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Les nouveaux agents biologiques valent-ils leur prix?
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16.05.2018
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<p class="article-intro">Une étude américaine suggère que les nouveaux agents biologiques sont surestimés en cas de polyarthrite rhumatoïde. De fait, les agents biologiques présentent certains inconvénients: les patients souffrent d’effets secondaires, le traitement est coûteux et certains praticiens ont peur des recours. Pourtant, les patients et le système de santé peuvent en bénéficier énormément si les bons patients sont traités à temps. Nous avons demandé à d’éminents rhumatologues et à un économiste de la santé quels médicaments utiliser, et comment les utiliser, contre la polyarthrite rhumatoïde – au bénéfice des patients et du système de santé.</p>
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<p class="article-content"><p>Le traitement de la polyarthrite rhumatoïde (PR) a changé du tout au tout au cours des 30 dernières années. Auparavant, il y avait peu de médicaments, leur efficacité était souvent insuffisante et le traitement commençait généralement tard au cours de l’évolution de la maladie. Lorsque, en 1998, le premier agent biologique, et avec lui un médicament agissant spécifiquement contre l’inflammation, a été mis sur le marché, ce fut une bénédiction pour les patients, se souvient le Prof. Dr méd. Oliver Distler, directeur de la Clinique de rhumatologie de l’Hôpital universitaire de Zurich: «Pour la première fois, nous avons pu vraiment ralentir le processus inflammatoire. Aujourd’hui, nous ne voyons plus que quelques patients avec des destructions articulaires sévères.» (Fig. 1)<br /> Les agents biologiques sont maintenant devenus le traitement standard de la polyarthrite rhumatoïde sévère. Pour cette raison, une étude publiée l'année dernière par Nick Bansback, de l’Université de la Colombie- Britannique, a semé une certaine confusion: par rapport au traitement standard, les patients ne se sentiraient mieux avec un agent biologique que pendant, au total, quelques semaines – si l’on effectue le calcul sur toute leur vie – et cet avantage coûterait 77 290 dollars, soit environ 73 470 francs.<sup>1</sup> L’étude conclut que les agents biologiques ne valent pas leur prix élevé. «L’étude ne peut pas être appliquée à l’Europe», affirme le Prof. Dr méd. Klaus Krüger, rhumatologue à Munich. «Dans nos pays, les patients reçoivent beaucoup trop rarement des agents biologiques.» Le Prof. Dr Christian Gissel, économiste de la santé à l’Université de Giessen, estime également que les coûts en valent la peine. «Les agents biologiques permettent à de nombreux patients d’exercer à nouveau leur profession, ce qui est d’une importance décisive sur le plan économique.» En Allemagne, les patients gagnent presque dix ans de bonne qualité de vie, a-t-il calculé, alors qu’avec le traitement conventionnel, ce gain n’est que de sept ans.<sup>2</sup> Les trois années représentent un gain de 20 900 euros (24 460 francs), en incluant les économies liées à la capacité de travail du patient.</p> <h2>Nouvelles recommandations thérapeutiques non appliquées</h2> <p>Le fait que l’étude américaine ne soit pas à l’avantage des agents biologiques tient également à une chose: les chercheurs ne connaissaient pas encore les nouvelles recommandations thérapeutiques au début de l’étude, précise le Prof. Dr méd. Gerd Burmester, de la Charité (Berlin). «L’étude a traité les patients indépendamment de leur profil de risque. Si les patients sans facteurs de risque ont eux aussi reçu des agents biologiques, il est clair que les préparations ne pouvaient pas beaucoup dépasser le traitement standard en qualité, parce que celui- ci fonctionne également bien dans ce cas.» Un agent biologique doit être administré principalement aux patients présentant certains facteurs de risque, tels que des niveaux élevés d’inflammation ou plusieurs articulations enflées.<br /> Pendant longtemps, seuls les sels d’or, la D-pénicillamine et la sulfasalazine ont été disponibles pour le traitement de la PR. Ces préparations, en particulier les sels d’or et la D-pénicillamine, ont causé des effets secondaires importants. «Par précaution, et parce qu’aucun autre médicament efficace n’était disponible, les patients ont été traités trop tard ou ne l’ont pas été suffisamment, ce qui a entraîné des destructions articulaires permanentes », rappelle G. Burmester. En 1948, le premier patient atteint de PR a été traité avec succès avec de la cortisone. Cependant, l’administration permanente et la dose élevée ont également entraîné des effets secondaires considérables. Le deuxième développement fondamental a été l’apparition du méthotrexate (MTX) à la fin des années 1980. Aujourd’hui, le MTX et la cortisone – maintenant à faible dose et pendant une période aussi courte que possible – sont considérés comme les pierres angulaires du traitement. Le Prof. Dr méd. Josef Smolen, chef du service clinique de rhumatologie de la Clinique universitaire de médecine interne de Vienne, affirme qu’il est toujours utile de s’informer régulièrement sur les lignes directrices de traitement actuelles.</p> <h2>Treat to target</h2> <p>«Le traitement des patients atteints de PR comprend trois points fondamentaux», souligne le Prof. Dr méd. Diego Kyburz, président de la Société suisse de rhumatologie. «Premièrement: commencer le traitement de base le plus tôt possible après le diagnostic. Deuxièmement: fixer un objectif de traitement; et troisièmement: contrôler fréquemment l’activité de la maladie et adapter le traitement si nécessaire – nous appelons cela ‹treat to target›.» Le but premier du traitement est une rémission. Cependant, une «low disease activity» peut également être un objectif dans le cas de maladies prolongées.<br /> La ligne directrice EULAR sur les traitements<sup>3</sup>, mise à jour en 2016, décrit 4 principes généraux – de A à D – (Tab. 1) et 12 recommandations de traitement. Dans l’ancienne ligne directrice EULAR de 2013, le principe B était encore classé comme la recommandation n° 14. «Nous avons décidé qu’il s’agissait davantage d’un principe général que d’une recommandation de traitemen», a déclaré J. Smolen. «Au moment de la décision de traitement, il est extrêmement important de tenir compte non seulement de l’activité de la maladie, mais aussi d’autres facteurs, en particulier les contre-indications. Cependant, la rémission est l’objectif du traitement, car l’activité de la maladie entraîne la destruction articulaire et des comorbidités.» Le MTX demeure le médicament de premier choix. Selon D. Kyburz, «il est recommandé d’augmenter la dose jusqu’à 25 à 30mg/semaine si les patients le tolèrent».</p> <h2>Les inhibiteurs de la JAK peuvent être utilisés plus tôt</h2> <p>Un autre aspect nouveau de la directive est que les inhibiteurs de la janus kinase (JAK), tels que le tofacitinib, ne sont plus considérés comme une sorte de dernier recours: il est conseillé de les utiliser plus tôt. «Nous disposons maintenant de davantage de données à long terme sur le tofacitinib, et elles n’ont révélé aucun effet secondaire nouveau ou inattendu», explique le Prof. Smolen. «Des études de phase III ont également été achevées sur un autre inhibiteur de la JAK, le baricitinib, qui a montré une bonne efficacité et n’a suscité aucune préoccupation quant à son innocuité.» Les deux médicaments sont autorisés pour la PR.<br /> Les inhibiteurs de la JAK sont une bonne alternative aux agents biologiques: «Les patients peuvent les prendre sous forme de comprimés. Il est donc, par exemple, probable qu’ils soient particulièrement adaptés à ceux qui trouvent les injections désagréables», a ajouté J. Smolen.<br /> La ligne directrice EULAR est également plus claire que la ligne directrice de l’American College of Rheumatology (ACR) sur l’utilisation des corticoïdes. «On doit toujours ne les utiliser que temporairement au début du traitement par csDMARD», dit également J. Smolen. «Pas seulement avec le premier csDMARD, mais aussi lors du passage à un autre csDMARD.» D. Kyburz se félicite de ce que les recommandations soient plus concrètes: «Contrairement à la recommandation de 2013, les glucocorticoïdes ne sont plus recommandés à ‹low dose›, mais pour le ‹short term›. Ceci pour tenir compte du fait que de nombreux collègues donnent initialement des doses élevées de corticostéroïdes.»</p> <h2>Traitement en fonction des facteurs de risque</h2> <p>Comment procéder concrètement? Une fois que le diagnostic est posé, l’administration de MTX commence dans une première phase de traitement, en combinaison avec des corticoïdes à court terme. Si le patient ne tolère pas le MTX, le léflunomide ou la sulfasalazine sont disponibles à titre d’alternative. Si l’activité de la maladie ne s’améliore pas d’au moins la moitié dans les 3 mois ou si le traitement individuel n’atteint pas l’objectif thérapeutique dans les 6 mois, la ligne directrice recommande dans une deuxième phase de traitement de procéder en fonction des facteurs de risque.<br /> «Par exemple, si un csDMARD plus glucocorticoïde échoue dans la première phase du traitement, nous voyons s’il existe des facteurs de risque de progression rapide de la destruction», précise J. Smolen. Si le patient ne présente pas de tels facteurs de risque, on passe à un autre csDMARD. Si des facteurs de risque sont présents, on combine avec un DMARD biologique. «Avec les biosimilaires, nous avons maintenant aussi des alternatives efficaces et moins chères pour cette configuration.»<br /> En cas de facteurs de risque, certains appliquent, comme dans l’étude américaine, un traitement combiné comportant trois médicaments. «Mais beaucoup de patients refusent cette thérapie», rapporte le Prof. Krüger. «Ils doivent prendre plus d’une poignée de comprimés par jour et recevoir une injection de MTX une fois par semaine.»<br /> Le problème n’est pas tant qu’il n’y ait pas de médicaments efficaces, dit G. Burmester, mais que le traitement de nombreux patients commence trop tard. Quand une PR est détectée, deux années, en moyenne, se sont écoulées depuis les premiers symptômes.<sup>4</sup> «C’est beaucoup trop long», estime G. Burmester. Le diagnostic doit être posé dans les six mois et le traitement doit alors commencer immédiatement. Cependant, certains collègues ont peur des demandes de dommagesintérêts des caisses-maladie, dit G. Burmester, lorsqu’ils prescrivent un agent biologique coûteux. «Mais cette crainte n’est pas fondée, parce que l’on peut facilement argumenter si le patient a besoin d’un tel médicament.» Mais même les patients s’opposent parfois, eux aussi, au traitement par agents biologiques, signale K. Krüger: «Certains ont très peur des effets secondaires et refusent catégoriquement les agents biologiques.» Il faut l’accepter, bien que les médicaments soient généralement bien tolérés.<br /> La ligne directrice américaine établit une distinction entre la PR «established» et la «early» PR. «Chez nous aussi, nous avons toujours distingué des phases de traitement», note J. Smolen. «Dans la formulation EULAR actuelle, nous n’avons fait qu’éclaircir ce point. Nous vérifions si un patient est naïf de csDMARD (phase I), si les csDMARD ont échoué (phase II) ou si un échec de bDMARD est constaté (phase III).» Pour la pratique quotidienne, la ligne directrice est un guide très utile, qui s’appuie sur des données probantes, affirme D. Kyburz: «Mais même avec cette directive, de nombreuses questions restent malheureusement sans réponse. Notamment, un traitement individualisé n’est pas possible ou n’est applicable que de façon très approximative.» On ne sait toujours pas, par exemple, quel est le bon médicament pour quel patient une fois que l’effet insuffisant du MTX est constaté. «Les biomarqueurs qui permettront, dans l’avenir, un traitement personnalisé de la PR doivent encore être identifiés», affirme D. Kyburz.</p> <p>Les médicaments modernes contre les rhumatismes ont pour effet bénéfique qu’il est aujourd’hui beaucoup moins fréquent de devoir opérer les patients. «Dans le passé, je ne pouvais ni conserver les articulations ni les remplacer par une prothèse en raison de leur degré de destruction et il ne restait qu’une arthrodèse», rappelle le Prof. Dr méd.Günter Germann, chirurgien en chef (spécialiste de la main) de la clinique ETHIANUM (Heidelberg). Aujourd’hui, les chirurgiens de la main opèrent principalement les patients atteints de PR qui ne répondent absolument pas aux médicaments. L’inflammation est certes réduite, mais certaines articulations ou certains tendons sont encore enflammés. «La chirurgie est plus facile dans ce cas que dans le passé parce que les agents biologiques rendent les os et les tissus plus stables», a rapporté le Dr Daniel Herren, chirurgien de la main (Zurich), au «Florence RA Course» de 2017. Avec des articulations artificielles dans les doigts, les patients peuvent de nouveau améliorer leur préhension et les déformations peuvent être corrigées. «Le meilleur moment pour moi, c’est quand un patient me dit qu’il a enfin pu manger au restaurant après des années sans avoir honte de ses mains», assure D. Herren. Selon G. Germann, il est important que l’opérateur soit informé à un stade précoce. «Par exemple, nous pouvons, avant qu’il ne soit trop tard, maintenir dans la bonne position des tendons qui risquent de glisser, et le patient ne présente pas la main rhumatismale typique avec laquelle il ne peut plus saisir.» Avant qu’il ne soit conseillé à un patient de subir une intervention chirurgicale, toutes les mesures médicamenteuses doivent cependant être épuisées, conseille le Prof. Distler. «Aujourd’hui, nous disposons de plusieurs possibilités – on n’arrive pas en un instant aux limites du possible.»</p> <h2>Aperçu des médicaments contre la PR</h2> <p>Les médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie («disease-modifying antirheumatic drugs», DMARD) peuvent être divisés en deux groupes principaux: les substances synthétiques (sDMARD) et biologiques (bDMARD). On distingue entre les substances synthétiques conventionnelles (csDMARD), telles que le méthotrexate, la sulfasalazine et le léflunomide, et les substances synthétiques ciblées (tsDMARD), y compris le tofacitinib et le baricitinib, inhibiteurs de la JAK. Il existe, de même, deux sousgroupes de préparations biologiques: les agents biologiques d’origine (boDMARD, Tab. 2) et les biosimilaires (bsDMARD), dont ceux de l’infliximab et de l’étanercept sont autorisés dans l’UE. Seuls les deux biosimilaires de l’infliximab (Remsima<sup>®</sup> et Inflectra<sup>®</sup>) ont été autorisés en Suisse jusqu’à présent.</p> <p><img src="/custom/img/files/files_datafiles_data_Zeitungen_2018_Leading Opinions_Ortho_1802_Weblinks_lo_ortho_1802_s40_fig1+tab1+2.jpg" alt="" width="1417" height="2750" /></p></p>
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<a class="literatur" data-toggle="collapse" href="#collapseLiteratur" aria-expanded="false" aria-controls="collapseLiteratur" >Literatur</a>
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<p><strong>1</strong> Bansback N et al.: Triple therapy versus biologic therapy for active rheumatoid arthritis. A cost-effectiveness analysis. Ann Intern Med 2017; 167(1): 8-16 <strong>2</strong> Gissel C et al.: Cost-effectiveness of adalimumab for rheumatoid arthritis in Germany. Zeitschrift für Rheumatologie 2016; 75(10): 1006-15 <strong>3</strong> Smolen JS et al.: EULAR recommendations for the management of rheumatoid arthritis with synthetic and biological disease modifying antirheumatic drugs: 2016 update. Ann Rheum Dis 2017; 0: 1-18 <strong>4</strong> Albrecht K et al.: Outpatient care and disease burden of rheumatoid arthritis: results of a linkage of claims data and a survey of insured persons. Z Rheumatol 2018; 77: 102-12</p>
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