<p class="article-intro">Le sous-scapulaire est un muscle indispensable à la fonction de l’épaule. Qu’en est-il dans la prothèse inversée et y a-t-il une utilité à le préserver?</p>
<p class="article-content"><div id="keypoints"> <h2>Keypoints</h2> <ul> <li>Il existe de nombreuses manières de traiter le sousscapulaire lors de la prothèse inverse de l’épaule.</li> <li>L’approche favorisée par les auteurs est soit la préservation du sous-scapulaire, soit la ténotomie.</li> <li>La préservation du sous-scapulaire a démontré de nombreux avantages, qu’ils soient anatomiques, fonctionnels, ou même économiques.</li> </ul> </div> <p>Le sous-scapulaire est le plus puissant muscle de la coiffe des rotateurs et génère plus de force (53 % ) que les trois autres muscles réunis.<sup>1, 2</sup> Il est le seul muscle de la coiffe qui possède une double voire triple innervation, si bien qu’il est souvent considéré comme deux muscles distincts (sous-scapulaire supérieur et inférieur),<sup>3</sup> par analogie avec ses deux rotateurs externes antagonistes (petit rond et sous-épineux). Son intégrité est non-seulement indispensable à la majorité des mouvements de l’épaule (rotation interne, adduction, abduction, flexion et extension), mais il est également un stabilisateur gléno-huméral dynamique essentiel.<sup>4, 5</sup><br /> Il va donc de soi que son intégrité est indispensable à la bonne fonction d’une épaule en situation non contrainte, qu’il s’agisse de l’épaule native, l’hémi-arthroplastie, ou la prothèse totale anatomique. Dans ce dernier contexte, une dysfonction secondaire du sous-scapulaire mène souvent à une importante dysfonction pouvant nécessiter une révision chirurgicale.<sup>6–9</sup> Son rôle reste cependant contesté dans la prothèse inversée, même si il permettrait une stabilité accrue de l’implant, et une meilleure force en rotation interne.<sup>10–15</sup> De multiples techniques ont été décrites sur la gestion du sous-scapulaire lors de la mise en place d’une prothèse inversée. Si la plupart impliquent une désinsertion de ce muscle, il est cependant également possible de le préserver. Le but de cet article est de faire le point sur ces différentes techniques en exposant leur avantages et inconvénients.</p> <h2>Ténotomie et réinsertion</h2> <p>La ténotomie du sous-scapulaire en zone tendineuse a longtemps été l’approche historique employée dans la prothèse d’épaule.<sup>16, 17</sup> Elle se fait classiquement en zone tendineuse, 1cm médialement à la gouttière du biceps, et permet une libération circonférentielle extensive des adhérences avant sa réinsertion. Celleci se fait habituellement par suture bord à bord directe du tendon avec renfort transosseux, que ce soit par fils, ancres, voire plaques.<br /> Si les résultats généraux sont bons avec une étude rapportant spécifiquement de bons résultats sur l’intégrité du sous-scapulaires,<sup>18</sup> il existe un risque non-négligeable de dysfonctions et re-ruptures secondaires avec une moyenne dans la littérature qui avoisine un tiers des cas,<sup>19</sup> mais pouvant atteindre deux tiers lorsque le tendon est simplement suturé bord à bord sans renfort trans-osseux.<sup>20</sup> Dans les prothèse inversées, même si les répercussions cliniques de ce déficit semblent moins évidentes,<sup>21</sup> une étude récente à tout de même démontré une force en rotation interne significativement plus élevée chez les patients avec une réparation du sousscapulaire intacte.<sup>13</sup></p> <h2>Ténotomie simple</h2> <p>La ténotomie simple du sous-scapulaire sans réinsertion en fin d’intervention est une pratique spécifique à la prothèse inversée, qui peut par définition fonctionner sans attache tendineuse de la coiffe des rotateurs. Cette technique est la plus simple et rapide, et permet une mobilisation immédiate postopératoire. Elle permettrait également de meilleures amplitudes en corrigeant une dysbalance en cas de déficit majeur des rotateurs externes.<sup>14</sup> Il existe cependant un risque accru d’instabilité de l’implant (bien que contesté et discuté ci-dessous), observé cliniquement et biomechaniquement.<sup>10–12, 22</sup></p> <h2>Décollement du sous-scapulaire (Peel)</h2> <p>Le décollement ou «Peel» du tendon du sous-scapulaire se fait à l’interface entre le tendon et l’os. Il permet une extension distale jusqu’au tendon du grand dorsal,<sup>23</sup> permettant une excellente exposition. Le principal avantage de cette technique est qu’elle permet d’ajuster la tension musculaire en médialisant la réinsertion du plan tendineux,<sup>23</sup> qui présente un important avantage dans la prothèse inversée.<br /> Les résultats après prothèse anatomique sont bons, avec une guérison du tendon sur l’os dans la majorité des cas,<sup>3, 23–25</sup> semblant supérieure à la ténotomie et réinsertion.<sup>19</sup> Cependant, les résultats manquent encore pour la prothèse inversée.</p> <h2>Préservation du sous-scapulaire</h2> <p>La mise en place d’une prothèse inversée avec préservation du sous a été décrite pour la prothèses anatomique.<sup>26–28</sup> Dans la prothèse inversée, elle se fait habituellement par voie transdetoïdienne,<sup>29, 30</sup> qui permet une exposition aisée de l’articulation gléno-humérale en cas de rupture massive de la coiffe postéro-supérieure. Elle peut cependant également se pratiquer par une voie antérieure deltopectorale, qui a le double avantage de préserver non seulement l’intégrité du sous-scapulaire, mais également du deltoïde, muscle indispensable à la fonction de la prothèse inversée. Cette voie d’abord ne se fait donc en somme qu’à travers des plans anatomiques internerveux, permettant une morbidité minimale pour les tissus mous, un temps opératoire diminué en évitant l’étape de réinsertion tendineuse, une stabilité théoriquement augmentée de l’implant, ainsi qu’une mobilisation immédiate et intensive vu qu’il n’y a pas de réparation tendineuse à protéger.<sup>31, 32</sup> Elle présente par contre des contraintes techniques d’exposition plus importantes, particulièrement en cas de rétroversion importante de la glène, ou en cas d’ascension sévère de la tête humérale.<br /> Plusieurs subtilités permettent de contourner ces difficultés techniques (Tab. 1). Premièrement, une curarisation complète ou un bloc interscalénique parfaitement fonctionnel en cas d’anesthésie locorégionale simple sont indispensables à un relâchement musculaire maximale du patient. Ensuite, une libération extensive articulaire des ligaments gléno-huméraux est nécessaire à l’exposition de la glène. Concernant l’exposition de l’humérus, deux écarteurs de Hohman peuvent être placés antérieurement et postérieurement entre la coiffe et l’os, afin de remonter l’humérus et exposer le col anatomique. Pour faciliter l’exposition de la glène, la coupe humérale peut se faire légèrement plus basse ou oblique que d’habitude. Cette manoeuvre permet également de diminuer le risque de persistance d’ostéophytes huméraux médiaux, qui sont plus difficilement à traiter par cet abord.<sup>33</sup> L’humérus est ensuite abaissé en plaçant un écarteur de Trouilloud placé sur la lèvre inférieure de la glène. La broche glénoïdienne peut être, quant à elle, placée sans guide. Finalement, en cas de raideurs importantes, une libération de la partie tendineuse tubulaire supérieure du sous-scapulaire peut être effectuée sur 5–10mm. Cette dernière mesure est cependant rarement nécessaire avec l’expérience chirurgicale.<br /> Hormis les inconvénients techniques, il existe également un risque théorique de raideurs en rotation interne, essentiellement lié à la distalisation et latéralisation de l’humérus dans la prothèse inversée,34 ainsi qu’aux contractures du sous-scapulaire particulièrement fréquentes dans l’arthrose.<sup>35</sup> Cependant, une étude prospective récente n’a pas démontré de différence d’amplitudes entre cette technique et la ténotomie simple du sous-scapulaire en terme de rotation exerne.<sup>31</sup> Au contraire, cette technique semble favoriser l’élévation antérieure pour laquelle le sous-scapulaire joue un rôle important, favorisé par le changement de son vecteur de force qui se vérticalise dans la prothèse inversée.<sup>31, 36</sup><br /> En somme, les résultats à court et moyen terme sont prometteurs à de multiples niveaux, qu’il s’agisse des amplitudes, douleurs, ou limitation du temps opératoire et hospitalier.<sup>31, 32</sup> D’avantages d’études cliniques avec un suivi au long terme sont nécessaires pour démontrer une diminution des complications par cette technique.</p> <h2>Discussion et conclusion</h2> <p>Il existe de multiples techniques de gestion du sous-scapulaire dans la prothèse inversée, présentant chacune leurs avantages et inconvénients (Tab. 2). Bien que l’intégrité de ce dernier ne semble pas aussi indispensable que dans la prothèse anatomique, certaines études soutiennent son importance dans la stabilité et la fonction de l’implant,<sup>10–13, 22</sup> tandis que d’autres ne retrouvent pas de rôle significatif.<sup>14, 15</sup> La configuration latéralisante des nouvelles générations d’implants permettrait d’offrir plus de stabilité et restaurer de meilleures rotations qui pourraient pallier au déficit du sous-scapulaire.<sup>14, 34, 37, 38</sup> Dans tous les cas, la littérature actuelle manque encore d’arguments solides et d’études de haut niveau pour favoriser une technique par rapport à une autre.<br /> La voie d’abord privilégiée par les deux auteurs est la voie delto-pectorale avec préservation du sous-scapulaire. En cas d’état dégénératif avancé du tendon, ou de déficit marqué de la rotation externe, une ténotomie simple est effectuée (Fig. 1). Bien que la préservation du sous-scapulaire demande une certaine courbe d’apprentissage et des difficultés d’exposition qui peuvent être limitées par les techniques énumérées dans cet article, elle présente de nombreux avantages décrits ci-dessus, dont les plus importants sont la préservation de l’anatomie (concept de la prothèse totale d’épaule anatomique), et le gain de temps opératoire. Ce dernier facteur est particulièrement important non seulement pour limiter le risque d’infection, qui est corrélé à la durée opératoire<sup>39</sup> et constitue une complication redoutable dans la prothèse inversée,<sup>40, 41</sup> mais également pour limiter le temps d’anesthésie chez une population globalement plus âgée et fragile. La préservation de la coiffe des rotateurs limite par ailleurs l’espace mort sous-acromial et rétro-coracoïdien et procure une enveloppe supplémentaire entre les implants et les tissus sous-cutanées, ce qui pourrait expliquer en partie le faible taux d’infection rapporté dans les récentes séries.<sup>31</sup> Finalement, le tout mène à une durée d’hospitalisation diminuée et une réhabilitation immédiate, avec un impact démontré sur les coûtsbénéfices.<sup>31</sup></p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2018_Leading Opinions_Ortho_1802_Weblinks_lo_ortho_1802_s6_tab1+2.jpg" alt="" width="2126" height="921" /></p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2018_Leading Opinions_Ortho_1802_Weblinks_lo_ortho_1802_s7_fig1.jpg" alt="" width="1417" height="1313" /></p></p>
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