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Des données d’études encourageantes

De nouvelles approches thérapeutiques grâce à des recherches intensives

D’importants progrès sont actuellement réalisés dans le traitement de la SEP, car les mécanismes pathologiques de la maladie sont de mieux en mieux compris. Actuellement, deux études allemandes en particulier donnent de l’espoir quant à la mise au point d’options thérapeutiques innovantes. L’une a identifié les canaux potassiques axonaux1 et la seconde, l’axe poumon-cerveau2 comme nouvelles cibles thérapeutiques.

En Allemagne, plus de 10 000 personnes sont atteintes chaque année de sclérose en plaques (SEP); le nombre total de personnes touchées dépasse largement les 250 000. La SEP est une maladie auto-immune chronique du SNC qui évolue généralement par poussées. Les symptômes sont attribuables à une perturbation de la transmission des signaux électriques des fibres nerveuses (neurones) en raison d’une destruction progressive de la couche isolante des neurones (gaines de myéline) formée par les oligodendrocytes. Pour éviter que la démyélinisation des fibres nerveuses n’entraîne des handicaps permanents avec l’évolution de la maladie, un traitement anti-inflammatoire chronique est nécessaire. Les immunothérapies ciblées modernes, qui peuvent réduire considérablement la fréquence des poussées, sont le fruit de la recherche sur les mécanismes pathologiques et des nouvelles connaissances en matière de diagnostic. Néanmoins, même les thérapies immunomodulatrices modernes ne constituent pas encore un traitement causal.

Les travaux du Prof. Dr Lucas Schirmer (Faculté de médecine de Mannheim), du Prof. Dr Dr Sven Meuth (Clinique universitaire de Düsseldorf) et du Prof. Dr David Rowitch (Université de Cambridge) sur les processus physiopathologiques de la SEP apportent un tout nouvel éclairage sur les processus physiopathologiques de la SEP puisqu’ils ont pu montrer que certains canaux potassiques des voies nerveuses présentent manifestement un dysfonctionnement important. Ils ont suivi l’hypothèse, générée expérimentalement, qu’une hyperexcitabilité neuronale chronique joue un rôle fondamental dans la pathogenèse de la SEP. Cette hyperexcitabilité chronique entraîne au fil du temps un épuisement métabolique des neurones concernés, qui finissent par disparaître. L’augmentation de l’excitabilité est probablement la conséquence de différents facteurs qui abaissent le seuil de génération des potentiels d’action dans le contexte de la démyélinisation inflammatoire chronique. Les nœuds de Ranvier (point de rencontre des gaines de myéline formées par les oligocytes) sont essentiels pour la transmission rapide de l’excitation. L’excitabilité des neurones au niveau et autour des nœuds de Ranvier est régulée par des canaux potassiques. Des recherches approfondies ont montré que les canaux potassiques axonaux acheminent les ions potassium principalement de l’intérieur vers l’extérieur à travers la membrane cellulaire (canaux Kv7 redressés vers l’extérieur) et les canaux potassiques oligodendrogliaux, principalement du milieu extracellulaire vers le milieu intracellulaire (canaux Kir4.1 redressés vers l’intérieur). L’analyse de la relation spatiale et fonctionnelle entre les canaux Kv7 et Kir4.1 ainsi que des signatures fonctionnelles et transcriptionnelles des neurones de projection corticaux et rétiniens à l’état sain et dans des conditions inflammatoires démyélinisantes a montré que la régulation des deux types de canaux est perturbée dans la SEP et dans l’encéphalomyélite auto-immune expérimentale. Les canaux Kir4.1 étaient régulés en permanence à la baisse et les sous-unités du canal Kv7 étaient temporairement régulées à la hausse pendant la démyélinisation inflammatoire. L’ouverture pharmacologique du canal Kv7 avec la rétigabine a eu un effet positif, réduisant l’hyperexcitabilité des neurones humains et murins et atténuant les symptômes cliniques dans le modèle animal. «La normalisation du déséquilibre ionique représente une approche thérapeutique innovante intéressante», explique L. Schirmer. «La possibilité de s’attaquer directement aux canaux potassiques dysfonctionnels en tant que nouvelle cible thérapeutique pourrait permettre de développer un premier traitement causal de la SEP.»

En outre, de nouvelles découvertes dans le domaine du microbiome et de la sclérose en plaques ont notamment été publiées l’année dernière. L’importance du microbiome intestinal (ou de ce que l’on appelle «axe intestin-cerveau») a déjà fait l’objet de nombreux rapports, dont récemment au sujet des découvertes d’une équipe de recherche allemande de Göttingen sur le lien entre le microbiome pulmonaire et la sclérose en plaques.2 Le groupe de chercheurs a publié l’année dernière un rapport dans la revue «Nature» sur la découverte de cet axe intestin-cerveau et son importance pour l’auto-immunité du SNC. Il a pu montrer dans le modèle animal de SEP que le microbiome pulmonaire influence de manière déterminante la capacité des cellules microgliales cérébrales à déclencher une réaction auto-immune. L’administration intratrachéale directe de l’antibiotique néomycine a modifié la flore bactérienne pulmonaire et entraîné une colonisation accrue de bactéries productrices de lipopolysaccharides (LPS). Au microscope, la microglie affichait non seulement des changements visibles, avec une réduction du nombre et de la longueur de ses prolongements cellulaires, mais elle avait également perdu sa capacité de réaction aux stimuli expérimentaux, qui peuvent normalement déclencher une SEP chez les animaux non traités. À l’inverse, l’élimination des bactéries productrices de LPS dans les poumons à l’aide d’un autre antibiotique a aggravé la réaction auto-immune cérébrale et les symptômes des animaux; l’ajout d’une nouvelle dose de LPS a inversé l’effet. Les auteurs de la publication concluent que ces résultats ont une importance clinique d’avant-garde, puisque l’influence pharmacologique sur l’axe poumon-cerveau (c’est-à-dire les signaux envoyés par le microbiome pulmonaire à la microglie) pourrait constituer une cible thérapeutique innovante.

«Les deux approches de recherche n’en sont qu’à leurs débuts, mais elles sont très innovantes et représentent des options thérapeutiques prometteuses. Le fait que les deux viennent d’Allemagne illustre la force de la recherche neurologique dans ce pays. Il reste à espérer qu’un jour, des traitements curatifs contre la SEP seront disponibles», conclut le Prof. Dr Peter Berlit, secrétaire général de la DGN.


Communiqué de presse de la Société allemande de neurologie de mai 2023


[1] Kapell H et al.: Neuron-oligodendrocyte potassium shuttling at nodes of Ranvier protects against inflammatory demyelination. J Clin Invest 2023; 133(7): e164223. doi: 10.1172/JCI164223.
[2] Hosang L et al.: The lung microbiome regulates brain autoimmunity. Nature 2022; 603 (7899): 138-144. doi: 10.1038/s41586-022-04427-4

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