibles pour 43 patientes. Les répertoires TCR/BCR ont été extraits des données de RNAseq.9
Les RCB distribuées de manière égale étaient associées à une survie sans événement (EFS) plus courte. Un modèle impliquant la distribution égale des BCR, les lymphocytes infiltrant les tumeurs stromales (sTIL), le statut RCp/MR et le statut des récepteurs des œstrogènes permet d’identifier les patientes ayant un pronostic bon, moyen et mauvais (taux d’EFS à 5 ans de 95%, 80% et 58%, respectivement), qu’elles présentent une MR ou une RCp. Une évaluation plus approfondie est recommandée, concluent les auteurs.9

La signature d’expression de gènes comme marqueur prédictif en cas de mélanome

Dans le traitement du mélanome malin avancé (stade III), un traitement adjuvant systémique est désormais administré, selon une procédure de routine, suite à la résection de la tumeur. Cependant, on manque de biomarqueurs pour identifier les patients à haut risque de métastases et pour éviter à tous les autres des effets secondaires potentiellement irréversibles.
Pour combler cette lacune, des scientifiques britanniques ont analysé 194 séquences d’ARN de mélanomes de stade IIB-IIIC. Ils provenaient de patients ayant participé à l’étude AVAST-M. 89 de ces patients avaient développé des métastases à distance, 105 n’avaient pas de métastases. Les chercheurs ont trouvé des gènes associés à un développement de métastases, dont 121 ont été validés en externe et regroupés pour former la signature de gènes prédictive «Cam_121». La valeur prédictive de la signature a été testée à l’aide de divers modèles d’auto-apprentissage. En outre, la survie spécifique au mélanome (MSS) a été validée dans une étude de cohorte externe et indépendante menée auprès de 687 participants.10
La signature de gènes a permis de distinguer les patients avec et sans métastases à distance avec une sensibilité de 0,64, une spécificité de 0,79 et une précision de 0,72. La signature était en outre en corrélation avec la PFS, l’OS et la MSS. Le score médian d’expression de la signature était également corrélé positivement avec les mesures des cellules immunitaires infiltrantes, un score plus faible étant associé à une infiltration lymphocytaire plus faible et donc à un pronostic à long terme plus défavorable. Cam_121 était supérieure aux autres signatures prédictives actuellement disponibles.10

Mises à jour et analyses post-hoc

Des mises à jour et des analyses post-hoc ont été présentées au sujet de plusieurs études, dont l’étude CheckMate 221, Part 1, sur le nivolumab (nivo) plus ipilimumab (ipi) dans le cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) avancé.

CheckMate 221, Part 1
La combinaison nivo + ipi avait augmenté l’OS par rapport à la chimiothérapie chez les patients ayant une expression de PD-L1 ≥1%, et dans une moindre mesure chez les patients ayant une expression de PD-L1 <1%.11, 12 Cette année, une analyse post-hoc a été présentée. L’efficacité et l’innocuité du nivo + ipi chez des patients atteints de CPNPC avec ou sans métastases cérébrales au moment du diagnostic ont été étudiées.13 Environ 8% des patients atteints de CPNPC ont déjà des métastases cérébrales au moment du diagnostic, ce qui aggrave leur pronostic.14, 15
Le nivo + ipi était supérieur à la chimiothérapie en termes d’OS, tant chez les patients avec (HR: 0,60) que chez ceux sans métastases cérébrales (HR: 0,77). Les patients présentant des métastases cérébrales et une expression de PD-L1 ≥1% ont particulièrement bénéficié du nivo + ipi (Fig. 3). PFS, ORR et DOR étaient également favorables au nivo + ipi et étaient comparables chez les patients avec et sans métastases cérébrales. Ainsi, les taux d’OS sur trois ans étaient supérieurs à 30% dans les deux populations. Le profil d’innocuité correspondait à celui des évaluations précédentes.13

IMpower 133
Une mise à jour sur l’OS et une analyse exploratoire ont également été présentées pour l’étude IMpower 133. Elle a été conçue pour répondre au besoin d’un traitement de première intention efficace du cancer du poumon à petites cellules (CPPC) métastatique avancé. Au moment du diagnostic, le CPPC se trouve, dans de nombreux cas, déjà à un stade avancé («extensive stage», ES) avec des taux de survie à 5 ans inférieurs à 7%.16 La norme de traitement du CPPC ES était jusqu’à présent une chimiothérapie à base de platine, qui permet d’obtenir des taux de réponse initialement élevés mais qui n’entraîne qu’une survie médiane de 10 mois.17 Dans l’étude IMpower 133, l’inhibiteur de PD-L1 atézolizumab (atézo) associé au carboplatine et à l’étoposide (CP/ET) a été testé contre un placebo + CP/ET en cas de CPPC ES. Sur une période de suivi de près de 14 mois, l’association avec atézo avait considérablement prolongé la durée de l’OS et de la PFS.18 Une mise à jour des données d’OS a été présentée à l’issue d’un suivi supplémentaire de neuf mois. L’atézo + CP/ET demeurait supérieur à la chimiothérapie: l’OS était de 12,3 mois dans le bras atézo (contre 10,3 mois; HR: 0,76). Parmi les patients du bras atézo, au mois 18, environ 13% de plus étaient en vie que dans le bras de comparaison (34 contre 21%). Dans une analyse exploratoire, l’OS a été étudiée en conjonction avec l’expression de PD-L1 et la CMT. Il s’est avéré que les deux ne sont pas prédictifs du succès d’un traitement et ne devraient donc pas être utilisés pour la sélection des patients.19

Tumor Treating Fields (TTFields)
Les TTFields sont des champs électriques alternatifs antimitotiques de faible intensité et de moyenne fréquence qui interviennent dans la division cellulaire des glioblastomes. Ils sont appliqués de manière non invasive à l’aide d’un appareil portable. Dans l’étude de phase III EF-14, les TTFields ont été utilisés comme traitement d’entretien en association avec la chimiothérapie au témozolomide et ont été testés contre le témozolomide en monothérapie chez des patients atteints de glioblastomes après résection ou biopsie de la tumeur et radiochimiothérapie concomitante. Ils ont prolongé l’OS et la PFS de façon significative: dans le bras TTFields, l’OS était de 20,9 mois (contre 16 mois; p <0,001), la PFS était de 6,7 contre 4 mois (p <0,001).20 À l’AACR, les résultats d’une analyse de sous-groupes de l’étude EF-14 chez les patients âgés de plus de 65 ans ont été présentés. Le contexte: les patients plus âgés ont généralement un pronostic plus défavorable et ne peuvent souvent pas recevoir le traitement complet. L’analyse a porté sur l’ensemble des 134 patients de l’étude EF-14 de plus de 65 ans (65–83 ans). Les deux bras de l’étude ont été à nouveau comparés en ce qui concerne l’OS, la PFS et les effets indésirables. L’application supplémentaire de TTFields a également prolongé la durée de l’OS et de la SSP dans ce groupe de patients par rapport à la chimiothérapie seule. La PFS médiane dans le groupe TTFields était de 6,5 mois (contre 3,9 mois; p <0,02), l’OS était de 17,4 mois (contre 13,7 mois; p <0,02). On a également constaté une différence entre les patients qui appliquaient TTFields au moins 18 heures par jour et ceux qui l’utilisaient moins de 18 heures. Les patients à haut niveau d’observance thérapeutique ont atteint une OS médiane de 21,3 mois (contre 12,5 mois; p=0,007) et une PFS de 7,8 mois (contre 5,3 mois; p=0,07). Le taux d’OS à trois ans était presque deux fois plus élevé dans le groupe à haut niveau d’observance thérapeutique que dans le groupe à faible niveau d’observance thérapeutique (21,1% contre 12,3%; p=0,06). Les auteurs ont conclu de ces résultats que l’utilisation supplémentaire de TTFields est un traitement efficace et sûr pour les patients âgés atteints de glioblastome.21

Compte-rendu:
Dr Corina Ringsell

Source:
AACR Virtual Meeting II, 22–24 juin 2020

1 Cohen EEW et al.: J Immunother Cancer 2019; 7: 184 2 Burtness B et al.: Lancet 2019; 394: 1915-28 3 Burtness B et al.: AACR 2020, Abstr. LB258 4 Cristescu R et al.: AACR 2020, Abstr. LB261 5 Araki K, Miyoshi Y: Breast Cancer 2018; 25: 392-401 6 Sledge GW et al.: JAMA Oncology 2019; 6: 116-24 7 Tolaney SM et al.: Cancer Res 2019; 79(13 Suppl ): Abstr. 4458 8 Tolaney SM et al.: AACR 2020, Abstr. 766 9 Rediti M et al.: AACR 2020, Abstr. 1998 10 Garg M et al.: AACR 2020, Abstr. LB-274 11 Hellmann MD et al.: N Engl J Med 2018; 378: 2093-104 12 Hellmann MD et al.: N Engl J Med 2019; 381: 2020-31 13 Borghaei H et al.: AACR 2020, Abstr. CT221 14 Waqar SN et al.: Am J Clin Oncol 2018; 41: 36-40 15 Sperduto PW et al.: JAMA Oncol 2017; 3: 827-31 16 Bernhardt EB, Jalal SI: Cancer Treat Rep 2016; 170: 301-22 17 Foster NR et al.: J Thorac Oncol 2015; 10: 1099-106 18 Horn L et al.: N Engl J Med 2018; 379: 2220-9 19 Horn L et al.: AACR 2020, Abstr. CT220 20 Stupp R et al.: JAMA 2017; 318: 2306-16 21 Ram Z, Zhu JJ: AACR 2020, Abstr. CT219

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