© Artur - stock.adobe.com

Inflammation compartimentée du SNC

La microglie: à la fois «neuroprotectrice» et «destructrice»

La microglie fait partie des principaux moteurs cellulaires de la pathogenèse de la SEP au niveau du SNC. Mais elle n’est pas seulement impliquée dans les processus neurodégénératifs inflammatoires, c’est aussi un médiateur important de la remyélinisation. Le Prof. Martin Kerschensteiner, de Munich, a indiqué lors du congrès de l’ACTRIMS-ECTRIMS de 2023 que la répartition de la microglie en «protectrice» ou «destructrice» utilisée jusqu’ici était trop simpliste.

Les cellules microgliales, en tant que cellules gliales multifonctionnelles, font partie des macrophages tissulaires et représente environ 5 à 10 % de toutes les cellules cérébrales et jouent un rôle central dans le maintien de l’homéostasie immunitaire.1 La microglie exerce une action neuroprotectrice en éliminant les fragments de cellules nerveuses et en libérant des cytokines anti-inflammatoires comme le TGF-bêta et l’interleukine-10 (IL-10).2 Les cellules microgliales activées au cours de la pathogenèse de la SEP produisent des cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-alpha, l’IL-6 et l’IL-1ß. Les dommages sont alors causés, entre autres, par la phagocytose et l’induction d’un stress oxydatif et la production de substances cytotoxiques comme le glutamate.3 Les cellules microgliaoes peuvent également absorber des antigènes et probablement agir comme cellules présentatrices d’antigènes. Dans le modèle murin d’EAE, il a également été montré que la microglie renforce la neuro-inflammation via une interaction avec les lymphocytes Th1.4

Les anneaux paramagnétiques de la microglie contenant du fer comme prédicteurs de l’évolution

Les cellules microgliales sont souvent présentes dans les lésions chroniques actives du SNC, également appelées lésions en expansion lente, et sont associées à des lésions de la gaine de myéline et de l’axone.5,6 Les lésions chroniques actives peuvent être détectées dès les premiers stades de la SEP, mais sont plutôt caractéristiques des stades avancés de la maladie. Les principales caractéristiques des lésions chroniques actives sont une neuro-inflammation chronique, voire aussi sous-piale, et une neurodégénérescence, non seulement focale dans les lésions chroniques actives, mais aussi diffuse dans la substance blanche et grise. Dans le cerveau, c’est surtout le cortex qui est touché, mais les lésions chroniques actives sont détectables dans tout le SNC. Dans les lésions chroniques actives, on peut constater la formation d’un anneau dense de cellules microgliales activées avec une teneur élevée en fer autour des vaisseaux sanguins. Cette inclusion paramagnétique annulaire de fer (anneaux paramagnétiques) peut être visualisée à l’aide de séquences IRM spéciales et de techniques de PET.7,8 Les lésions chroniques actives avec anneaux paramagnétiques sont considérées comme prédictives d’une chronicité de la SEP avec une progression croissante du handicap et une transition plus rapide vers une SEP secondaire progressive.4

Comment l’activité microgliale est-elle contrôlée?

La microglie peut changer de phénotype – pro-inflammatoire/neurodégénératif (phénotype M1) ou remyélinisant/neuroprotecteur (phénotype M2) – en fonction de l’activité de la SEP.1 Après des lésions aiguës dans le SNC, l’interaction de la microglie avec les astrocytes et les cellules immunitaires infiltrant le SNC détermine l’ampleur de la destruction et de la régénération des tissus. Selon M. Kerschensteiner, le mécanisme de la régulation de l’activité microgliale n’a pas été encore complètement élucidé. Différents scénarios de lésions du SNC sont étudiés à l’aide de stratégies d’imagerie multimodale et d’approches moléculaires et de génétique fonctionnelle dans des modèles murins d’EAE et de poisson-zèbre.
Dans la SEP, certaines cytokines pro-inflammatoires, des chimiokines comme la NADPH oxydase ainsi que des facteurs de croissance ont été identifiés comme des régulateurs de l’activité microgliale.3 Ils sont considérés comme des cibles potentielles pour une action thérapeutique ciblée sur l’activité microgliale.4 L’une des cibles thérapeutiques potentielles est le récepteur d’aryl d’hydrocarbone (AhR). Via une inhibition/activation de l’AhR, les lésions inflammatoires entraînent la production microgliale de VEGF-B qui détruit les tissus, tandis qu’un microenvironnement hypoxique favorise la génération du facteur protecteur TGF-alpha. Les lymphocytes B du SNC favorisent également l’inflammation du SNC, qui se déroule de manière de plus en plus compartimentée. L’objectif d’un traitement modificateur de la maladie, qui cible des sites d’attaque directement dans le SNC, doit donc être de rétablir l’équilibre physiologique entre les processus neurodégénératifs et réparateurs.6

À la fois positive et négative

M. Kerschensteiner a souligné que la représentation longtemps favorisée d’une dichotomie microgliale stricte en un phénotype pro-inflammatoire (M1) et un phénotype anti-inflammatoire (M2) est aujourd’hui dépassée. L’analyse pseudo-temporelle du transcriptome des microcellules via le séquençage de l’ARN des cellules uniques permet d’étudier le développement des cellules microgliales. Il apparaît clairement qu’il n’existe pas seulement les phénotypes M1 et M2 purs, mais aussi une série de stades microgliaux intermédiaires «positifs-négatifs» (Fig. 1).9

Fig. 1: Il n’existe pas seulement les phénotypes M1 et M2 purs, mais aussi une série de stades microgliaux intermédiaires «positifs-négatifs» (mod. selon Boutilier AJ et al. 2021)9

Dans chaque cas de SEP, il est en principe possible d’établir une signature microgliale individuelle des dommages et de la réparation, qui fournit des informations importantes sur l’activité de la maladie et la réponse au traitement. Mais selon M. Kerschensteiner, pour une application sur le plan clinique, un transfert des connaissances acquises dans le modèle animal est nécessaire. Avec les inhibiteurs de la tyrosine kinase de Bruton (iBTK), un premier groupe de principes actifs agissant sur le SNC est étudié dans le cadre d’études cliniques de phase II/III. Les iBTK réduisent l’inflammation du SNC favorisée par les lymphocytes B, les mastocytes et les macrophages/cellules microgliales exprimant la BTK et favorisent les processus neuroréparateurs.10

«Innate immunity and resident CNS immune cells: actors of MS pathophysiology and targets for new therapies?»9e congrès de l’ACTRIMS-ECTRIMS, 11 octobre 2023, Milan


1 Bogie JF et al.: Macrophage subsets and microglia in multiple sclerosis. Acta Neuropathol 2014; 128(2): 191-213
2 Zia S et al.: Microglia diversity in health and multiple sclerosis. Front Immunol 2020: 11: 588021
3 Fischer MT et al.: NADPH oxidase expression in active multiple sclerosis lesions in relation to oxidative tissue damage and mitochondrial injury. Brain 2012; 135(3): 886-99
4 Poppell M et al.: Immune regulatory functions of macrophages and microglia in central nervous system diseases. Int J Mol Sci 2023; 24(6): 5925
5 Bitsch A et al.: Acute axonal injury in multiple sclerosis. Correlation with demyelination and inflammation. Brain 2000: 123 (Pt 6): 1174-83
6 Zrzavy T et al.: Loss of ‘homeostatic’ microglia and patterns of their activation in active multiple sclerosis. Brain 2017; 140(7): 1900-13
7 Absinta M et al.: Association of chronic active multiple sclerosis lesions with disability in vivo. JAMA Neurol 2019; 76(12): 1474-83
8 Sucksdorff M et al.: Brain TSPO-PET predicts later disease progression independent of relapses in multiple sclerosis. Brain 2020; 143(11): 3318-30
9 Boutilier AJ et al.: Macrophage polarization states in the tumor microenvironment. Int J Mol Sci 2021; 22(13): 6995
10 Robak E et al.: Bruton’s kinase inhibitors for the treatment of immunological diseases: current status and perspectives. J Clin Med 2022; 11(10): 2807

Back to top