Actualités sur les hépatopathies

Intitulé «Best of EASL», l’hépatologue saint-gallois et médecin-chef adjoint de l’Hôpital cantonal PD Dr méd. Dr rer. nat. David Semela a présenté au congrès annuel de la Société Suisse de Gastroentérologie une sélection d’articles de recherche importants sur le Covid-19 et les maladies du foie, l’hépatite C et l’hépatite D, qui ont été discutés lors du Congrès International sur le Foie.

Dans le cadre de l’«International Liver Congress» (ILC) de l’«European Association for the Study of the Liver» (EASL) les nouvelles lignes directrices de l’EASL sur l’utilisation des tests non invasifs pour l’évaluation des maladies du foie ont été présentées.¹ Un extrait de ces lignes directrices concerne l’évaluation des patients de la médecine interne familiale qui présentent un risque accru de maladie chronique du foie. Comme le montre l’algorithme, la probabilité de la présence d’une hépatopathie peut déjà être déterminée par le calcul automatique de l’indice FIB-4 à partir de l’âge, de l’AST, de l’ALT et du nombre de plaquettes, suivi d’un examen d’élastographie (Fig. 1).

Fig. 1: Évaluation des patients à risque à l’aide de tests non invasifs dans un cabinet de médecine interne familiale¹

Covid-19: les hépatopathies chroniques augmentent le risque de décès

Avec plusieurs dizaines de résumés, le sujet «Covid-19 et le foie» a été l’un des «hot topics» de l’ILC. Une étude réalisée en Angleterre examinant les conséquences d’une consommation accrue d’alcool pendant la période de confinement liée à la pandémie a révélé une augmentation significative des maladies du foie liées à l’alcool pendant cette période. Par rapport à la même période de l’année précédente, les cas d’intoxication alcoolique dans les services d’urgence ont augmenté de 49%, les crises d’épilepsie dues au sevrage alcoolique de 190% et les cas d’insuffisance hépatique liée à l’alcool de 77%. Une augmentation significative a également été observée dans l’hépatite alcoolique et la cirrhose du foie.² Une étude française, également présentée à l’ILC, a identifié l’hépatopathie chronique et le trouble de l’usage de l’alcool comme des facteurs de risque indépendants pour la progression fatale du Covid-19. L’étude, qui a analysé les données de plus de 180000 patients ayant reçu un diagnostic de Covid-19, a révélé une maladie hépatique chronique chez 8,7% des patients (16338). Parmi ces patients, environ un quart est décédé d’une complication liée au foie. Parmi les plus de 10000 patients souffrant d’un trouble de la consommation d’alcool, le Covid-19 a été mortel dans environ 8% des cas. Dans environ 50% des cas, une complication hépatique en était la cause.³

Les trois grandes études publiées dans le «Journal of Hepatology» et portant sur la survenue du Covid-19 chez les patients atteints d’hépatopathies chroniques ont également été discutées lors du congrès. L’une de ces études avait inclus 745 patients atteints d’une infection par le SARS-CoV-2 et d’une maladie hépatique chronique, dont la moitié environ souffrait de cirrhose. Comme l’ont montré les résultats, la mortalité était de 32% chez les patients atteints de cirrhose, contre 8% chez les autres. La mortalité augmentait avec le score de Child-Pugh et était de 19% dans la catégorie A, de 35% dans la catégorie B et de 51% dans la catégorie C de la cirrhose.⁴«Ces résultats d’étude ont également été en partie à l’origine, en Suisse, de la classification des patients atteints d’hépatopathie chronique comme étant à risque et de leur vaccination contre le Covid-19 à un stade précoce», a déclaré D.Semela.

Cholangiopathie post-Covid-19 – une nouvelle entité

Un tout nouveau tableau clinique en rapport avec la pandémie est la cholangiopathie post-Covid-19.⁵ Le tableau clinique ressemble à celui d’une cholangite secondaire grave. Une série de cas de cinq patients a montré que la cholangiopathie est survenue en moyenne six mois après une évolution sévère du Covid-19, comprenant un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) et une intubation. Deux patients sont décédés des suites de la maladie. Chez les autres, une septicémie biliaire et le développement d’une hypertension portale sont survenus à plusieurs reprises. La cause de la maladie n’est pas claire. Il existe plusieurs hypothèses, dont celle d’une atteinte directe des cholangiocytes par le SARS-CoV-2. Un lien avec la kétamine utilisée pour la sédation est également évoqué. La kétamine est généralement un médicament de deuxième ligne pour la sédation prolongée chez les patients atteints de SDRA, qui a été utilisé plus fréquemment en raison des problèmes d’approvisionnement pendant la pandémie.

Hépatite D – nouvelle approche thérapeutique

Deux études cliniques sur l’efficacité du bulevirtide dans les infections par le virus de l’hépatite D (VHD) ont été présentées au congrès. La substance active se lie au récepteur cible sur les cellules du foie et empêche ainsi la pénétration du VHD (et du VHB). La substance active, qui a initialement reçu une approbation conditionnelle de l’EMA, est utilisée en monothérapie ou en association avec l’interféron pégylé (PEG-INF) et/ou le ténofovir pour le traitement de l’hépatite D. Dans l’étude multicentrique ouverte de phase II MYR204, une thérapie combinée de 24 semaines avec le bulevirtide et le PEG-INF a entraîné une suppression significativement plus importante de la réplication virale que la monothérapie avec le bulevirtide ou le PEG-INF.⁶ En revanche, les ALT se sont normalisées plus fréquemment chez les patients traités avec le bulevirtide en monothérapie. «Une explication pourrait être que l’association avec l’interféron empêche la normalisation de l’ALT», a déclaré le spécialiste. Dans l’étude de phase III MYR301, qui a comparé le bulevirtide en monothérapie à deux doses différentes, la réponse virologique et la normalisation des ALT après 24 semaines étaient comparables pour les deux doses.⁷

Hépatite C – les objectifs de l’OMS sont mis sous pression

Outre l’énorme impact direct sur la santé, la pandémie de SARS-CoV-2 a également une multitude de conséquences indirectes sur la santé qui n’apparaîtront que bien plus tard. Le déclin du dépistage et du traitement de l’hépatite C, qui a conduit de nombreux pays à ne pas atteindre les objectifs de l’OMS, en est un exemple. Des informations importantes pour la gestion à long terme des patients atteints d’hépatite C sont fournies par une étude du registre allemand de l’hépatite C (DHC-R). Cette étude a permis de suivre plus de 10000 patients, dont environ un tiers souffraient de cirrhose, qui avaient été traités avec succès par un DAA (médicament antiviral direct) pendant une période allant jusqu’à sept ans.⁸ Comme les auteurs ont pu le montrer, des complications cliniques associées au foie, telles que la décompensation, le carcinome hépatocellulaire (CHC) ou la nécessité d’une transplantation hépatique, sont survenues chez 416 (5,7%) patients au cours de l’étude. Avec une incidence annuelle de 1,2% au cours des deux premières années suivant le traitement antiviral, le risque de CHC était le plus élevé chez les patients atteints de cirrhose du foie. «Cela signifie qu’il faut continuer à suivre les patients même après une thérapie réussie», a déclaré D. Semela.

Anémie ferriprive dans la cirrhose du foie – traitement parentéral

L’anémie ferriprive est souvent un symptôme accompagnant la cirrhose du foie. La cause en est une perte de sang chronique due à une hypertension portale. On ne sait toujours pas si le déficit en fer doit être traité de préférence par voie orale ou intraveineuse (i.v.). Parmi les mises en garde contre la supplémentation en fer par voie orale figure le risque de constipation avec le risque d’encéphalopathie hépatique. Une étude présentée comme «Late Breaking News» a examiné l’influence de la substitution martiale orale par rapport à la substitution martiale i.v. sur les taux d’hémoglobine, l’hémodynamique, la fonction rénale et la survie du patient chez les patients atteints de cirrhose du foie (score de Child-Pugh ≤12) et ayant une hémoglobine <12g/dl.⁹ Il a été démontré que la carence martiale pouvait être traitée avec succès avec une supplémentation en fer parentérale mais pas avec une supplémentation en fer perorale. La substitution martiale i.v. a été bien tolérée et a permis d’améliorer l’hémodynamique, la fonction rénale et le pronostic des patients par rapport à la thérapie martiale orale.