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Soins palliatifs

Trop malade pour la chimio? – critères de renoncement au traitement systémique antitumoral

La question de savoir à partir de quel moment les patient·es atteint·es de cancer sont «trop malades pour la chimiothérapie» représente un défi important dans la pratique clinique. Les médecins doivent évaluer soigneusement l’état de santé des patient·es, ainsi que les avantages et les inconvénients potentiels du traitement, afin de prendre une décision éclairée sur l’opportunité ou non d’entamer un traitement. Cependant, il n’existe pas à ce jour de critères clairs et consensuels permettant de déterminer sans ambiguïté quand une chimiothérapie peut être considérée comme inutile. L’objectif de la présente recherche était d’identifier des critères désignés dans la littérature scientifique qui pourraient servir de base à cette décision.

Keypoints

  • Un mauvais état général (ECOG 3/4) et la non-réponse au traitement sont des raisons essentielles pour renoncer aux traitements systémiques antitumoraux en situation palliative.

  • La qualité de vie et le souhait explicite des patient·es jouent un rôle central dans la prise de décision.

  • Les directives internationales de l’ESMO et de l’ASCO déconseillent les traitements systémiques au cours des dernières semaines de vie afin d’éviter des contraintes inutiles.

La responsabilité médicale dans les soins palliatifs

Lors de la prise de décisions concernant la mise en œuvre ou la limitation des traitements médicaux par rapport à des thérapies antitumorales spécifiques dans le cas de cancers avancés et incurables, il s’agit non seulement d’évaluer l’efficacité et la tolérabilité des traitements, mais aussi de peser individuellement les contraintes et l’acceptabilité pour les patient·es.

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Dans les dernières semaines de vie, un traitement oncologique n’est souvent pas ce dont les patient·es ont besoin

La décision d’arrêter ou non un traitement systémique antitumoral et le moment où il doit être arrêté sont souvent controversés et constituent une source de conflits éthiques entre les différents groupes professionnels impliqués (p.ex. médecins, personnel infirmier, psycho-oncologues), entre les différentes disciplines médicales (p.ex. oncologie, médecine palliative, disciplines chirurgicales) ou entre les membres d’une même équipe. La question de savoir ce qui est considéré comme une thérapie «encore acceptable» reste alors souvent sans réponse.

Une revue systématique de la littérature a examiné les critères permettant d’évaluer si les patient·es peuvent être considéré·es comme «trop malades pour une chimiothérapie».

Critères de renoncement aux traitements systémiques antitumoraux

La recherche documentaire a été effectuée à l’aide des bases de données scientifiques PubMed® et ResearchGate®. La stratégie de recherche combinait des termes tels que «oncologic patients» (patients oncologiques), «systematic therapy» (traitement systémique), «treatment decision» (décision de traitement) et «palliative care» (soins palliatifs). En outre, des références croisées ont permis d’identifier d’autres études pertinentes. Les études qui examinaient des traitements antitumoraux spécifiques ou qui n’avaient pas de lien avec les traitements systémiques en médecine palliative ont été exclues. Au total, huit études ont ainsi pu être incluses dans l’analyse.1–8

La revue de la littérature identifie plusieurs critères justifiant l’arrêt d’un traitement systémique antitumoral en situation palliative (Fig.1).

Fig.1: Raisons de l’arrêt d’un traitement systémique en situation palliative

En particulier, la non-réponse aux traitements précédents ainsi qu’un mauvais état général (indice fonctionnel ECOG de 3 ou 4) constituent des indicateurs d’arrêt de traitement. Un autre facteur est une toxicité thérapeutique élevée. Les complications sont également des raisons importantes pour l’interruption ou le renoncement au traitement, ainsi que la volonté des patient·es et leur âge. De plus, la qualité de vie (HRQOL/QOL) a été désignée comme critère pertinent.

Ces résultats sont conformes aux recommandations de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), qui déconseille le traitement systémique chez les patient·es ayant un indice fonctionnel ECOG de 3/4 ou ceux·celles qui n’ont pas obtenu de bénéfice lors d’interventions antérieures.9

De même, l’European Society for Medical Oncology (ESMO) souligne que la chimiothérapie et l’immunothérapie devraient être évitées dans les dernières semaines de vie, car les bénéfices thérapeutiques sont généralement inexistants à ce stade et les traitements représentent un fardeau supplémentaire pour les patient·es.10

Conclusion: nécessité d’une approche basée sur le consensus

La revue de la littérature montre que la non-réponse au traitement ainsi qu’un mauvais état général (ECOG 3/4) sont les raisons les plus fréquentes de l’arrêt d’un traitement systémique antitumoral en situation palliative. Les critères d’interruption d’un traitement systémique identifiés dans la littérature soulignent l’importance d’une prise de décision étroitement liée à la capacité de résistance individuelle des patient·es et d’une perception précoce des dégradations de l’état de santé.

Bien que des outils validés tels que l’indice fonctionnel ECOG soient disponibles, l’évaluation de la capacité thérapeutique et du bénéfice potentiel reste souvent subjective. Les lignes directrices recommandent une prise en charge précoce de la fin de vie potentielle, mais celle-ci est souvent tardive – en moyenne, 33 jours seulement avant le décès.

Une implication précoce des patient·es dans le processus décisionnel pourrait contribuer à éviter des traitements lourds dans les dernières semaines de vie et à mettre l’accent sur la qualité de vie. ◼

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1 Kondo Y et al.: When should anti-cancer treatment be ended? Why and when to discontinue palliative chemotherapy. J Clin Oncol 2018; 36: 41 2 Heuser K: Chemotherapie bei malignen Gliomen. Minim Invasive Neurosurg 1990; 33: 20-2 3 Borner M et al.: Palliative Chemotherapie oder doch besser Palliative Care? Swiss Med Forum 2015; 15(16): 334-9 4 Detmar SB et al.: Role of health-related quality of life in palliative chemotherapy treatment decisions. J Clin Oncol 2002; 20(4): 1056-62 5 Matsumoto Y et al.: Termination of palliative chemotherapy near the end of life: a retrospective study of gastrointestinal cancer patients. Palliat Med Rep 2023; 4(1): 169-74 6 Pache S: Tumorspezifische Therapien in der Palliativmedizin: Indikation, Häufigkeit des therapeutischen Einsatzes und Standpunkte bei der Therapieentscheidung [Dissertation]. Göttingen: Georg-August-Universität zu Göttingen, 2020 7 Staples J et al.: Systemic anticancer treatment near the end of life: a narrative literature review. Curr Treat Options Oncol 2023; 24(10): 1328-50 8 Mazina V et al.: Difficult conversations and painful decisions: When should patients with progressive cancer stop chemotherapy? J Cancer Ther 2022; 13: 20-47 9 Schnipper LE et al.: American Society of Clinical Oncology identifies five key opportunities to improve care and reduce costs: the top five list for oncology. J Clin Oncol 2012; 30(14): 1715-24 10 Crawford GB et al.: Care of the adult cancer patient at the end of life: ESMO Clinical Practice Guidelines. ESMO Open 2021; 6(4): 100225

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