
Nouvelle époque, nouveaux pollens?
Auteure:
Dre phil. Regula Gehrig Bichsel
Office fédéral de météorologie et de climatologie
MétéoSuisse
Zürich
E-mail: regula.gehrig@meteoswiss.ch
Le changement climatique, avec l’augmentation du CO2, la hausse des températures et la modification du régime des précipitations, influence la concentration, l’allergénicité et la répartition spatiale de différents pollens ainsi que la durée de leurs saisons polliniques. Les arbres nouvellement plantés dans les villes ont un impact tout aussi grand sur la dispersion du pollen: ils jouent un rôle de plus en plus important dans le cadre des vagues de chaleur plus fréquentes et des températures élevées. Bien choisir les arbres d’avenir est déterminant pour les allergies.
Keypoints
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Le changement climatique entraîne une évolution de la présence du pollen dans l’air. Au cours des trente à cinquante dernières années, on a observé un début de saison pollinique plus précoce, une période de végétation plus longue et de plus grandes quantités de pollen d’arbres. Le pollen de graminées n’a pas montré de changement, voire une diminution.
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L’homme modifie la végétation et la présence du pollen en réponse au changement climatique. La plantation d’arbres en ville prend de plus en plus d’importance.
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Le pollen de bouleau et de hêtre reste important et a tendance à devenir plus abondant.
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L’allergénicité des nouvelles espèces introduites n’est pas encore claire. Des symptômes peuvent survenir en dehors des périodes de floraison typiques.
Allergie au pollen en Suisse
Environ 20 pour cent de la population suisse souffre d’une allergie au pollen. Les facteurs déclenchants des symptômes d’allergie sont les grains de pollen des plantes anémogames, qui sont produits en grande quantité et libérés dans l’air. En Suisse, six pollens différents sont à l’origine des principales allergies: le noisetier, l’aulne, le frêne, le bouleau, les graminées et l’armoise. D’autres pollens comme le chêne, le hêtre, le charme, le platane, l’oseille, le plantain sont modérément allergènes, c’est-à-dire qu’ils provoquent des allergies chez moins de personnes.Les plantes d’une même famille botanique ont généralement un pollen contenant des allergènes similaires, ce qui entraîne des réactions croisées. Il est important de connaître ces interactions, en particulier alors que la saison pollinique est modifiée par le changement climatique ou par la plantation de nouveaux arbres adaptés au climat, en particulier dans les villes.
Principales familles de plantes dont le pollen est allergisant en Suisse
En Suisse, les graminées constituent la première famille de plantes allergisantes. Les plus de 300 espèces de graminées qui y poussent présentent des allergènes similaires. Elles sont fréquentes dans toute la Suisse, des plaines aux prairies alpines. La deuxième famille la plus allergisante est celle des bétulacées, qui comprend le noisetier, l’aulne, le bouleau et le charme. Le hêtre, le chêne et le châtaignier ont des allergènes similaires, car ils appartiennent, comme les bétulacées, à l’ordre des Fagales.1 Le frêne appartient à la famille des oléacées et est donc apparenté à l’olivier, connu dans le bassin méditerranéen pour provoquer des allergies au pollen.2 Parmi les plantes de la famille des astéracées, seules quelques-unes sont dispersées par le vent et libèrent de grandes quantités de pollen dans l’air. Il s’agit de l’armoise (avec différentes espèces comme l’absinthe ou l’armoise commune) et de l’ambroisie. Le pollen d’ambroisie est très allergisant. Cependant, les concentrations de ce pollen sont généralement faibles en Suisse et il est aujourd’hui rare que les concentrations atteignent des valeurs fortes. Il est toutefois important de continuer à contrôler la propagation de l’ambroisie afin de prévenir une augmentation des concentrations de pollen.
Dispersion du pollen, météo et climat
La composition de la végétation est étroitement adaptée au climat d’une région. En fonction de l’humidité, des précipitations et de la température, différentes plantes poussent. En Suisse, cela est clairement visible dans la composition de la végétation des différents étages altitudinaux. Plante dont le pollen est allergisant, le frêne est par exemple uniquement fréquent jusqu’à 1200–1400m d’altitude. En revanche, la saison pollinique et son intensité sont influencées par les événements météorologiques à plus court terme. Les conditions météorologiques de l’année précédente, des mois précédant la saison pollinique et pendant la période de floraison déterminent le début, la durée et l’intensité de la saison pollinique. Avec le changement climatique, la saison pollinique a déjà changé au cours des trente dernières années.3 L’évolution future de la concentration de pollen dans l’air dépend de la capacité des mesures de protection du climat à freiner la hausse des températures ou de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Celle-ci pourrait provoquer une hausse des températures estivales, qui pourrait atteindre 2,5 à 4,5°C d’ici le milieu du 21e siècle par rapport à la période entre 1981 et 2010.4
La température moyenne annuelle en Suisse est aujourd’hui supérieure de 2,9°C à la moyenne de la période préindustrielle entre 1871 et 1900. Les vagues de chaleur sont devenues plus fréquentes et plus intenses, les étés sont aujourd’hui plus secs et les jours de gel se font plus rares en hiver. La période de végétation, importante pour la dispersion du pollen, s’est allongée de 2 à 4 semaines depuis 1961.5
Une tendance à un début plus précoce de la saison pollinique est observée dans le monde entier. En Suisse, cette tendance est clairement liée aux températures plus chaudes de l’hiver et du printemps. Au cours des trente dernières années, la saison pollinique du noisetier et des graminées a commencé en moyenne 14 jours plus tôt.6 La saison pollinique du noisetier et de l’aulne commence aujourd’hui souvent en janvier au lieu de février. La durée de la saison pollinique s’est allongée pour le noisetier, les graminées et les autres herbacées. Ces modifications ont prolongé la durée totale de la saison pollinique en Suisse. Des études menées en Europe et en Suisse ont observé une nette augmentation du pollen d’arbres tels que le noisetier, le bouleau ou le frêne. Avec l’augmentation du CO2 dans l’air, les plantes produisent plus de pollen en raison de conditions de croissance plus favorables.7 La quantité de pollen de graminées n’a toutefois pas changé de manière significative en Suisse au cours des trente dernières années: elle a augmenté pour certaines stations de mesure et diminué pour d’autres. Certains pollens d’herbacées, comme l’armoise, ont même diminué. Toutefois, ces changements ne sont probablement pas dus au climat, mais à l’intensification de l’exploitation agricole, à la diminution des surfaces de végétation et à l’augmentation des surfaces construites. L’augmentation du CO2, la hausse des températures et la pollution de l’air peuvent également modifier l’allergénicité du pollen.8
Influence de l’humain sur la végétation
Bien que le climat ait une très grande influence sur le déroulement et l’intensité de la saison pollinique, il n’est pas le seul facteur. L’humain joue également un rôle crucial. Outre l’exploitation plus intensive des sols, les arbres plantés dans les villes jouent également un rôle particulièrement important. L’exemple de l’aulne pourpre (Alnus x spaethii) pour la station de mesure du pollen de Buchs SG montre comment une allée d’arbres plantés peut augmenter fortement la concentration de pollen aux alentours. La floraison de l’aulne pourpre a en outre considérablement prolongé la saison pollinique des aulnes, puisqu’il peut fleurir dès Noël, plusieurs semaines avant nos espèces d’aulnes indigènes.9
Des arbres d’avenir adaptés à un climat plus chaud dans nos villes
La chaleur croissante a un impact particulièrement fort dans les villes, qui se réchauffent plus que les zones environnantes plus riches en végétation. On parle d’îlot de chaleur urbain. Les espaces verts et les arbres peuvent réduire l’effet de la chaleur grâce à l’évaporation de l’eau, mais aussi en offrant de l’ombre, et seront donc de plus en plus importants à l’avenir. Les villes ont élaboré des plans d’adaptation au climat qui préconisent davantage le «vert (végétation) et le bleu (eau) plutôt que le gris» afin d’être mieux préparées au climat futur. Les espaces verts favorisent en outre la biodiversité, constituent un espace de détente et d’activité sportive, et ont un effet positif sur la santé physique comme mentale des habitant·es. Cependant, la plantation de nouveaux arbres adaptés au climat peut entraîner une exposition accrue au pollen et de nouveaux allergènes peuvent aussi être introduits.10,11
Les arbres en ville doivent être très bien adaptés aux conditions extrêmes en termes de chaleur, de sécheresse, de pollution de l’air, de sel de déneigement, d’espace racinaire restreint et de parasites. Ils doivent également répondre à des critères concernant l’entretien, le port et l’apparence. Un argument de plus en plus important est leur impact sur la biodiversité.12 L’allergénicité des plantes n’est donc qu’un critère parmi tant d’autres pour les arbres en ville, mais de plus en plus de villes la prennent aujourd’hui en compte dans leur planification.
Les arbres adaptés, qui pourront continuer à pousser dans nos villes à la fin de ce siècle, proviennent souvent de régions d’Europe méridionale ou d’Amérique et d’Asie.12,13 Parmi eux, nombreux sont ceux qui ne provoquent guère d’allergies, comme différentes espèces d’érables (p.ex. érable de Montpellier, érable à feuilles d’obier), différents tilleuls (p.ex. tilleul argenté), des ormes ou encore des arbres non européens comme le magnolia, le ginkgo, le liquidambar et autres. Certains arbres indigènes s’accommoderont également du futur climat, par exemple le charme, le chêne rouvre, le chêne pédonculé, le chêne pubescent, l’érable champêtre.
Parmi les arbres d’avenir, il y a toutefois aussi des espèces appartenant aux familles de plantes allergisantes des bétulacées, des oléacées et des fagacées. Le charme-houblon (Ostrya carpinifolia), qui fait partie de la même famille que le bouleau et fleurit à une période similaire, est de plus en plus souvent planté (Fig. 1). Il est originaire du sud et du sud-est de l’Europe, et se trouve naturellement en Suisse, tout au sud du Tessin. Le noisetier de Byzance (Corylus colurna), très apprécié, contribue également à une intensification de la dispersion du pollen pendant la saison pollinique du noisetier. L’aulne pourpre (Alnus x spaethii) figure encore en partie sur les listes d’arbres adaptés à la ville, bien que l’on sache qu’il peut fleurir dès Noël, soit bien plus tôt que nos espèces d’aulnes indigènes. Il n’est toutefois plus planté aujourd’hui dans de nombreuses villes de Suisse en raison de son allergénicité.
Fig. 1: Comparaison des concentrations journalières de pollen de charme-houblon (Ostrya carpinifolia) et de bouleau (Betula ssp.) à Lugano. La moyenne de 2013 à 2022 est représentée pour chaque jour. Le charme-houblon fleurit en même temps que le bouleau. À Lugano, des concentrations de pollen similaires sont mesurées pour les deux espèces. Les fruits de l’année précédente, qui peuvent encore être présents sur l’arbre pendant la floraison du charme-houblon, ressemblent à ceux du houblon
Parmi les oléacées, c’est le frêne à fleurs (Fraxinus ornus), également originaire du sud de l’Europe et dont la répartition géographique naturelle est similaire à celle du charme-houblon. Il fleurit fin avril-début mai, de sorte que la dispersion de son pollen peut prolonger la saison pollinique du frêne (Fig. 2). Certaines espèces de frêne blanc sont également bien adaptées au climat urbain. Différentes espèces de chênes originaires du sud-est de l’Europe, comme le chêne chevelu (Quercus cerris) et le chêne de Hongrie (Quercus frainetto), prendront également de l’importance à l’avenir. Plus le nombre d’espèces de chênes plantées est élevé, plus il est probable que les périodes de floraison soient légèrement différentes, ce qui pourrait prolonger la saison pollinique du chêne dans son ensemble et potentiellementaugmenter les concentrations de pollen (Fig. 3).
Fig. 2: Comparaison des concentrations journalières de pollen de frêne à fleurs (Fraxinus ornus) et de frêne commun (Fraxinus excelsior) à Lugano. La moyenne de 2013 à 2022 est représentée pour chaque jour. Le frêne à fleurs ne fleurit qu’après le frêne commun et peut donc prolonger la saison pollinique pour les personnes allergiques au pollen de frêne (source photo: www.infoflora.ch, Christophe Bornand)
Fig. 3: Comparaison des concentrations journalières de pollen de chêne à Lugano et à Zurich. La moyenne de 2013 à 2022 est représentée pour chaque jour. La saison du pollen de chêne est plus précoce, plus intense et un peu plus longue à Lugano qu’à Zurich
Les plantes méditerranéennes qui provoquent des allergies dans le bassin méditerranéen sont l’olivier, le cyprès et le platane. En Suisse, les platanes sont plantés depuis longtemps dans les villes. Jusqu’à présent, ils ne sont guère connus pour provoquer des allergies, bien que les quantités de leur pollen aient augmenté pour la plupart des stations de mesure du pollen (Fig. 4). La plantation d’oliviers ou de cyprès à grande échelle semblent pour l’instant peu probable en Suisse. Du point de vue de la prévention des allergies, il faut à tout prix l’éviter. Ces deux arbres fleurissent en dehors de la saison pollinique actuelle des arbres: les cyprès, très tôt dans l’année, de décembre à avril et les oliviers de mai à juin. Les allergies au pollen de cyprès ont augmenté dans le bassin méditerranéen, car les arbres de la famille des cupressacées ont été de plus en plus souvent plantés dans les jardins ou lors de reboisements, ce qui a entraîné une augmentation de la charge pollinique, par exemple en Lombardie.14,15
Fig. 4: L’intégrale pollinique saisonnière (somme des concentrations journalières de pollen par an) des platanes a augmenté en Suisse au cours des trente dernières années. Une valeur moyenne des stations de mesure de Bâle, Berne, Genève, Lucerne et Zurich est présentée
Conclusion
Les espaces verts sont essentiels pour les environnements urbains et la santé humaine, surtout alors que le phénomène d’îlot de chaleur urbain s’intensifie avec le changement climatique. Même en plantant de nouveaux arbres résistants au climat dans les villes, le pollen des bétulacées et des fagacées restera important à l’avenir en Suisse. Il est important de choisir des plantes adaptées et de donner la priorité à celles qui produisent des quantités moindres de pollen, en particulier dans les zones sensibles, comme à proximité des habitations ou des écoles. À proximité d’arbres nouvellement plantés, la charge pollinique peut être localement nettement plus élevée et la période de floraison peut être prolongée par une plus grande diversité d’espèces. On ignore encore quel sera l’impact en Suisse des nouvelles espèces d’arbres connues pour provoquer des allergies dans les pays plus méridionaux. Les symptômes en dehors des périodes de floraison typiques des arbres indigènes peuvent devenir plus fréquents à l’avenir et doivent être identifiés clairement.
Littérature:
1 Hauser M et al.: Bet v 1-like pollen allergens of multiple Fagales species can sensitize atopic individuals. Clin Exp Allergy 2011; 41: 1804-14 2 Gassner M et al.: Ash pollen allergy and aerobiology. Allergo J Int 2019; 28: 289-98 3 Eeftens M et al.: Allergie au pollen et impact du changement climatique. Swiss Academies Factsheets 2024; 19 (1). https://scnat.ch/fr ; dernier accès27.05.2025 4 NCCS (Ed.): CH2018 – scénarios climatiques pour la Suisse. National Centre for Climate Services, Zurich. 2018. https://scnat.fr/de ; dernier accès27.05.2025 5 MétéoSuisse 2025: https://www.meteosuisse.admin.ch/climat/changement-climatique.html ; dernier accès27.05.2025 6 Glick S et al.: Multi-decade changes in pollen season onset, duration, and intensity: a concern for public health? Sci Total Environ 2021; 781: 146382 7 Albertine JM et al.: Projected carbon dioxide to increase grass pollen and allergen exposure despite higher ozone levels. PLOS One 2014; 9: e111712 8 Reinmuth-Selzle K et al.: Air pollution and climate change effects on allergies in the anthropocene: abundance, interaction, and modification of allergens and adjuvants. Environmental Sci Technol 2017; 51: 4119-41 9 Gassner M et al.: Hay fever as a Christmas gift. N Engl J Med 2013; 368: 393-4 10 Zhao T et al.: Urban greenspace under a changing climate: Benefit or harm for allergies and respiratory health? Environ Epidemiol 2025; 9: e372 11 De Weger LA et al.: Method to develop a regional guide for the allergenic potential of tree pollen. Sci Total Environ 2024; 926: 171575 12 Gloor S et al.: Biodiversitätsindex für Stadtbäume im Klimawandel. Grün Stadt Zürich, interner Bericht. 2021. https://www.stadt-zuerich.ch/content/dam/web/de/umwelt-energie/natur/dokumente/stadtbaeume/biodiversitaetsindex-2021-fuer-stadtbaeume-im-klimawandel.pdf ; dernier accès27.05.2025 13 GALK: Zukunftsbäume für die Stadt. Auswahl auf der GALK-Strassenbaumliste. https://galk.de/arbeitskreise/stadtbaeume/themenuebersicht/zukunftsbaeume-fuer-die-stadt/; dernier accès 27.05.2025 14 De Linares C et al.: Airborne Cupressaceae pollen and its major allergen, cup a 1, in urban green areas of southern Iberian peninsula. Forests 2021; 12: 254 15 Asero R et al.: Cypress pollen allergy in Milan: the story of an ongoing growth. Eur Ann Allergy Clin Immunol 2021; 53: 209-13
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