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Cirrhose du foie

Le traitement de l’ascite et de l’hémorragie par rupture de varices œsophagiennes

La décompensation de la cirrhose du foie entraîne une atteinte multi-organes et une baisse spectaculaire de l’espérance de vie. Des nouveautés sont enregistrées avant tout dans le traitement de l’ascite et des hémorragies par rupture de varices œsophagiennes, comme l’a expliqué le Prof. Dr méd. Markus Heim, médecin-chef en gastroentérologie et hépatologie au centre universitaire de médecine abdominale «Clarunis» à Bâle, lors de la conférence numérique medArt basel20.

La cirrhose du foie marque le stade final de nombreuses maladies micro-inflammatoires chroniques du foie. «Le traitement des patients présentant une cirrhose du foie compensée se concentre sur le traitement de la maladie sous-jacente», a déclaré M. Heim. Une alimentation équilibrée et suffisante sur le plan calorique et le sport permettent de prévenir la cachexie. En raison du risque accru de carcinome hépatocellulaire, les patients doivent être examinés par échographie abdominale tous les six mois. En complément, l’alpha-fœtoprotéine peut être mesurée. Si la numération plaquettaire tombe à <150000/μl et que la rigidité du foie au Fibroscan est >20kPa, il est recommandé de procéder à un dépistage des varices par gastroscopie.1 Les patients sans varices doivent faire l’objet d’un nouveau contrôle gastroscopique au bout de deux ans, les patients présentant de petites varices au bout d’un an. Une prophylaxie primaire (voir ci-dessous) est indiquée pour les varices de taille moyenne à grande.

L’état de santé s’aggrave avec la décompensation

La cirrhose décompensée du foie s’accompagne généralement d’une atteinte multi-organes et d’une détérioration marquée de l’état de santé. Selon une étude, l’espérance de vie médiane avec une cirrhose du foie décompensée est de 2 ans, contre 12 ans avec une cirrhose du foie compensée.2 Les signes typiques de décompensation sont la jaunisse, l’hémorragie par rupture de varices œsophagiennes, l’ascite et une insuffisance rénale relative.

L’hémorragie par rupture de varices œsophagiennes est une complication courante et redoutée de la cirrhose du foie. Elle touche environ 30% des patients et est associée à un taux de mortalité de 15–25%. Environ deux tiers des patients subissent une hémorragie récidivante dans un délai d’un à deux ans. La prophylaxie primaire de l’hémorragie par rupture de varices œsophagiennes est assurée par le carvédilol (6,25–12,5mg/j) ou par une ligature élastique endoscopique; elle est indiquée pour les varices présentant un risque accru d’hémorragie. C’est le cas des varices de taille moyenne à grande et de celles qui présentent des signes rouges et – quelle que soit la taille des varices – chez les patients atteints de cirrhose du foie au stade Child-Pugh C. Chez les patients qui ont subi une hémorragie variqueuse, une prophylaxie secondaire par ligature élastique et carvédilol doit être pratiquée (à l’exception des patients traités par TIPS [shunt intra-hépatique par voie transjugulaire]; voir ci-dessous).

Dans le traitement des hémorragies œsophagiennes aiguës des varices en unité de soins intensifs, l’accent est mis sur le dégagement des voies respiratoires et la stabilisation de la circulation. Ensuite, les varices doivent être stabilisées dans les 12 heures au moyen d’une ligature élastique endoscopique. Parmi les nouveautés dans le traitement aigu, on trouve le concept de «TIPS précoce» ainsi que le «stent ELLA». Une étude prospective randomisée comparant la pose précoce d’un TIPS avec le traitement traditionnel (substances vasoactives plus ligature élastique endoscopique) chez des patients atteints de cirrhose du foie (Child-Pugh B et C) et d’hémorragie par rupture de varices œsophagiennes montre que la survie des patients a pu être considérablement améliorée par un «TIPS précoce».3 Le stent pour varices œsophagiennes de la société ELLA se substitue à la sonde de Blakemore-Sengstaken en cas d’hémorragie aiguë.

Nouveaux systèmes d’élimination pour le traitement de l’ascite

L’ascite est souvent le premier signe de décompensation de la cirrhose du foie. En cas d’ascite récente, une ponction d’ascite doit être pratiquée pour exclure une péritonite bactérienne spontanée. Une ascite sans complications peut se traiter avec des diurétiques tels que la spironolactone ou le torasémide. S’il n’est pas possible de mobiliser le fluide de cette manière, une paracentèse ou la pose d’un TIPS est indiquée. Une alternative consiste dans l’insertion sous-cutanée d’un drainage PleurX™ dans la cavité péritonéale et, si nécessaire, l’élimination de l’ascite, au fur et à mesure des besoins, par le patient ou le service d’aide et de soins à domicile. Un moyen un peu plus élaboré: l’élimination continue fournie par le système alfapump®, par lequel l’ascite est acheminée dans la vessie par un système de cathéters grâce à une pompe fonctionnant sur piles implantée au niveau sous-cutané.

Atteinte multi-organs

Poumon

Les principales manifestations pulmonaires de la cirrhose du foie décompensée incluent l’hydrothorax hépatique, le syndrome hépato-pulmonaire et l’hypertension porto-pulmonaire. Ces complications sont associées à une augmentation de la morbidité et/ou de la mortalité. Le traitement s’avère généralement difficile, c’est pourquoi il est recommandé aux patients de se soumettre à des examens en vue d’une greffe du foie.

Cœur

Une maladie qui devrait être activement recherchée chez les patients atteints de cirrhose du foie décompensée est la cardiomyopathie cirrhotique. En raison de sa manifestation subclinique, la maladie reste souvent non détectée. Cependant, une manifestation clinique peut se produire à la suite d’une paracentèse, de la pose d’un TIPS, d’une infection bactérienne ou d’une greffe du foie.

Reins

Entre 20 et 40% des patients atteints de cirrhose du foie décompensée souffrent en outre d’une insuffisance rénale aiguë. Près de la moitié de ces patients souffrent d’une insuffisance rénale prérénale, qui est réversible par administration de fluides. Dans environ un quart des cas, la cause de l’insuffisance rénale est un syndrome hépatorénal. «Ces patients ne répondent pas à l’administration de fluides et à l’albumine et devraient être traités avec de la terlipressine», a déclaré l’expert. Récemment, il est recommandé que l’analogue de la vasopressine ne soit pas administré en bolus mais en perfusion continue en raison d’une meilleure tolérance. Le traitement commence par une dose initiale de 2mg/j et peut être augmenté jusqu’à un maximum de 12mg/j.

Si les patients ne répondent pas au traitement par terlipressine et albumine, un traitement de substitution rénale peut devenir nécessaire. Dans des cas sélectionnés, la pose d’un TIPS devrait être envisagée.

Questions et réponses lors du chat en direct avec le Prof. Markus Heim

Dans quelle mesure les scores de fibrose simples non invasifs se prêtent-ils comme méthode de dépistage d’une cirrhose du foie?

M. Heim: Il existe plusieurs scores de ce type, dont la plupart sont basés sur les valeurs sériques. Tous ces tests se prêtent bien afin d’exclure une cirrhose du foie, mais pas pour détecter les stades préliminaires. Or, l’objectif est de prévenir le développement d’une cirrhose du foie.

Quand le stent ELLA est-il utilisé et combien de temps peut-il rester dans l’œsophage

M. Heim: Le stent ELLA est utilisé en cas d’hémorragie aiguë par rupture de varices œsophagiennes qui ne peut être stoppée par voie endoscopique. Il est utilisé comme mesure de transition, par exemple jusqu’à la pose d’un «TIPS précoce». Le stent est une méthode de traitement appropriée pour les hôpitaux périphériques qui ne posent pas eux-mêmes de TIPS, le but étant de stabiliser les patients afin qu’ils puissent être transférés dans un hôpital plus grand. Le stent ELLA peut être laissé en place pendant une semaine, éventuellement pendant une période plus longue.

À quels intervalles les patients présentant un abus d’alcool persistant doivent-ils être examinés pour détecter une cirrhose du foie?

M. Heim: Si les antécédents médicaux du patient suggèrent un abus d’alcool, il convient de rechercher une cirrhose du foie à l’aide des transaminases, éventuellement complétées par une échographie abdominale. En cas d’élévation des transaminases, des examens complémentaires, tels qu’un Fibroscan, sont nécessaires pour déterminer la progression de la fibrose. Si une fibrose est détectée, la question d’une biopsie du foie se pose. C’est toujours la référence en matière de stadification de toute hépatopathie. En l’absence de signe d’une cirrhose du foie, mais lorsque l’abus d’alcool persiste, le dépistage doit être répété après quelques années, par exemple au moyen d’un Fibroscan. La durée jusqu’à l’apparition d’une affection hépatique alcoolique est comprise entre 10 et 30 ans.

digital medArt basel.20, 7 et 8 mai 2020

1 de Franchis R: Expanding consensus in portal hypertension: report of the Baveno VI consensus workshop: stratifying risk and individualizing care for portal hypertension. J Hepatol 2015; 63: 743-52 2 D’Amico C et al.: Natural history and prognostic indicators of survival in cirrhosis: a systematic review of 118 studies. J Hepatol 2006; 44: 217-31 3 García-Pagán JC et al.: Early use of TIPS in patients with cirrhosis and variceal bleeding. N Engl J Med 2010; 362: 2370-9

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