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Le pied diabétique: un défi interdisciplinaire

Le pied diabétique est un tableau clinique passionnant et extrêmement complexe aux multiples facettes, qui relève de diverses disciplines. Un traitement et une prise en charge réussis des patients sont uniquement possible en association.

Keypoints

  • Le pied diabétique est une affection très complexe. Les patients doivent être pris en charge par une équipe spécialisée.

  • Une carte des centres spécialisés en Suisse est en cours de création.

  • La prophylaxie et les examens de contrôle réguliers sont la clé du succès pour réduire le taux d’amputation.

Il ressort déjà de la désignation «pied diabétique» qu’au moins deux disciplines s’occupent de ce problème: la médecine interne avec sa sous-spécialité «endocrinologie» et l’orthopédie avec sa sous-spécialité «chirurgie du pied». Ce sont également les disciplines médicales qui font actuellement progresser le plus le traitement de cette affection passionnante. Ces deux sous-spécialités ne suffisent pas à elles seules à rendre compte des multiples facettes du pied diabétique, notamment des besoins des patients. Le cercle de prise en charge est donc structuré en plusieurs couches, comme indiqué ci-dessous.

Médecins de premier recours

Les patients et leurs médecins de premier recours sont au centre des efforts. Ces derniers ont la fonction centrale de coordination et donc la tâche de garder une vue d’ensemble des examens et traitements nécessaires ainsi que de ceux effectués. Ils réalisent également les examens de laboratoire de routine habituels et décident, en collaboration avec le service de consultation de diabétologie, si le traitement médicamenteux doit être adapté.

Podologues

Les médecins de premier recours sont soutenus par un large cercle de professionnels qui voient régulièrement les patients. Il s’agit tout d’abord des podologues. Ces derniers ont besoin de suivre une formation spécialisée les autorisant à traiter les pieds «à risque» et, finalement, à facturer le traitement. Pour diverses raisons, la Suisse ne dispose pas d’un nombre suffisant de professionnels formés en conséquence. Les politiciens ont entre-temps identifié ce problème et tentent d’y remédier. Il est important de noter à cet égard que, depuis le 1er janvier 2022, les traitements médico-podologiques sont pris en charge quatre fois par an – six fois pour les patients ayant déjà présenté des ulcères ou subi des amputations – par la caisse-maladie au titre de l’assurance de base. Les conditions sont une reconnaissance correspondante des podologues et une prescription médicale. Actuellement, des efforts sont fournis pour augmenter le nombre de spécialistes autorisés à traiter les pieds «à risque». Ces efforts nécessitent malheureusement beaucoup de temps, ce dont les patients concernés ne disposent pas.

Orthopédistes techniques ou chirurgiens du pied et techniciens orthopédistes

Les orthopédistes techniques ou les chirurgiens du pied constituent un autre élément important de l’équipe de prise en charge. Les premiers ne sont toutefois pas comparables aux techniciens orthopédistes, car ils sont médecins, tandis que les seconds sont des artisans qui fabriquent des moyens auxiliaires, par exemple des chaussures adaptées, pour les patients concernés, sur prescription des orthopédistes techniques. Les deux travaillent en étroite collaboration.

Des examens préventifs réguliers chez les orthopédistes sont essentiels pour détecter et éviter les complications potentielles. Ils doivent être effectués selon le tableau de l’International Working Group on the Diabetic Foot (IWGDF), en fonction du profil de risque des patients (Tab. 1).

Tab. 1: Fréquence de contrôle recommandée selon la classification des risques de l’International Working Group on the Diabetic Foot (IWGDF) en cas de pied diabétique

L’IWGDF est la principale organisation internationale dans le domaine du pied diabétique. Elle révise régulièrement ses directives et recommandations dans le but d’éviter ou du moins de réduire les complications du pied diabétique, notamment les amputations, et l’invalidité qui en découle pour les patients. Reconnues au niveau international, ces directives doivent ensuite être adaptées en conséquence au niveau national.

Spécialistes des vaisseaux sanguins

Le diabète entraîne souvent des troubles circulatoires importants au niveau des membres inférieurs et du pied en raison d’une micro- et macroangiopathie, d’où l’importance des spécialistes des vaisseaux, des angiologues et des chirurgiens vasculaires. Les angiologues contrôlent la circulation sanguine à intervalles réguliers et effectuent, le cas échéant, des interventions vasculaires eux-mêmes ou en collaboration avec des radiologues interventionnels. Il s’agit le plus souvent d’angioplasties transluminales percutanées (PTA) ou de la pose d’endoprothèses vasculaires. Il convient de noter que le matériel et la technique ont beaucoup évolué ces dernières années, de sorte qu’il est désormais possible de recanaliser les vaisseaux très loin en périphérie. Dans les cas les plus graves, les chirurgiens vasculaires tentent de préserver le membre par des pontages. Si ces tentatives échouent, il ne reste plus que l’amputation.

Experts en plaies/plâtriers médicaux

En Europe, il a été démontré ces dernières années que le nombre d’amputations dites «major» (réalisées au niveau proximal de l’articulation talo-crurale) diminue lorsque la prise en charge des patients a lieu dans des centres spécialisés dans le pied diabétique. Outre la compétence professionnelle des disciplines déjà mentionnées, ces centres se distinguent également par la présence d’experts en plaies et de plâtriers médicaux formés. Ils sont surtout nécessaires pour les soins aigus des ulcères: les premiers pour débrider et panser proprement les ulcères, les deuxièmes pour les décharger de manière optimale. Seule une décharge optimale permet la guérison d’un ulcère diabétique. Le plâtre reste le meilleur traitement possible, car il peut être adapté exactement aux besoins individuels et à la forme du pied du patient. Le risque de développer de nouveaux points de pression dans le plâtre est significativement plus faible que dans des bottes de décharge préfabriquées. Ces dernières sont surtout nécessaires lorsqu’aucun plâtrage n’est possible dans un délai raisonnable. Le plâtre bien adapté correspond à la «position d’attente» jusqu’à ce que les chaussures orthopédiques adaptées aient été approuvées par l’organisme payeur compétent et fabriquées par le technicien orthopédique. Dans certains cas, le bottier-orthopédiste peut également préparer des chaussures de bandage, mais il convient d’être prudent en ce qui concerne la prise en charge des coûts.

Infectiologues

En raison du risque accru d’infection chez les patients atteints de diabète, les infectiologues sont également souvent consultés. L’antibiothérapie s’avère souvent difficile dans ce groupe de patients. Dans le cadre d’un «antibiotic stewardship», il faut faire preuve de beaucoup de savoir-faire: d’une part, il faut empêcher la culture de germes résistants par des traitements trop courts ou mal dosés; d’autre part, il faut éviter de solliciter davantage les reins, souvent déjà lésés (néphropathie diabétique), par des traitements trop longs ou trop fortement dosés. Parallèlement, ni les membres ni la vie des patients ne doivent être mis en danger par une septicémie. C’est précisément dans ce domaine que les mesures préventives sont extrêmement importantes pour éviter les portes d’entrée des germes.

Neurologues

De nombreux patients présentant un pied diabétique sont atteints d’une polyneuropathie, dont l’intensité peut varier et dont l’évolution est parfois chronique et progressive. Il est donc important que cette polyneuropathie soit surveillée par des neurologues. Outre le diabète, d’autres facteurs peuvent contribuer à l’aggravation d’une polyneuropathie, par exemple une carence en vitamine B12. Cette dernière peut notamment être causée par la metformine, un antidiabétique oral de la famille des biguanides.

Physiothérapeutes

Selon le grade de la polyneuropathie, les patients présentant un pied diabétique sont souvent peu sûrs de leur démarche et très exposés aux chutes. C’est pourquoi ils tirent profit d’exercices d’équilibre et de renforcement musculaire réguliers. De plus, l’activité physique augmente la sensibilité des tissus à l’insuline, ce qui permet de réduire la concentration de glucose dans le sang.

Évolution future en Suisse

Beaucoup de patients et de thérapeutes ne savent pas où trouver l’aide de professionnels spécialisés. Pour y remédier, l’association QualiCCare crée une carte des centres spécialisé en Suisse, en collaboration avec la Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG), la Société Suisse d’Orthopédie et de Traumatologie (swiss orthopedics), la Swiss Association for Woundcare (SAfW) et la Société Suisse des Podologues (SSP). Chaque centre est classé dans l’un des trois niveaux présentés dans le tableau 2, en fonction des spécialistes présents sur place.

Tab. 2: Niveaux de traitement pour les maladies du pied liées au diabète selon l’International Working Group on the Diabetic Foot (IWGDF)

Conclusion

Le pied diabétique est une affection très complexe qui ne peut être traitée avec succès que de manière interdisciplinaire (Fig. 1). Les éléments centraux sont les examens de contrôle réguliers chez le médecin de premier recours ou l’orthopédiste technique, les podologues médicaux et les bottiers-orthopédistes.

Fig. 1: Représentation graphique du cercle de prise en charge du pied diabétique

Pour les cas d’urgence, il existe des centres de traitement de niveau II et, plus récemment, de niveau III, qui peuvent faire appel à des équipes spécialisées 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, afin que les patients puissent s’en sortir sans être amputés.

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