
Suspicion d’asthme professionnel: que dois-je savoir?
Auteur:
Dr méd. Jacques A. Pralong, MSc.
Spécialiste FMH pneumologie et médecine du travail
Responsable médical
SwissMedPro Health Services SA, Genève
Médecin agréé, Hôpital de la Tour, Meyrin
Chargé d’enseignement, Faculté de Médecine
Université de Genève
E-Mail: jacques.pralong@swissmedpro.ch
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L’asthme professionnel est la plus fréquente des maladies respiratoires professionnelles. Le diagnostic a un impact majeur tant au niveau du patient qu’au niveau de la santé publique mais une prévention efficace permet d’en minimiser l’impact.
Keypoints
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L’asthme professionnel est la pathologie respiratoire professionnelle la plus fréquente.
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Il est capital d’évoquer la possibilité d’une origine professionnelle face à chaque nouveau cas d’asthme diagnostiqué chez un adulte.
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Le bilan d’une suspicion d’asthme professionnel s’effectue pendant une période durant laquelle le patient est exposé sur son lieu de travail.
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La collaboration entre les différents acteurs impliqués est essentielle pour une prise en charge optimale.
Epidémiologie
L’asthme professionnel est défini comme un asthme dont les causes se retrouvent dans l’environnement de travail particulier et pas en lien avec des stimuli retrouvés hors de la place de travail.1 C’est une des maladies respiratoires d’origine professionnelle les plus fréquentes puisqu’en termes de prévalence, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime qu’environ 15% des nouveaux cas d’asthme diagnostiqués chez les adultes dans le monde sont des cas d’asthme professionnel.
En Suisse, environ 120 nouveaux cas d’asthme professionnel sont diagnostiqués et reconnus par les assureurs accidents chaque année. La problématique concerne des travailleurs jeunes puisque l’âge moyen au diagnostic est de 40 ans. De nombreuses professions et de nombreuses expositions professionnelles peuvent engendrer un asthme professionnel, comme, par exemple l’asthme à la farine du boulanger ou l’asthme causé par l’exposition aux isocyanates chez les peintres en carrosserie, pour citer des causes fréquentes.2 Cependant, il est impossible d’exclure un diagnostic d’asthme professionnel sur la seule profession car des cas d’asthme professionnel ont été rapportés dans l’ensemble des domaines professionnels.
Evaluation médicale
Le diagnostic d’asthme professionnel est souvent un processus complexe. Tout d’abord, il est important de garder un haut degré de suspicion concernant la possibilité d’une origine professionnelle à l’asthme, notamment dans les situations suivantes:3
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Devant tous nouveaux symptômes asthmatiques ou tout nouveau cas d’asthme confirmé chez un adulte.
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Lors de la réapparition d’un asthme de l’enfance après un intervalle libre.
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En cas de détérioration du contrôle d’un asthme allergique connu, sans cause évidente.
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En cas d’activité dans une profession à risque en termes de prévalence d’asthme professionnel.
Dans ces situations, il est recommandé d’effectuer une anamnèse professionnelle détaillée et minutieuse en recherchant notamment les facteurs déclenchant les symptômes sur lieu de travail, la variabilité des symptômes en lien avec les jours travaillés et les jours non travaillés ou la présence d’une atteinte collective dans l’entreprise. Dans de telles situations, le bilan diagnostique doit être effectué rapidement et les recommandations actuelles insistent sur la nécessité de référer le patient à un centre spécialisé dans la gestion complexe de ces cas ou de solliciter l’avis d’un médecin spécialiste habitué à évaluer les situations d’asthme professionnel.3
Bilan diagnostique
Lors du bilan diagnostique, la première étape essentielle consiste, de façon évidente, à confirmer formellement le diagnostic d’asthme.
Ensuite, il faut établir le lien entre asthme et exposition professionnelle. Le bilan doit idéalement s’effectuer pendant que le patient est en activité professionnelle et exposé sur son poste de travail.4
Concernant l’origine professionnelle suspectée, le Tableau 1 résume le bilan diagnostique.5
Un patient asthmatique présentant un tableau clinique évocateur d’un asthme professionnel peut bénéficier du bilan suivant:
Premier niveau:
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Mesure de l’hyperréactivité bronchique non spécifique (HRBNS) par un test à la méthacholine: ce test doit être réalisé en période d’exposition professionnelle. L’absence d’HRBNS chez un patient symptomatique et exposé professionnellement permet d’exclure avec un haut degré de certitude le diagnostic d’asthme professionnel (valeur prédictive négative >95%).
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Recherche d’IgE spécifiques contre un antigène présent dans l’environnement professionnel, soit par dosage sanguin, soit par réalisation de prick tests. Cette recherche est spécifiquement indiquée pour des antigènes protéiniques. Un résultat positif permet généralement de confirmer le diagnostic d’asthme professionnel (valeur prédictive positive >90%).
Deuxième niveau:
En cas de présence d’une HRBNS ou de recherche d’IgE spécifiques négative, il faut réaliser un monitoring du débit expiratoire de pointe (DEP), de la façon suivante:3
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4 mesures par jour (matin, dans la matinée, dans l’après-midi, le soir avant le coucher), 7 jours par semaine.
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Durée du monitoring: 4 semaines, dont 3 semaines au travail et une semaine hors travail.
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Les mesures du DEP doivent être consignées dans un agenda, de même que la survenue éventuelle de symptômes, la prise de médicaments ainsi que les expositions professionnelles.
Le monitoring du DEP recherche une variabilité significative (>15–20%) de la mesure, variabilité soit intra-journalière, soit inter-journalière.
Notons enfin que le test d’inhalation spécifique, considéré comme le test de référence, n’est malheureusement pas disponible actuellement en Suisse.
Prise en charge
Au niveau de la prise en charge, la meilleure stratégie consiste en l’éviction de l’agent causal.3 En prévention primaire, idéalement, tout agent pouvant engendrer un asthme professionnel devrait être substitué.3 Ceci n’est en réalité pas toujours envisageable, il suffit par exemple d’évoquer l’asthme professionnel causé par l’exposition à la farine chez les boulangers pour s’en rendre compte.
En prévention tertiaire face à un cas d’asthme professionnel confirmé, l’éviction de l’agent causal reste également la meilleure stratégie à adopter, du point de vue du pronostic.3 Cependant, dans certaines situations, cette éviction passera immanquablement par une reconversion professionnelle, notamment si l’agent causal est ubiquitaire dans l’environnement professionnel ou si l’activité ne peut être envisagée sans une telle exposition.
En prévention secondaire, il existe des programmes de surveillance médicale visant à dépister précocement l’asthme professionnel au sein de populations de travailleurs particulièrement à risque, par exemple, les boulangers ou les peintres en carrosserie. Ceci a pour but d’améliorer le pronostic global en prenant en charge rapidement et efficacement les cas nouvellement diagnostiqués.
En cas de diagnostic confirmé d’asthme professionnel, en plus de l’éviction de l’agent causal, le patient doit bénéficier d’un suivi spécialisé et d’un traitement pharmacologique standard suivant les recommandations de traitement de l’asthme allergique. Une déclaration de maladie professionnelle doit également être effectuée auprès de l’assurance-accident de l’employeur. Enfin, si elles sont possibles, des adaptions au niveau du poste de travail sont à mettre en place afin de permettre au patient de poursuivre son activité sans exposition à l’agent causal.3
Cette prise en charge ne peut se faire sans une collaboration étroite entre employeur, employé-patient, médecin en charge, médecin du travail et assurance.
Pronostic
En termes de pronostic, 16% des cas d’asthme professionnel évoluent vers un asthme sévère et seuls 25–30% des cas diagnostiqués vont se rétablir complètement après éviction de l’agent causal.3 Ceci s’explique essentiellement par le retard diagnostique et de prise en charge, les patients étant exposés durant de longues périodes sur leur lieu de travail en étant symptomatiques.
Parmi les risques collatéraux liés au diagnostic d’asthme professionnel, nous pouvons mentionner celui du chômage lié à l’éviction de l’agent causal et à une éventuelle reconversion professionnelle ainsi que le risque de développer un trouble anxio-dépressif, ce risque pouvant concerner jusqu’à 50% des patients avec un asthme professionnel. Il est d’ailleurs fortement recommandé d’explorer la dimension psychologique lors de la prise en charge médicale de ces cas.
Conclusion
L’asthme professionnel est une maladie fréquente avec un impact majeur en termes de santé publique. Cependant, la prévention est possible et permet d’améliorer le pronostic des patients concernés. Pour être efficace, elle nécessite la collaboration de tous les acteurs impliqués dans la problématique aussi bien au niveau du système de santé que de l’environnement professionnel.
Littérature:
1 Bernstein IL et al.: Asthma in the workplace. 4th ed. London: CRC Press, 2013. 2 Baur X et al.: Guidelines for the management of work-related asthma. Eur Resp J 2012; 39: 529-45 3 Barber CM et al. British Thoracic Society clinical statement on occupational asthma. Thorax 2022; 77: 433-42 4 Tarlo SM et al.: Diagnosis and management of work-related asthma: American College of Chest Physicians Consensus Statement. Chest 2008; 134: 1-41 5 Vandenplas O et al.: Diagnosing occupational asthma. Clin Exp Allergy 2017; 47: 6-18