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HAE-Vereinigung Schweiz

«Ce dont nous avons besoin, c’est d’une information à tous les niveaux»

En raison de la rareté de l’angio-œdème héréditaire (AOH), il faut souvent beaucoup de temps pour que les personnes concernées obtiennent le bon diagnostic. L’HAE-Vereinigung Schweiz (Association AOH Suisse) s’engage depuis près de 25 ans à combler les lacunes dans les connaissances des médecins et du grand public, à sensibiliser et à mettre en réseau. Lors de cette interview, la présidente Helene Saam a parlé du travail de l’association, des réalisations et des défis.

Environ 150 personnes sont touchées par l’AOH en Suisse. À cela s’ajoute le nombre de patient·es qui ne savent pas (encore) qu’il·elles sont atteint·es, car le chemin menant au diagnostic est souvent semé d’embûches: erreurs de diagnostic, tentatives de traitement inefficaces, fortes douleurs et des années d’incertitude avant d’obtenir enfin des réponses claires et un traitement efficace. Helene Saam est présidente d’HAE-Vereinigung Schweiz, une association qui a pour objectif de sensibiliser et d’informer les médecins ainsi que les patient·es sur l’AOH. Cette plate-forme d’échange entre les personnes concernées et leurs proches propose en outre de nombreux témoignages, du matériel d’information et des adresses de contact.

Helene Saam, vous êtes présidente depuis 2016. Quels sont les points forts du travail de l’association?

Helene Saam: En tant que présidente, je me concentre sur l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes d’AOH. Notre association se veut une plateforme pour les personnes concernées, leurs proches, les professionnel·les de la santé et les personnes intéressées. Nous nous engageons en faveur d’un diagnostic précoce, d’une information complète sur les options thérapeutiques et de la mise en place d’un réseau solide entre les personnes concernées, les spécialistes, les entreprises pharmaceutiques et les autres associations de patient·es. Les piliers centraux de notre travail sont en outre l’échange d’expérience, la diffusion d’informations actuelles, le travail de relations publiques ainsi que le soutien de la recherche pour le développement des options thérapeutiques.

Les réunions annuelles de patient·es atteint·es d’AOH constituent tout particulièrement un point fort de notre travail. Elles constituent une occasion précieuse d’échanges personnels entre les personnes concernées et leurs proches. Les présentations de nos spécialistes de l’AOH et un programme-cadre passionnant offrent un mélange enrichissant d’informations, d’échanges et de réseautage. Ces rencontres renforcent le sentiment d’appartenance à une communauté et aident beaucoup de personnes à se sentir moins seules face à la maladie.

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Photos de la réunion de patient·es d’HAE-Vereinigung Schweiz à Zurich en mai 2024 avec le spécialiste suisse de l’AOH, le Pr. Dr méd. Walter A. Wuillemin, Hôpital cantonal de Lucerne

Vous connaissez d’innombrables histoires de personnes atteintes qui ont vécu un long calvaire jusqu’au diagnostic. Qu’attendez-vous des médecins dans ce contexte? Que conseillez-vous aux médecins qui prennent en charge des patient·es atteint·es d’AOH?

Helene Saam: De nombreuses personnes atteintes d’AOH font état d’un long et souvent douloureux parcours jusqu’au diagnostic. Il n’est pas rare qu’il dure plus de dix ans. Durant cette période, beaucoup de patient·es se sentent souvent incompris·es ou non pris au sérieux, ce qui entraîne des souffrances inutiles. Dans ce contexte, il est particulièrement important que les médecins fassent preuve d’empathie et d’un réel intérêt pour l’histoire individuelle des patient·es. Une attitude bienveillante peut faire toute la différence en cas de maladies rares comme l’AOH.

La prise de conscience du fait que les gonflements douloureux récurrents ne sont pas nécessairement d’origine allergique peut faciliter considérablement l’identification précoce d’un AOH. Je conseille donc aux professionnel·les de la santé d’envisager l’AOH en cas de symptômes peu clairs et d’entamer un diagnostic ciblé.

Il serait également utile qu’il·elles prennent contact avec un centre spécialisé dans l’AOH en cas de suspicion, où des spécialistes peuvent poser un diagnostic rapide et précis ainsi qu’initier un traitement personnalisé.

Quels sont les principaux défis auxquels les personnes atteintes d’AOH sont confrontées dans leur vie quotidienne et dont les personnes non atteintes (y compris les médecins) ne sont pas conscientes?

Helene Saam: Pour beaucoup, l’imprévisibilité constitue la plus grande contrainte. Une crise peut survenir très soudainement, parfois en l’espace de quelques heures, et bouleverser tous les plans. Les patient·es ne peuvent jamais savoir avec certitude si et quand une poussée va survenir, ce qui représente un énorme stress psychologique. Cela a un impact considérable sur la vie quotidienne: les loisirs, la vie de famille, l’école, la formation, le travail ou les voyages doivent souvent être organisés autour de la maladie.

Les douleurs intenses, par exemple lors de crises abdominales, sont particulièrement pénibles: elles sont si fortes qu’il n’était pas rare qu’elles aient été par le passé interprétées à tort comme un abdomen aigu, ce qui a même parfois conduit à des opérations inutiles. À cela s’ajoute l’inquiétude permanente d’un gonflement du larynx, d’issue potentiellement fatale. De nombreuses personnes concernées ont toujours un médicament d’urgence sur elles, mais l’angoisse persiste.

Cette incertitude permanente et la diminution de la qualité de vie qui en découle sont souvent difficiles à comprendre pour les personnes non atteintes, précisément parce que l’AOH est une maladie qui reste souvent invisible. De nombreux·ses médecins sous-estiment également l’impact de cette maladie sur la vie quotidienne.

Selon vous, que faut-il faire pour améliorer (davantage) la situation des personnes atteintes d’AOH?
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Brochure d’information d’HAE-Vereinigung Schweiz

Helene Saam: Il faut garantir une information à tous les niveaux: des professionnel·les de la santé spécialisé·es, du grand public et des personnes concernées. Un·e patient·e bien informé·e est plus à même de mieux gérer sa maladie. Il est également important de pouvoir avoir accès rapidement et facilement à des centres spécialisés, à des traitements modernes ainsi qu’à des médicaments d’urgence. Parallèlement, il faut faire preuve de davantage de compréhension pour la réalité particulière de la vie des personnes atteintes d’AOH. Par exemple, des horaires de travail flexibles, des congés pour des rendez-vous médicaux ou encore des règlements scolaires adaptés aux besoins individuels ne devraient pas être des exceptions, mais une pratique courante. Des précautions particulières doivent également être prises lors de la planification des voyages, notamment en ce qui concerne les médicaments d’urgence ou les soins médicaux à l’étranger.

Parallèlement, la recherche médicale doit également être développée en conséquence. C’est précisément dans le domaine des traitements pédiatriques qu’il y a encore beaucoup à faire. Jusqu’à présent, le nombre de médicaments autorisés pour les enfants et les adolescents est nettement inférieur à celui chez les adultes.

De nombreuses personnes concernées de tous âges considèrent l’utilisation des médicaments actuels comme compliquée ou contraignante. Pour beaucoup, les injections sont synonymes de peur ou d’effort, et les gros comprimés ne sont pas toujours faciles à prendre. C’est pourquoi il est urgent de développer de nouveaux médicaments qui sont non seulement efficaces, mais aussi faciles à utiliser, sûrs et non anxiogènes, quel que soit l’âge.

Dans le traitement des maladies rares, le dialogue entre les professionnel·les de la santé et les personnes concernées revêt une importance toute particulière. Comment se présente la collaboration entre votre association et les médecins de premier recours?

Helene Saam: La collaboration avec des spécialistes de l’AOH est essentielle pour nous, tant au niveau individuel que structurel. Nous sommes en contact étroit avec des spécialistes. Nombre sont très engagé·es dans notre travail, que ce soit sous forme de présentations spécialisées lors des réunions de patient·es, d’un soutien pour la conception du matériel d’information ou de projets communs d’éducation et de sensibilisation.

Il est également déterminant pour nous que les patient·es se fassent contrôler régulièrement, idéalement une fois par an, par un·e spécialiste de l’AOH. En effet, la maladie peut évoluer en fonction de l’âge, de la phase ou de la situation de vie, et le traitement doit être adapté en conséquence.

Il existe désormais 11 centres de compétence AOH en Suisse. Dans quelle mesure ces derniers ont-ils amélioré la prise en charge des personnes concernées?

Helene Saam: Les 11 centres de compétence AOH en Suisse représentent un grand progrès pour la prise en charge des personnes atteintes d’AOH. Ils offrent non seulement un diagnostic et un traitement spécialisés, mais aussi un suivi étroit et continu, le tout adapté aux phases de vie et aux besoins individuels des patient·es.

Grâce à l’expertise des médecins qui y travaillent, un diagnostic plus rapide et plus ciblé est possible, ce qui représente un véritable tournant pour de nombreuses personnes concernées. En outre, les centres veillent à ce que les patient·es soient informé·es à temps des nouvelles options thérapeutiques et aient accès aux options actuelles.

Avez-vous l’impression que les personnes concernées bénéficient désormais d’un meilleur traitement pharmacologique?

Helene Saam: Définitivement. Les options thérapeutiques se sont considérablement améliorées: des traitements aigus à la prophylaxie à long terme et aux approches thérapeutiques innovantes. Ils permettent de mieux contrôler la maladie et d’améliorer la qualité de vie.

Cependant, l’accès aux traitements modernes est rarement facile et est entravé par des obstacles bureaucratiques. De plus, le prix élevé de certains médicaments est source d’incertitude. De nombreuses personnes concernées sont confrontées à la décision difficile de savoir si une crise mérite vraiment d’être traitée lorsque les coûts thérapeutiques sont si élevés. Cette réflexion peut générer davantage de stress et d’incertitude. Même si les nouveaux médicaments sont prometteurs, des craintes subsistent en raison des effets secondaires à long terme encore inconnus et de l’inquiétude que les médicaments ne soient soudainement plus disponibles.

Tout le travail de l’association repose sur le bénévolat. En tant que présidente, vous travaillez également bénévolement pendant votre temps libre. Comment s’organise le travail bénévole, quels sont les défis à relever?
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Comité d’HAE-Vereinigung Schweiz. De gauche à droite: Marcel Bühlmann (trésorier), Ernst Greber (vice-président), Jennifer Wyss (Social media), Helene Saam (présidente)

Helene Saam: Pour nous, le bénévolat est synonyme de passion et de beaucoup de temps investi en plus du travail rémunéré et de la famille. Il est particulièrement difficile de mener à bien des projets qui nécessiteraient en réalité des ressources professionnelles. Nous sommes une équipe soudée de quatre membres au conseil d’administration, et je suis très reconnaissante de l’énorme engagement et expertise de chacun·e. Les réactions de la communauté nous montrent sans cesse l’importance de notre travail. À long terme, nous souhaitons que les jeunes patient·es atteint·es d’AOH s’impliquent davantage dans la mission de l’association. Beaucoup ne sont pas membres, car il·elles ne voient aucun intérêt à une adhésion et se fient souvent aux informations trouvées sur Internet. Il est important pour nous que notre message atteigne cette génération et la convainque de l’importance des échanges et de l’engagement au sein de l’association.

Qu’attendez-vous des politicien·nes, des autorités et des caisses-maladie?

Helene Saam: Nous souhaitons que les maladies rares telles que l’AOH soient davantage prises en compte dans l’agenda de la politique de santé publique. Cela implique non seulement un accès rapide et équitable aux traitements innovants, mais aussi un soutien conséquent à la recherche et le développement des centres de compétence. Ces derniers sont indispensables pour recevoir des soins de qualité et spécialisés, et nous nous engageons à ce qu’ils continuent à être développés et optimisés.

En outre, nous avons besoin d’un soutien financier et structurel pour les organisations de patient·es comme la nôtre, qui constituent une interface importante entre les personnes concernées et le système de santé publique. Nous fournissons un précieux travail d’information, offrons une plate-forme d’échange et défendons les intérêts des patient·es. Ce travail est toutefois souvent assuré par des bénévoles qui y consacrent d’innombrables heures en plus de leur travail rémunéré. Il est essentiel que ce travail soit reconnu et bénéficie également d’un soutien professionnel afin de garantir l’impact à long terme.

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