Médicaments de la douleur chronique: quelle place, quels risques?
Auteure:
Prof. Dre méd. Marie Besson
Service de pharmacologie et toxicologie cliniques
Hôpitaux Universitaires de Genève
Gabrielle Perret-Gentil 4
1211 Genève 14
E-Mail: marie.besson@hcuge.ch
Vielen Dank für Ihr Interesse!
Einige Inhalte sind aufgrund rechtlicher Bestimmungen nur für registrierte Nutzer bzw. medizinisches Fachpersonal zugänglich.
Sie sind bereits registriert?
Loggen Sie sich mit Ihrem Universimed-Benutzerkonto ein:
Sie sind noch nicht registriert?
Registrieren Sie sich jetzt kostenlos auf universimed.com und erhalten Sie Zugang zu allen Artikeln, bewerten Sie Inhalte und speichern Sie interessante Beiträge in Ihrem persönlichen Bereich
zum späteren Lesen. Ihre Registrierung ist für alle Unversimed-Portale gültig. (inkl. allgemeineplus.at & med-Diplom.at)
Le traitement médicamenteux de la douleur chronique doit s’intégrer dans une prise en charge multimodale visant avant tout le maintien de la capacité fonctionnelle et la gestion de la douleur au quotidien. Moyennant de fixer des objectifs clairs et de tenir compte de la balance bénéfice/risque, des options médicamenteuses existent et sont détaillées ici.
Keypoints
-
Le traitement médicamenteux de la douleur chronique s’intègre dans une prise en charge multimodale.
-
L’objectif principal est le maintien de la capacité fonctionnelle et la gestion de la douleur au quotidien.
-
Les gabapentinoïdes et les antidépresseurs ont une efficacité démontrée sur certains mécanismes physiopathologique de la douleur chronique.
-
Les opioïdes et les cannabinoïdes peuvent être considérés sur une base individuelle.
Indépendamment de son origine, la douleur chronique peut être définie comme une douleur qui persiste plus de trois mois, a des répercussions fonctionnelles majeures, entraine une souffrance émotionnelle1 et qui n’a plus la vertu protectrice de signal d’alarme que possède la douleur aigue.2
La douleur chronique est une pathologie complexe, multifactorielle, dotée d’une forte composante psychosociale mais s’agissant du traitement médicamenteux, c’est le phénomène de sensibilisation centrale qu’on vise. Ce phénomène implique une amplification de la transmission du signal douloureux à chaque étape de son parcours, depuis les nocicepteurs jusqu’aux centres supérieurs du système nerveux central, en passant par la corne dorsale de la moelle épinière, niveau où ce phénomène a été le plus étudié.3 Les traitements médicamenteux de la douleur chronique, comme d’autres traitement non médicamenteux d’ailleurs, vont donc avoir pour objectif de limiter l’excitabilité: les antiépileptiques par exemple; ou de renforcer les voies inhibitrices: certains antidépresseurs.4
Il est à relever que compte tenu de la nature multifactorielle de la douleur chronique, la place du traitement médicamenteux n’est que restreinte et dans les populations où on dispose de chiffres, on estime en moyenne que le médicament permet de diminuer la douleur de 50% chez la moitié des patient.5
Médicaments de la douleur chronique
Gabapentinoïdes
La prégabaline et la gabapentine sont les antiépileptiques les plus utilisés dans le traitement de la douleur chronique, ils agissent sur des récepteurs calciques présynaptiques au niveau de la corne dorsale de la moelle. Ils ont essentiellement été étudiés dans la douleur neuropathique mais aux Etats-unis, la prégabaline a aussi l’indication pour le traitement de la fibromyalgie.6
En Suisse, la prégabaline a également une indication dans le traitement du trouble anxieux généralisé7 et cet effet anxiolytique peut être bénéfique dans le contexte de la prise en soin de la douleur chronique.
Les effets indésirables cliniquement pertinents des gabapentinoïdes comprennent la somnolence et une sensation de vertige, ainsi qu’une prise de poids et des œdèmes périphériques.7 Par ailleurs, une préoccupation émergente concerne leur potentiel de détournement et d’addiction. En effet, en raison de l’attention portée à la limitation de la prescription d’opioïdes dans la douleur chronique, en lien avec la crise observée aux Etats-Unis, les gabapentinoïdes sont de plus en plus prescrits et les données actuelles confirment que cette classe médicamenteuse devrait être surveillée pour son potentiel de mésusage.8
Antidépresseurs
Initialement les antidépresseurs utilisés dans la douleur chronique étaient les antidépresseurs tricycliques, premiers à être étudiés, notamment dans la douleur neuropathique.5 Leur profil de tolérance les ont fait progressivement abandonner au profit des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et noradrénaline, tels que la venlafaxine et la duloxétine. À relever qu’en Suisse, seule la duloxétine a une indication pour la douleur neuropathique.7 Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, largement utilisés dans la dépression ne possèdent pas d’activité antalgique propre.9
Les effets indésirables limitant leur utilisation clinique sont leur délai d’action, de l’ordre de deux à quatre semaine et des effets indésirables digestifs tels que nausées et vomissement. Etant psychotropes, ils peuvent entrainer une somnolence ou au contraire une agitation mais ils sont en général bien tolérés.
Au plan pharmacocinétique, ils sont métabolisés par le foie, empruntant des voies pouvant être soumises à un polymorphisme génétique ou à une variabilité de leur activité en lien avec une interaction médicamenteuse. Dès lors, en cas d’inefficacité ou au contraire de toxicité marquée une mesure de concentration plasmatique est recommandée et une exploration plus poussée de l’activité des voies métaboliques (génotypage, phénotypage) est à discuter avec un.e pharmacologue clinique.
Et les opioïdes?
Si l’efficacité antalgique des opioïdes ne fait pas de doute dans la douleur aigüe, il n’en va pas de même dans la douleur chronique. Ainsi, globalement, dans les lombalgies chroniques, les douleurs arthrosiques ou la douleur neuropathique, on observe une diminution de 30% de l’intensité des douleurs, se manifestant essentiellement ou repos mais moins à la mobilisation et pas ou peu de répercussion sur la capacité fonctionnelle.10En plus des effets indésirables aigus, tels que somnolence, sensation ébrieuse, nausées/vomissements et constipation, les opioïdes peuvent être associés, en cas d’utilisation prolongée, à des endocrinopathies, touchant l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique, un risque d’ostéoporose et surtout à un phénomène de tolérance, entrainant un mésusage, potentiellement un abus, voire une addiction.10
Ce risque a été particulièrement mis en lumière par la crise des opioïdes aux Etats-Unis qui consiste en une augmentation de près de trois fois des prescriptions des opioides entre les années nonante et la première décade des années deux-mille, allant de pair avec une augmentation proportionnelle de décès attribués à ces molécules.11 En Suisse, on observe également une augmentation des prescriptions d’antalgiques12 et d’opioïdes12,13 notamment, pendant la même période, en lien avec une meilleure reconnaissance de la douleur et de la nécessité de sa prise en charge. Néanmoins la réglementation de la prescription, le remboursement des thérapies non médicamenteuses, la création de programmes de prise en soin de l’addiction et l’information aux professionnels de santé et au grand public sont certainement des facteurs protecteurs de la dérive observée aux Etats-Unis. Le Tableau 1 reprend les principales recommandations à respecter lorsqu’on prescrit des opioïdes.14
Tab. 1: d’après Besson et Desmeules14, Dowell et al.18 et Frieden et Houry19
Et les cannabinoides?
Les cannabinoides suscitent un intérêt croissant dans la prise en charge de la douleur chronique et font l’objet d’un certain engouement des patient.e.s. Il existe des centaines de composés cannabinoides exogènes mais ceux d’intérêt pour le traitement de la douleur sont le tetrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CDB). Le THC est un composé psychoactif, soumis en Suisse à la Loi sur les stupéfiants et dont la consommation est illégale s’agissant de préparations qui en contiennent plus de 1%. Il est commercialisé en Suisse pour usage médical et dans l’indication de la spasticité dans la sclérose en plaque.7 Toutefois l’office fédéral de la santé public (OFSP) accorde des autorisations d’utilisation hors indication pour les douleurs chroniques, sur la base d’une demande du médecin traitant et valables pour une année.15 Il est également nécessaire de faire une demande de remboursement auprès de l’assurance maladie. Le CBD est un composé non psychoactif, non soumis à la Loi sur les stupéfiants et disponible sous forme de préparation magistrale ou en vente libre. Dans ce dernier cas de figure, il est parfois difficile de s’assure de la teneur en CBD de la préparation. Récemment il a aussi été commercialisé dans l’indication du traitement de certaines formes d’épilepsies infantiles.7
Les données de la littérature montrent globalement un résultat modeste des cannabinoides en termes d’efficacité (24 [15–61] patients à traiter en moyenne pour obtenir 30% de diminution de la douleur chez 1 patient) avec un nombre non négligeable d’effets indésirables (6 [5–8] patients à traiter pour la survenue d’un effet indésirable).16 Néanmoins, certains auteurs proposent de faire un essai après échec des autres mesures thérapeutiques.17 Les principaux effets indésirables du THC sont une fatigue, une somnolence, une euphorie ou au contraire une dépression, des vertiges, une désorientation et des troubles cognitifs ou perte de mémoire. Les CBD semble globalement bien toléré, une perte d’appétit est toutefois spécifiquement rapportée.7
Conclusion
Le traitement médicamenteux de la douleur chronique doit s’intégrer dans une prise en charge multimodale visant avant tout le maintien de la capacité fonctionnelle par des approches physiques et l’apprentissage de stratégies visant à mieux gérer sa douleur au quotidien: mobilisation des ressources personnelles des patient.e.s au moyen d’approche complémentaires telles que l’hypnose ou la relaxation par exemple ou approche psychothérapeutiques. Moyennant un cadre de prescription, tenant compte des effets indésirables des différentes classes thérapeutiques en fonction des comorbidités et fixant des objectifs réalistes et discutés avec les patient.e.s, les gabapentinoïdes et les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline sont des options à considérer. La place des opioïdes et des cannabinoïdes est plus discutée mais ils peuvent être envisagés sur une base individuelle.
Littérature:
1 1 Nicholas M et al.: The IASP classification of chronic pain for ICD-11: chronic primary pain. Pain 2019; 160: 28-37 2 Treede RD et al.: Chronic pain as a symptom or a disease: the IASP Classification of Chronic Pain for the International Classification of Diseases (ICD-11). Pain 2019; 160: 19-27 3 Costigan M et al.: Neuropathic pain: a maladaptive response of the nervous system to damage. Annu Rev Neurosci 2009; 32: 1-32 4 Finnerup NB: Nonnarcotic methods of pain management. N Engl J Med 2019; 380: 2440-8 5 Attal N et al.: EFNS guidelines on the pharmacological treatment of neuropathic pain: 2010 revision. Eur J Neurol 2010; 17: 1113-e88 6 http://www.micromedexsolutions.com/home/dispatch [cited December 2009] 7 Swissmedic. Information sur le médicament. http://www.swissmedicinfo.ch/ 8 Hofmann M, Besson M: Gabapentinoids: The rise of a new misuse epidemics? Psychiatry Res 2021; 305: 114193 9 Nijs J et al.: Treatment of central sensitization in patients with chronic pain: time for change? Expert Opin Pharmacother 2019; 20: 1961-70 10 Volkow N et al.: Use and misuse of opioids in chronic pain. Annu Rev Med 2018; 69: 451-65 11 The joint commission: Pain assessment and management standards. https://www.jointcommission.org/resources/patient-safety-topics/pain-management-standards-for-accredited-organizations/ 12 Wertli MM et al.: Changes over time in prescription practices of pain medications in Switzerland between 2006 and 2013: an analysis of insurance claims. BMC Health Serv Res 2017; 17: 167 13 Ruchat D et al.: [Opioid consumption from 1985 to 2015: The situation in Switzerland, with an international comparison]. Rev Med Suisse 2018; 14: 1262-6 14 Besson M, Desmeules J: Opioïdes dans les douleurs chroniques non cancéreuses. Prim Hosp Care Med Int Gen 2017; 17: 236-8 15 OFSP. Office Fédéral de la Santé Publique: https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/medizin-und-forschung/heilmittel/med-anwend-cannabis.html 16 Stockings E et al.: Cannabis and cannabinoids for the treatment of people with chronic noncancer pain conditions: a systematic review and meta-analysis of controlled and observational studies. Pain 2018; 159: 1932-54 17 Busse JW et al.: Medical cannabis or cannabinoids for chronic pain: a clinical practice guideline. BMJ 2021; 374: n2040 18 Dowell D et al.: CDC guideline for prescribing opioids for chronic pain--United States, 2016. JAMA 2016; 315: 1624-45 19Frieden TR, Houry D: Reducing the risks of relief--The CDC opioid-prescribing guideline. N Engl J Med 2016; 374: 1501-4
Das könnte Sie auch interessieren:
Soleil et prévention cardiovasculaire
Il semble que le moment soit venu de réévaluer la situation: alors que le soleil était autrefois surtout connu pour ses bienfaits, il a fait l’objet d’une diabolisation ces dernières ...
Myocardite aiguë et cardiomyopathies inflammatoires
La myocardite aiguë et les cardiomyopathies inflammatoires sont des maladies complexes du myocarde qui nécessitent une classification étiologique et peuvent avoir des conséquences à long ...
Le rôle de l’imagerie dans la sarcoïdose cardiaque
La sarcoïdose cardiaque est une maladie cardiaque inflammatoire rare, mais importante. Le tableau clinique peut être très variable, allant de manifestations subcliniques à une gêne ...