
Complications neuropsychiatriques dans le cadre du Covid long
Auteurs:
Paolo Salvioni Chiabotti, MSc
Chef de clinique
Prof. Dr méd. Gilles Allali
Chef de service, Directeur du Centre
Centre Leenaards de la Mémoire
Département des Neurosciences Cliniques (DNC)
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV)
1011 Lausanne
E-mail: paolo.salvioni@chuv.ch
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À plus de deux ans du début de la pandémie Covid-19, l’existence d’une symptomatologie post-aiguë, multi-systémique, communément appelée Covid long est maintenant bien établie. Parmi les manifestations habituelles, des symptômes neuropsychiatriques sont fréquemment rapportés. Bien que leur physiopathologie soit encore incomprise, ils doivent faire l’objet d’une évaluation spécialisée, afin de garantir une prise en charge adéquate, mais également ne pas méconnaître des patients à risque de développer une maladie neurodégénérative incidente.
Keypoints
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La symptomatologie post-aiguë appelée communément Covid long est une entité établie, survenant au moins trois mois après une infection à SARS-CoV-2.
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Les symptômes neuropsychiatriques font partie intégrante du Covid long, et doivent faire l’objet d’une évaluation spécialisée.
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De nombreuses hypothèses physiopathologiques ont été proposées.
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Une partie des patients âgés pourrait être à risque de développer successivement une maladie neurodégénérative.
Depuis le début de la pandémie de SARS-CoV-2, les différentes structures de santé ont été mises à rude épreuve, que ce soit pour la gestion des patients atteints de Covid-19 à la phase aiguë mais également pour la gestion à long terme de ces patients, qui présentent souvent une symptomatologie polymorphe, multi-organique et parfois difficile à cerner, et connue sous le terme de Covid long. Ce terme, utilisé pour la première fois comme hashtag sur Twitter en mai 2020, se réfère à des symptômes persistants et/ou retardés ou des complications survenant au-delà de 3 mois après le début des symptôme attribués à une infection à SARS-CoV-2.1,2 Les systèmes fréquemment touchés sont multiples,3 notamment pulmonaire, hématologique, cardiovasculaire, rénal, endocrinien, dermatologique mais également neuropsychiatrique; ce dernier faisant l’objet de notre revue.
De plus en plus de modèles de structures se mettent en place afin de prendre en charge les différents aspects de cette pathologie, à la fois de façon multidisciplinaire et conjointe4,5 et il est important de ne pas en méconnaître la dimension neuropsychiatrique, car non seulement très fréquente, mais surtout très souvent au-devant du tableau.
Clinique
Si le Covid long semble toucher entre 30 et 70% de patients atteints préalablement d’infection à SARS-CoV-2,6–9 avec principalement des plaintes de fatigue, dyspnée ou intolérance à l’effort, les symptômes neuropsychiatriques, résumés dans le Tableau 1, sont également fréquents, jusqu’à 30% dans une grande étude américaine.10 Ces données sont comparables dans deux études genevoises, menées à 7–9 et 12 mois de l’infection, où respectivement 39 et 33,4% des patients testés positifs rapportaient des symptômes résiduels.9,11 En comparant avec une autre infection respiratoire ou une grippe, le risque d’avoir un diagnostic neurologique ou psychiatrique serait respectivement de 16 à 44% supérieur.10
Les céphalées paraissent au premier plan, touchant jusqu’à 38% de patients six semaines après leur infection,12 tout comme la perte ou l’altération du goût et de l’odorat, persistante à six mois chez 10 à 17% de patients.6,8,9 Les plaintes cognitives sont elles aussi fréquentes, touchant aussi bien l’attention, la concentration, la mémoire, que le langage.2,13
Une vaste étendue de symptômes psychiatriques semble elle aussi persister, comme témoigné par une étude italienne qui a démontré la présence d’au moins une sphère psychiatrique atteinte (état de stress post-traumatique, dépression, anxiété, insomnie ou symptomatologie obsessionnelle-compulsive) chez 56% de patients Covid long.14 Dans une autre étude, multicentrique, américaine, conduite sur plus de 40000 patients, l’incidence d’une pathologie psychiatrique nouvelle entre 15 et 90 jours après l’infection SARS-CoV-2 est estimée à 18%.15
Dans une étude monocentrique espagnole, conduite sur des patients âgés entre 20 et 60 ans, sans pathologies neuropsychiatriques préalables, 34% avait des plaintes cognitives post-infection.16 Cependant, si les profils psychométriques de ces patients ne différaient pas de ceux sans plaintes cognitives, leurs scores à l’échelle HAD («Hospital Anxiety and Depression Scale») étaient significativement plus élevés,16 soulignant bien l’intrication des deux sphères de symptômes.
Finalement, dans une étude chinoise multicentrique, recrutant des patients âgés de 60 ans et plus, l’incidence des troubles cognitifs était estimée à 12% à un an, avec une tendance à des difficultés plus importantes (début plus précoce des troubles, mais également déclin progressif) chez les patients atteints initialement de forme plus sévères de Covid-19,17 ce qui a également été montré dans une cohorte genevoise, monocentrique.18
Physiopathologie
Les mécanismes physiopathologiques à l’origine de cette vaste gamme de symptômes demeurent aujourd’hui largement incertains. Si une combinaison de toxicité virale directe, dysfonction endothéliale, dysimmunité avec état pro-inflammatoire marqué, hypercoagulabilité et dysfonction du système rénine angiotensine aldostérone semble à l’origine des phénomènes aiguës en lien avec le Covid-19,19 il est hautement vraisemblable qu’une association de plusieurs mécanismes soit à l’origine du Covid long. Des effets coronavirus-spécifiques ont déjà été avancés à la suite des précédentes épidémies de coronavirus,2 tout comme des effets à long terme des maladies sévères, réunis sous le terme générique de syndrome post-réanimation ou «post-intensive care syndrome».20 Ce dernier réunit les symptômes physiques, cognitifs mais également psychiatriques survenant après une maladie grave et/ou nécessitant des soins intensifs, et semble d’origine multifactorielle, avec une composante microvasculaire et métabolique avérée.21
De plus, si les effets psychologiques liés au confinement, aux quarantaines, ses conséquences économiques et sociales mais également la peur de la maladie sont des facteurs de stress établis, leur conséquences à long terme doivent être prises en compte.22,23
Une spécificité du Covid long pourrait aussi être en lien avec un certain degré de neuro-inflammation et d’immuno-senescence sous-jacente, connues sous le terme d’«inflammaging»,24 mais également la présence de dégâts neuronaux, suggérés par l’élévation des valeurs de neurofilament à chaîne légère, biomarqueur de neurodégénérescence, observés chez certains patients atteints de SARS-CoV2.25
Finalement, l’association quasi-systématique de pathologies psychiatriques et neurologiques chez ces patients, suggère une physiopathologie commune, avec un lien probable entre les différents symptômes.
Une attention particulière devrait cependant être portée aux patients plus vulnérables et à risque de développer des troubles neurocognitifs.26,27 L’hypothèse d’une contribution neuro-inflammatoires au développement de la maladie d’Alzheimer a fréquemment été soulevée.28 De plus, si la présence d’un allèle 4 dans le gène ApoE constitue à elle seule un facteur de risque de Covid-19 sévère,29 et de fatigue post-Covid,30 elle est également un facteur de risque établi de maladie d’Alzheimer.
Prise en charge
La prise en charge des symptômes neuropsychiatriques du Covid long s’intègre dans la prise en charge globale des patients Covid long.4,5 Les différents symptômes y sont régulièrement passés en revue, à l’aide de différentes échelles, notamment les échelles de fatigue (échelle de fatigue de Pichot, «Fatigue Assessment Scale», EMIF-SEP), de symptômes post-traumatiques (PCL-5, questionnaire des expériences de dissociation péri-traumatique, inventaire de détresse péri-traumatique), de troubles du sommeil (échelle des sévérités des insomnies, Epworth, NoSAS) et de dépression et anxiété (HAD). Une évaluation neurologique complète est également pratiquée, avec examens complémentaires si indiqués (EEG, ENMG ou IRM encéphalique). Un bilan neuropsychologique complet est proposé à des patients sélectionnés, selon des critères jugés pertinents. Les patients sont ensuite systématiquement re-adressé auprès du médecin référent, que cela soit une plateforme multidisciplinaire ou un médecin généraliste, la transmission fluide des informations entre les différents intervenants étant primordiale. En cas de nécessité, une évaluation psychiatrique, avec prise en charge thérapeutique ultérieure, est également proposée.
Les thérapies de remédiation cognitive, la physiothérapie ou la participation à des groupes de paroles doivent être encouragées, même si les preuves scientifiques à l’appui sont encore inexistantes à ce sujet.
Au Centre Leenaards de la Mémoire, ce parcours de soin a été standardisé (Fig.1), avec l’utilisation d’échelles précédemment nommées soit en auto- soit en hétéro-évaluation lors de la première consultation médicale. Ensuite, en cas de suspicion de fragilité cognitive ou de déclin cognitif sous-jacent, d’un score de MoCA <26/30, de complications neurologiques en phase aiguë, d’arrêt de travail prolongé au-delà de trois mois et de Covid sévère; un bilan neuropsychologique est pratiqué, avec éventuellement une prise en charge individualisée. En cas de nécessité, une évaluation et/ou une prise en charge psychiatrique est réalisée dans le cadre d’une étroite collaboration avec l’équipe de psychiatrie de liaison du CHUV. Enfin, une IRM cérébrale est proposée, en cas de fragilité cognitive ou déclin cognitif sous-jacent, de signes neurologiques focaux, de céphalées inhabituelles, ou de bilan neuropsychologique pathologique.
Fig. 1: Parcours clinques proposés au Centre Leenaards de la Mémoire pour les patients adressés en raison de symptômes neuropsychiatriques en lien avec un Covid long
À l’image de la terminologie Covid long empruntée à un hashtag sur Twitter, la reconnaissance de cette pathologie a largement été guidée par des groupes de patients,31,32 devenus d’encore plus importants acteurs de leur santé.33 Afin de garantir une prise en charge optimale, il est donc impératif d’évaluer les différents symptômes rapportés et d’offrir une prise en charge adéquate, qui doit faire du caractère multidisciplinaire son essence.
Littérature:
1 WHO: A clinical case definition of post COVID-19 condition by a Delphi consensus, 6 October 2021.; https://www.who.int/publications-detail-redirect/WHO-2019-nCoV-Post_COVID-19_condition-Clinical_case_definition-2021.1 (cité 11 août 2022) 2 Nalbandian A et al.: Post-acute COVID-19 syndrome. Nat Med 2021; 27: 601-15 3 Lopez-Leon S et al.: More than 50 long-term effects of COVID-19: a systematic review and meta-analysis. Sci Rep 2021; 11: 16144 4 NICE: NICE guideline [NG188]: COVID-19 rapid guideline: managing the long-term effects of COVID-19. 18 December 2020, updated 11 november 2021 https://www.nice.org.uk/guidance/ng188 (cité 11 août 2022) 5 Greenhalgh T et al.: Management of post-acute covid-19 in primary care. BMJ 2020; 370: m3026 6 Huang C et al.: 6-month consequences of COVID-19 in patients discharged from hospital: a cohort study. Lancet 2021; 397: 220-32 7 Carfì A et al., for the Gemelli Against COVID-19 Post-Acute Care Study Group: Persistent symptoms in patients after acute COVID-19. JAMA 2020; 324: 603-5 8 Chopra V et al.: Sixty-day outcomes among patients hospitalized with COVID-19. Ann Intern Med 2021; 174: 576-8 9 Nehme M et al.: Prevalence of symptoms more than seven months after diagnosis of symptomatic COVID-19 in an outpatient setting. Ann Intern Med 2021; 174: 1252-60 10 Taquet M et al.: 6-month neurological and psychiatric outcomes in 236379 survivors of COVID-19: a retrospective cohort study using electronic health records. Lancet Psychiatry 2021; 8: 416-27 11 Nehme M et al.: One-year persistent symptoms and functional impairment in SARS-CoV-2 positive and negative individuals. J Intern Med 2022; 292: 103-15 12 Pozo-Rosich P: Headache & COVID-19: A short-term challenge with long-term insights. AHSAM 2020, Oral session. Disponible sur: https://ahshighlights.com (cité 3 août 2022) 13 Lejay N, Allali G: Complications neurologiques du virus SARS-CoV-2. Rev Méd Suisse 2022; 18: 855-6 14 Mazza MG et al.: Anxiety and depression in COVID-19 survivors: Role of inflammatory and clinical predictors. Brain Behav Immun 2020; 89: 594-600 15 Taquet M et al.: Bidirectional associations between COVID-19 and psychiatric disorder: retrospective cohort studies of 62354 COVID-19 cases in the USA. Lancet Psychiatry 2021; 8: 130-40 16 Almeria M et al.: Cognitive profile following COVID-19 infection: Clinical predictors leading to neuropsychological impairment. Brain Behav Immun Health 2020; 9: 100163 17 Liu YH et al.: One-year trajectory of cognitive changes in older survivors of COVID-19 in Wuhan, China: a longitudinal cohort study. JAMA Neurol 2022; 79: 509 18 Voruz P et al.: Long COVID neuropsychological deficits after severe, moderate, or mild infection. Clin Transl Neurosci 2022; 6: 9 19 Gupta A et al.: Extrapulmonary manifestations of COVID-19. Nat Med 2020; 26: 1017-32 20 Pandharipande PP et al.: Long-term cognitive impairment after critical illness. N Engl J Med 2013; 369: 1306-16 21 Inoue S et al.: Post-intensive care syndrome: its pathophysiology, prevention, and future directions. Acute Med Surg 2019; 6: 233-46 22 Brooks SK et al.: The psychological impact of quarantine and how to reduce it: rapid review of the evidence. Lancet 2020; 395: 912-20 23 Carvalho PM de M et al.: The psychiatric impact of the novel coronavirus outbreak. Psychiatry Res 2020; 286: 112902 24 Aiello A et al.: Immunosenescence and its hallmarks: How to oppose aging strategically? A review of potential options for therapeutic intervention. Front Immunol 2019; 10: 2247 25 Ameres M et al.: Association of neuronal injury blood marker neurofilament light chain with mild-to-moderate COVID-19. J Neurol 2020; 267: 3476-8 26 Heneka MT et al.: Immediate and long-term consequences of COVID-19 infections for the development of neurological disease. Alzheimers Res Ther 2020; 12: 69 27 Ritchie K et al.: The cognitive consequences of the COVID-19 epidemic: collateral damage? Brain Commun 2020; 2: fcaa069 28 Holmes C et al.: Systemic inflammation and disease progression in Alzheimer disease. Neurology 2009; 73: 768-74 29 Kuo CL et al.: APOE e4 genotype predicts severe COVID-19 in the UK biobank community cohort. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2020; 75: 2231-2 30 Kurki SN et al.: APOE ε4 associates with increased risk of severe COVID-19, cerebral microhaemorrhages and post-COVID mental fatigue: a Finnish biobank, autopsy and clinical study. Acta Neuropathol Commun 2021; 9: 199 31 Rubin R: As their numbers grow, COVID-19 “long haulers” stump experts. JAMA 2020; 324: 1381-3 32 Long COVID: let patients help define long-lasting COVID symptoms. Nature 2020; 586: 170 33 Callard F, Perego E: How and why patients made Long Covid. Soc Sci Med 2021; 268: 113426
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