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Traumatologie

À quoi faut-il veiller en cas d’entorse de la cheville?

Le médecin de famille est souvent le premier interlocuteur en cas d’entorse de la cheville. À quoi faut-il veiller lors de l’examen exploratoire et au cours du traitement et comment réduire le risque d’instabilité chronique? Nous en avons discuté avec le Dr méd. Georg Klammer de l’Institut du pied de Zurich.

Quels sont les défis à relever lors du traitement d’une entorse de l’articulation talocrurale??

G. Klammer: L’entorse de l’articulation talocrurale est extrêmement fréquente: la prévalence au cours de la vie est estimée à 70%, et elle représente en outre environ 30% de toutes les lésions survenant lors d’une activité sportive. L’entorse de la cheville englobe un large éventail de lésions. Ces dernières vont de l’élongation d’un seul ligament à la rupture de plusieurs ligaments, parfois associée à une implication osseuse. Après l’événement, entre 10% et 80% des personnes souffrent de troubles persistants. Le défi consiste à identifier précocement les structures susceptibles d’être impliquées et à mettre en place, en conséquence, des mesures de traitement rapides ou modérées.

Existe-t-il des facteurs de risque pour une entorse (répétée) de l’articulation talocrurale?

G. Klammer: Outre des facteurs prédisposants tels que l’hyperlaxité et le pied creux, la sévérité de la lésion initiale joue un rôle dans la probabilité de survenue d’une nouvelle entorse. Une lésion ligamentaire simple entraînera probablement moins souvent des problèmes chroniques que la lésion de plusieurs ligaments. Une implication de la syndesmose est également défavorable au pronostic. Environ 30% des personnes souffrant d’une lésion ligamentaire importante présentent une instabilité objectivable après un an.

Quelle est la procédure que vous recommandez lors de l’examen exploratoire?

G. Klammer: Tout d’abord, il convient de se renseigner sur le mécanisme de l’accident, car il donne des informations sur l’énergie qui a conduit au traumatisme.

La phase post-événement directe fournit également des informations importantes: le patient a-t-il été encore en mesure, dans l’immédiat, de solliciter son pied ou n’était-ce plus possible? L’aspect du pied trompe parfois sur l’ampleur de la lésion. Un examen structuré est important afin d’exclure une implication importante de la syndesmose ou une fracture de la fibula. En cas d’entorse, il faut toujours penser à une lésion de l’articulation talo-calcanonéo-naviculaire ou à une lésion de l’articulation de Chopart ou de Lisfranc. Ces lésions surviennent de manière caractéristique chez les femmes qui se foulent la cheville avec des talons hauts.

Quand une imagerie est-elle indiquée?

G. Klammer: Les règles d’Ottawa pour les traumatismes de la cheville/du pied, qui permettent d’évaluer la probabilité d’une fracture, constituent une aide importante à la décision. Si les critères qui y sont mentionnés sont remplis, il convient de procéder à un examen diagnostique radiographique (Fig. 1).

Fig. 1: Critères d’un examen diagnostique radiologique selon les règles d’Ottawa pour les traumatismes de la cheville/du pied (d’après Bachmann et al.)1

Si la radiographie est normale, dans la plupart des cas, une imagerie élargie directe n’est pas indispensable. En particulier lors de la phase post-traumatique précoce, la gravité de la lésion est souvent surestimée à l’IRM, en raison de l’hématome et de l’œdème. En règle générale, il est judicieux d’attendre la résolution de la phase inflammatoire initiale avant de décider de réaliser une IRM ou une TDM.

Comment prendre en charge la lésion?

G. Klammer: Au début, des mesures générales telles que l’immobilisation et l’inhibition de l’inflammation sont indiquées. Souvent, on ne peut toutefois pas encore dire, lors de la première consultation, quel traitement est vraiment nécessaire. Dans de tels cas, un contrôle après 5 à 7 jours apporte beaucoup plus de clarté. En principe, une lésion purement ligamentaire est bien prise en charge par la pose d’une attelle ou d’un plâtre. Si l’on soupçonne une lésion plus grave, y compris une lésion du ligament interne, je privilégie une orthèse souple amovible pour une meilleure stabilité. S’il n’y a pas de lésions associées, telles qu’une fracture, une lésion du cartilage ou de la syndesmose, le patient peut solliciter pleinement son pied dès que les troubles le permettent.

À quoi faut-il penser lorsque le tableau clinique n’est pas clair?

G. Klammer: Lorsque l’IRM ne révèle pas de séquelles traumatiques, telles qu’une contusion osseuse, qui sont assez fréquentes et par ailleurs difficiles à diagnostiquer et si des troubles importants persistent malgré tout, la cause pourrait être une lésion nerveuse. Il est étonnant de constater combien ces lésions par traction sont fréquentes lorsqu’on les recherche activement. C’est surtout le nerf fibulaire superficiel, qui contourne la malléole latérale et passe sur la face dorsale du pied, qui peut provoquer des douleurs électrisantes s’accompagnant d’une sensation de brûlure nocive après une entorse de la cheville.

Que recommandez-vous pour éviter une instabilité chronique de la cheville?

G. Klammer: En premier lieu, le ligament doit cicatriser le mieux possible après la lésion. Si l’attelle est bien ajustée, le ligament est maintenu dans le bon axe. Le patient peut alors bouger et solliciter le pied afin que la raideur ne devienne pas le problème majeur. Lors de la lésion, des mécanorécepteurs ont été endommagés, et l’immobilisation s’accompagne en outre d’une détérioration de la proprioception. Si l’on y ajoute la mauvaise stabilité musculaire, le risque de se fouler à nouveau la cheville est important lorsque le patient est à nouveau actif. Afin d’éviter ce cas de figure et d’améliorer l’évolution à long terme, je prescris sans attendre des séances de physiothérapie en cas de lésion de ce type.

Malgré tout, jusqu’à 40% des patients développent une instabilité chronique de la cheville.

Quelles sont les possibilités de prévention des accidents en cas d’instabilité chronique de la cheville?

G. Klammer: Là aussi, le renforcement de la stabilité musculaire au moyen de séances de physiothérapie est prioritaire. En outre, le port d’une orthèse dans les situations à risque permet d’éviter une nouvelle entorse. Il peut s’agir par exemple d’une chevillère dotée ou non d’une tige rigide pour les sports de contact ou du port de chaussures de randonnée au lieu de chaussures de trekking sur terrain accidenté. S’il s’agit d’améliorer la réaction proprioceptive, un bandage souple ou une bande adhésive suffisent. Si, malgré tout, les entorses se répètent, il convient de discuter avec le patient d’un traitement chirurgical.

Quelles sont les possibilités chirurgicales?

G. Klammer: La ligamentoplastie directe est la possibilité la plus simple pour stabiliser la cheville. Si la qualité du ligament est mauvaise ou en présence d’hyperlaxité, il faut choisir une procédure offrant plus de stabilité, par exemple une autogreffe, une allogreffe ou une greffe de ligament artificiel. Chez les patients ayant le pied creux, la statique peut être améliorée par une correction de l’axe osseux. Il s’agit certes d’une intervention plus importante, mais la probabilité d’obtenir un résultat de qualité durable est nettement plus élevée.

Quand faut-il faire appel à un spécialiste?

G. Klammer: Cela dépend notamment de la qualité de la prise en charge de ces lésions par le premier praticien. Il est justifié d’orienter rapidement le patient vers un spécialiste si l’on soupçonne une lésion de haut grade, par exemple une lésion de la syndesmose, une lésion combinée des ligaments internes et externes ou une lésion du cartilage. Par la suite, il est judicieux de diriger le patient vers un spécialiste au plus tard lorsque les troubles persistent malgré la mise en place d’une physiothérapie. De nombreux patients, surtout ceux qui font du sport, demandent très tôt l’avis d’un spécialiste. Soit parce qu’ils veulent s’assurer qu’ils sont sur la bonne voie en adoptant une procédure conservatrice, soit parce qu’ils souhaitent savoir si un examen complémentaire ou, le cas échéant, une intervention chirurgicale sont indiqués.

Merci pour cet entretien!

1 Bachmann LM et al.: Accuracy of Ottawa ankle rules to exclude fractures of the ankle and mid-foot: systematic review BMJ 2003; 326: 417

Notre interlocuteur:

Dr méd. Georg Klammer
Fussinstitut,
Zürich

E-mail: infoklammer@fussinstitut.ch

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