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Dispositifs intelligents dans la SEP

À quel point la SEP sera-t-elle intelligente?

Les dispositifs intelligents sont une option passionnante dont il est actuellement abondamment discuté pour la surveillance de l’évolution de la maladie dans la sclérose en plaques – avec un énorme potentiel. Mais l’équilibre entre «qui trop mesure, mesure n’importe quoi» et «qui ne mesure rien, ne trouve rien» est difficile à trouver, le diable se cachant dans les détails ...

Keypoints

  • Les dispositifs intelligents sont des appareils connectés à d’autres appareils ou réseaux et qui peuvent fonctionner de manière interactive et autonome («intelligente»). Le smartphone ou la smartwatch en sont des exemples pratiques.

  • Dans le cas de la sclérose en plaques, les dispositifs intelligents peuvent être utilisés pour créer des données objectives et quantifiables (biomarqueurs numériques) sur l’évolution de la maladie. On distingue la surveillance passive (enregistrement des fonctions corporelles sans tâche spécifique) et la surveillance active (tests ou questionnaires spécifiques).

  • Les dispositifs intelligents offrent un énorme potentiel en tant que source d’information complémentaire plus granulaire, surtout en période de pénurie croissante de personnel. Actuellement, les trois critères essentiels – la validité (mesurer ce qui doit être mesuré), la fiabilité (fournir des valeurs identiques pour une même fonction) et la réactivité (détecter les changements au fil du temps) – ne sont pas encore démontrés pour les dispositifs intelligents dans la SEP.

  • Les paramètres classiques d’évolution continueront donc à constituer la base du suivi des patient·es atteint·es de SEP, du moins dans un avenir proche. Il s’agit de trouver un équilibre entre «qui trop mesure, mesure n’importe quoi» et «qui ne mesure rien, ne trouve rien».

La sclérose en plaques (SEP) se caractérise par une grande variabilité intra- et interindividuelle en termes d’expression des symptômes, d’évolution et de réponse au traitement. Les paramètres d’évolution classiques, comme l’échelle EDSS (Expanded Disability Status Scale) basée sur l’examen neurologique, présentent alors diverses limites.
Notamment, cet instantané ne représente souvent pas la situation/fonction quotidienne réelle des patient·es atteint·es de SEP, de nombreux symptômes étant peu ou pas pris en compte (comme la fatigue, l’anxiété, la dépression) et la granularité temporelle est très faible, même avec des intervalles de contrôle rapprochés (3–6 mois). Un suivi clinique plus intensif au moyen de tests fonctionnels (marche, cognition, etc.) est extrêmement coûteux en termes de personnel et n’est donc souvent pas réaliste dans la routine clinique.

Des dispositifs intelligents aux biomarqueurs numériques

Dans ce contexte, les dispositifs intelligents représentent une option passionnante qui fait actuellement l’objet de nombreux débats. On entend généralement par là des appareils connectés à d’autres appareils ou réseaux via différents protocoles sans fil (p. ex. WiFi, Bluetooth) et capables de fonctionner dans une certaine mesure de manière interactive et autonome, donc «intelligente». Le smartphone ou la smartwatch en sont des exemples pratiques et fréquents dans la vie quotidienne. En médecine, ces dispositifs intelligents peuvent notamment être utilisés pour collecter des données objectives et quantifiables sur les processus physiologiques et/ou comportementaux des patient·es et créer ainsi ce que l’on appelle des biomarqueurs numériques.

Surveillance intelligente

Il convient de distinguer deux formes de surveillance: active et passive. Dans le cas de la surveillance active, les données sont générées activement par les patient·es. Il s’agit de quantifier l’état de santé actuel ou l’ampleur de certains symptômes à l’aide des appareils intelligents (généralement sous la forme de questionnaires numérisés qui sont ensuite évalués de manière automatisée). Une autre possibilité de surveillance active consiste en des tests spécifiques de certaines fonctions physiques ou cognitives, effectués par les patient·es de manière autonome ou sous la direction de spécialistes sur des appareils intelligents. Ces tests spécifiques se basent généralement sur des formes adaptées numériquement de tests cliniques déjà établis. Les deux possibilités offrent les avantages de tests standardisés si la méthodologie de développement est correctement appliquée. Les inconvénients sont la situation de test artificielle, la résolution temporelle limitée par la fréquence d’application et la dépendance de la compliance et de l’affinité des patient·es avec la technique.
La surveillance passive repose sur l’enregistrement des fonctions corporelles sans tâche spécifique, c’est-à-dire dans la vie quotidienne des patient·es. La plupart du temps, on utilise à cet effet des «biocapteurs» qui convertissent les fonctions en un signal numérique et les rendent ainsi mesurables. La forme la plus courante de biocapteurs est l’accéléromètre, qui mesure la direction et l’ampleur des vecteurs d’accélération et qui est utilisé par exemple dans les podomètres. La surveillance passive offre une très haute résolution temporelle, reflète la situation quotidienne et n’exige pas d’effort important de la part des patient·es. Cependant, une quantité énorme de données est générée, ce qui pose de grands défis en ce qui concerne les aspects juridiques de la protection des données, le traitement des données et leur gestion administrative, et surtout en ce qui concerne l’interprétation pratique et la possibilité de les interpréter.

Les biomarqueurs numériques et leurs pièges

Comme pour tout biomarqueur, trois critères essentiels doivent en principe être remplis pour que les biomarqueurs numériques puissent être utilisés cliniquement comme paramètres d’évolution. La validité doit être prouvée, c’est-à-dire que le biomarqueur doit réellement mesurer ce qui doit être mesuré. Une baisse de la mesure du nombre de pas sur le smartphone peut par exemple être due à la progression de la SEP, mais aussi à une entorse de la cheville ou à des vacances au spa. De même, la fiabilité doit être suffisante, c’est-à-dire qu’à fonction égale, le biomarqueur numérique doit également fournir les mêmes valeurs dans une marge de variation aussi faible que possible. En cas de surveillance active, il faut également tenir compte ici de l’impact des effets de l’exercice.
Cependant, le facteur parfois le plus important est la réactivité, c’est-à-dire le potentiel d’un biomarqueur à détecter des changements au fil du temps. Deux paramètres sont essentiels: le changement minimal détectable (c.-à-d. la variation la plus faible du biomarqueur qui peut être distinguée d’une imprécision de mesure) et le changement cliniquement pertinent (à savoir la variation la plus faible du biomarqueur qui s’accompagne d’un changement perceptible et pertinent pour les patient·es).
Par exemple, le nombre de pas n’est utilisable comme biomarqueur numérique que si l’on définit clairement l’importance de la variation du nombre de pas quotidiens et la période sur laquelle elle doit s’étaler pour 1) se distinguer des variations normales et des imprécisions de mesure et 2) avoir une signification pour les patient·es.

Dispositifs intelligents – qu’est-ce qui nous attend dans un avenir proche?

Ces dernières années, un grand nombre d’outils de surveillance basés sur des dispositifs intelligents ont été développés. Bien qu’une récente revue systématique de la littérature ait classé le niveau de preuve disponible pour leur bénéfice clinique comme très faible à faible, certaines de ces applications sont déjà librement promues et distribuées pour leur bénéfice pour les patient·es. C’est particulièrement problématique dans la mesure où, en raison de l’insuffisance des données relatives à la fiabilité, à la validité et à la réactivité, aucune conclusion clinique solide ne peut être tirée actuellement des biomarqueurs numériques. Néanmoins, les dispositifs intelligents et les possibilités connexes des biomarqueurs numériques offrent un énorme potentiel en tant que sources d’informations complémentaires qui, pour la première fois, rendent réaliste une surveillance véritablement multimodale de la SEP avec une granularité élevée, même en période de pénurie croissante de personnel. La condition préalable est toutefois leur développement méthodiquement propre dans le cadre d’études de validation de grande envergure qui tiennent compte de l’hétérogénéité des populations de patient·es atteint·es de SEP et se concentrent en conséquence sur le développement de valeurs limites aussi précises que possible pour les modifications intra-individuelles détectables et pertinentes. Les paramètres classiques d’évolution continueront, du moins dans un avenir proche, à constituer la base du suivi des patient·es atteint·es de SEP. Or, c’est précisément dans leur intérêt qu’il faut trouver un équilibre, et pas seulement pour les biomarqueurs numériques, entre «qui trop mesure, mesure n’importe quoi» et «qui ne mesure rien, ne trouve rien».

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