<p class="article-intro">Les espaceurs en ciment PMMA chargés en antibiotiques sont utilisés dans le cadre des changements de prothèses en deux temps lors des infections chroniques. Il est préférable d’utiliser un espaceur articulé qui permet une meilleure mobilité au patient dans l’intervalle et facilite la réimplantation. Des espaceurs préformés ou des moules pour sa fabrication sont coûteux et disponibles en tailles/modèles limités. Il est facile de façonner en intraopératoire un espaceur anatomique, bon marché avec une technique facile et reproductible.</p>
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<p class="article-content"><p>La mise en place d’une prothèse totale de hanche (PTH) est aujourd’hui une opération largement rependue avec un énorme succès. Malheureusement, une infection de la PTH peut survenir dans 1–2 % des cas malgré une prévention adéquate.<sup>1</sup> Une fois infecté, il est quasi impossible de stériliser l’implant sans geste chirurgical. Un team formé d’orthopédiste, d’infectiologue et de microbiologiste va alors déterminer la meilleure façon de traiter cette complication. Ils peuvent choisir entre un débridement avec changement des parties mobiles (option choisie dans le cadre d’une infection précoce) ou un changement complet de l’implant (option choisie dans le cadre d’une infection chronique). Le changement d’une PTH peut se faire en une ou deux opérations.<sup>1, 2</sup> <br />Concernant le changement en deux temps, il est avantageux pour le patient de choisir un espaceur local en PMMA pour combler le vide provoqué par l’extraction de la prothèse.<sup>3</sup> Le remplissage de l’espace mort est, du point de vue infectieux, important car un volumineux hématome peut s’infecter plus facilement. L’espaceur peut être enrichi avec des antibiotiques qui vont permettre de traiter l’infection avec des doses locales très élevées d’antibiotiques sans avoir d’effet systémique pour le patient. Du point de vue orthopédique, l’espaceur a bien évidemment aussi des avantages. L’anatomie de l’articulation est mieux préservée avec moins de tissu fibrineux et cicatriciel qui se forme dans et autour de l’articulation (arthrofibrose). Il y a également moins de contracture et de raccourcissement. La réimplantation est ainsi facilitée. Dans l’intervalle, la fonction de la hanche est meilleure qu’en situation de Girdlestone car le patient peut marcher avec son espaceur en charge partielle de 15–20 kg voir plus selon la tolérance de ses douleurs.<sup>3 </sup></p> <p>Il existe deux types d’espaceurs pour la hanche, non-articulé (fixe) et articulé (dynamique).<sup>4</sup> Les désavantages des espaceurs non-articulés sont d’une part la difficulté de contrôler la stabilité de la hanche et d’autre part de pouvoir mobiliser l’articulation rendant la marche plus difficile. On perd tout simplement les avantages «orthopédiques/ mécaniques» de l’espaceur. <br />Le seul avantage est l’absence de risque de luxation ou de fracture de l’espaceur. Pour les espaceurs articulés, il existe une multitude d’options. Il y a la possibilité d’acheter des espaceurs préfabriqués. Leurs avantages sont une facilité d’utilisation, leur stabilité mécanique et une élution importante d’antibiotiques, mais a comme désavantage un coût élevé. Il n’est pas rare de devoir ajouter du ciment pour améliorer leur tenue. Une adaptation du fémur proximale et du cotyle à la taille de l’espaceur est régulièrement nécessaire, allant dans le sens inverse du concept initial. Il existe également des moules pour des espaceurs proposés par l’industrie. Leurs avantages résident dans le choix de l’ajout des antibiotiques et d’une confection plus aisée. Néanmoins, tout comme les espaceurs préfabriqués, ils sont chers et limités en tailles. <br />Reste alors la possibilité de confectionner un espaceur personnalisé pendant l’opération conforme à l’anatomie du patient, au type d’opération avec des antibiotiques adaptés au germe responsable de l’infection.</p> <h2>Technique de confection d’un espaceur de hanche articulé</h2> <p>Matériel nécessaire pour la confection d’un espaceur en ciment armé pour la hanche:</p> <ol> <li>Plaques droites d’ostéosynthèse 3,5 mm AO standard de différentes tailles avec fers à contourner</li> <li>Broche de Kirschner 3,2 mm</li> <li>Endoprothèse canulée de chirurgie cardiaque</li> <li>Deux doses de 40 gr PMMA</li> <li>Antibiotiques au choix en poudre (max. 4 gr par 40 gr de PMMA)</li> <li>Gobelet pour mixage</li> <li>Pistolet à ciment</li> </ol> <p>Le changement d’une prothèse infectée doit toujours être complet et effectué de façon structurée et méticuleuse. L’opération se fait plan par plan en excisant tout tissu infecté et contaminé. Une fois arrivé à l’implant, il est primordial d’enlever non seulement tous les composants de la prothèse, mais également, tout le ciment et tous les autres corps étrangers potentiellement infectés comme les cerclages, les vis, une éventuelle plaque, un obturateur pour ciment, un centreur ou des fils non résorbables. La qualité du débridement a un effet direct sur le succès de l’opération notamment sur le risque de persistance d’infection de récidive. Après l’ablation de la prothèse et l’envoi des implants en sonication, on procède à un débridement méticuleux du cotyle, tout d’abord avec les curettes à dents ensuite avec les fraises à cotyle de Müller. On fraise habituellement une taille de plus que la taille de la cupule enlevée. Si le patient a par exemple une cupule taille 52 mm on va fraiser à 54 mm. <br />L’opération se poursuit par le nettoyage du fémur. Après débridement à la curette à dents, on introduit un guide d’alésage pour procéder à la préparation du fût fémoral jusqu’à la taille 14 mm. On procède à un rinçage abondant. Pendant la préparation du cotyle et du fémur, un membre du team chirurgical (normalement le premier opérateur) va façonner l’espaceur pour ne pas perdre de temps. La confection de l’espaceur prend environ 15 minutes. <br />Avec des gants stériles propres, légèrement humides afin que le ciment ne colle pas aux doigts, les différents composants sont préparés stérilement sur la table d’opération (Fig. 1).</p> <ol> <li>Moulage de la partie diaphysaire de l’espaceur: on commence par courber manuellement une plaque (14 trous, 3,5 mm AO standard (DePuy Synthes, Leeds, UK) qui servira de structure interne à l’espaceur pour reconstituer la courbure naturelle du col fémoral afin d’obtenir un offset correspondant à l’anatomie du patient. La broche de Kirschner est pliée sur environ 1 cm de son extrémité filetée pour agir comme un hameçon en cas de rupture du ciment.</li> <li>Dés ce montage finalisé, on peut préparer le ciment en mélangeant initialement le liquide avec la poudre de ciment Palacos, 40 gr (Heraeus, Wehrheim, Germany), avant d’y ajouter les poudres d’antibiotiques choisis.<sup>5</sup> La proportion d’antibiotiques ne doit pas dépasser 10 % par rapport au polymère, afin de ne pas altérer les propriétés mécaniques du ciment. Le mélange peut se faire à la main ou avec un système vacuum.<sup>6</sup> Pendant que le ciment est encore bien liquide il doit être injecté à l’aide du pistolet à ciment dans la canule de la prothèse vasculaire. Cette dernière a été raccourcie au préalable selon les besoins anatomiques du patient. Lorsque la canule est complètement remplie, on introduit du côté le plus large la plaque précourbée et de l’autre côté la broche de Kirschner avec la partie courbée dépassant en distal. Ceci permettra de récupérer la totalité du ciment lors de la réimplantation dans l’éventualité où l’espaceur se casse.</li> <li>On peut ensuite modeler la tête de l’espaceur. Une deuxième dose de 40 gr de PMMA chargée d’antibiotiques est préparée à la main dans un gobelet. Le ciment est appliqué contre la partie proximale de la plaque qui sort de la canule. On va ensuite façonner une tête bien ronde grâce aux fraises de Müller (Fig. 2). Pour préparer la bonne taille de la tête, on prend une première fraise qui mesure une taille de plus que la taille de la fraise utilisée pour préparer le cotyle. Dans notre cas, on avait fraisé avec une taille de 54 mm, donc on prend une cupule de 56 mm. On façonne la tête en tournant régulièrement et sans discontinuité l’intérieure de la fraise (préalablement mouillée) sur la boule de ciment, afin d’obtenir une surface sphérique et lisse. L’antéversion et l’offset de l’espaceur est déterminés manuellement par le chirurgien avec l’aide des radiographies. Lors de la polymérisation du ciment, le diamètre de la tête augmente et on va devoir s’adapter en utilisant la fraise de Müller de 58 mm jusqu’à l’obtention d’un ciment dur. Le diamètre intérieur de la fraise 58 mm correspond au diamètre extérieur de la fraise 54 mm. On arrive ainsi à un ajustement parfait entre le cotyle et la tête de l’espaceur.</li> <li>Après le durcissement du ciment (environ 10 minutes) on enlève la canule endovasculaire (Fig. 2) et on introduit l’espaceur dans le fût fémoral en exerçant aussi peu de mouvement de rotation que possible pour ne pas casser l’espaceur. Si nécessaire, il peut être impacté. Lors de l’impaction, il faut contrôler l’antéversion du col de l’espaceur et la hauteur. Si l’espaceur est trop petit ou l’antéversion ne peut pas être tenue de façon satisfaisante, on peut ajouter 20 gr de PMMA au niveau de la métaphyse du fémur autour de l’espaceur pour le bloquer dans la bonne position.</li> <li>Dés l’espaceur implanté, il ne faut plus rincer pour ne pas provoquer une élution trop importante des antibiotiques du ciment.</li> <li>Le lendemain de l’opération et après un contrôle radiologique, le patient peut normalement être mobilisé en charge partielle voire en charge complète (Fig. 3 et 4).</li> <li>Comme l’élution des antibiotiques de l’espaceur se fait rapidement, il est préférable de procéder à la réimplantation de la nouvelle prothèse définitive dans les quatre à six semaines.</li> </ol> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2019_Leading Opinions_Ortho_1903_Weblinks_s10_fig1-2.jpg" alt="" width="1734" height="606" /></p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2019_Leading Opinions_Ortho_1903_Weblinks_s10_fig3-5.jpg" alt="" width="1734" height="872" /></p> <h2>Remarques</h2> <p>Grace à l’addition d’une plaque 3,5 mm type AO le risque de rupture de l’espaceur au niveau du col est minime. Le seul endroit à risque de rupture se trouve juste en dessous de la plaque. En cas de fracture de l’espaceur à cet endroit, l’insertion de la broche de Kirschner permet une ablation plus facile de la partie diaphysaire de l’espaceur. <br />Grâce à une technique méticuleuse et en veillant à la bonne position de l’espaceur (hauteur et antéversion) associé à une taille de la tête bien adaptée à la taille du cotyle, le risque de luxation est minime. En cas de luxation et si la réimplantation est prévue dans peu de temps (< 1 semaine) une révision chirurgicale n’est pas nécessaire. <br />Chez des patients avec un important défect du mur postérieur ou du fémur proximal avec une insuffisance des abducteurs, il est préférable de ne pas utiliser un espaceur articulé mais de remplir la cavité cotyloïdienne avec un bloc de PMMA chargé d’antibiotiques et une tige en PMMA dans le fémur (Fig. 5).</p> <p><strong>Littérature:</strong></p> <ol> <li>Zimmerli W et al.: Prosthetic-joint infections. N Engl J Med 14 2004; 351: 1645‑54</li> <li>Baker RP et al.: Patient-adapted treatment for prosthetic hip joint infection. HIP Int 2015; 25(4): 316‑22</li> <li>Baker RP, Borens O: A versatile hip spacer for first stage revision in prosthetic joint infection. Ann R Coll Surg Engl 2015; 97(2): 163</li> <li>Biring GS et al.: Two-stage revision arthroplasty of the hip for infection using an interim articulated Prostalac hip spacer: a 10- to 15-year follow-up study. J Bone Joint Surg Br 2009; 91: 1431-7</li> <li>Cui Q et al.: Antibiotic-impregnated cement spacers for the treatment of infection associated with hip or knee arthroplasty. J Bone Joint Surg Am 2007; 89: 871-82</li> <li>Ochsner P et al.: Infections ostéo-articulaires. Swiss orthopaedics 2015</li> </ol></p>