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Principaux faits marquants du congrès

UEG Week 2022 – quelles sont les nouveautés?

L’UEG Week, le plus grand congrès des gastroentérologues et hépatologues européens, a proposé cette année encore un programme scientifique très diversifié. Nous avons récapitulé pour vous quelques-uns des résumés auxquels on a décerné le «Top Abstract Prize».

L’éradication de H. pylori réduit le risque hémorragique des ulcères gastriques

Le Prof. Christopher Hawkey, de Nottingham, a présenté l’un des «Top Abstracts» du congrès. Il traitait des hémorragies, désormais rares, associées aux ulcères gastro-intestinaux chez les patients recevant de l’aspirine au Royaume-Uni. L’étude HEAT («Helicobacter pylori Eradication Aspirin Trial») a examiné si l’éradication de H. pylori pouvait réduire le risque hémorragique des ulcères gastriques suite à un traitement par l’aspirine.1 Les patients âgés de plus de 60 ans qui prenaient de l’aspirine depuis au moins quatre mois ont été recrutés à partir des bases de données de soins de santé primaires britanniques. Le critère d’évaluation primaire de cette étude était une hospitalisation due à une hémorragie ulcéreuse évidente ou probable.

Entre 2012 et 2017, 30024 patients ont subi un test respiratoire à l’urée 13C pour l’infection à H. pylori. Ceux dont les tests étaient positifs (n = 5353) ont été randomisés pour recevoir un traitement d’éradication actif (30mg de lansoprazole, 500mg de clarithromycine et 400mg de métronidazole BID pendant une semaine; n=2677) ou un placebo (n=2676). 90,7% des patients du groupe sous traitement actif étaient ensuite H. pylori négatifs par rapport à 24,0% dans le groupe témoin (p<0,001). Au cours des 2,5 premières années de suivi, le taux d’hémorragies ulcéreuses était significativement plus faible dans le groupe d’éradication que dans le groupe placebo (0,92/1000 personnes-années contre 2,61/1000 patients-années; p<0,03). Cet avantage est resté statistiquement significatif dans l’analyse per protocole (p=0,018) et dans une analyse ajustée pour le risque concurrent de décès (p=0,028), mais a été perdu (p=0,54) dans le cas d’un suivi plus long (>2,5ans).

C. Hawkey a indiqué que l’utilisation d’antiplaquettaires a diminué à la fois dans le groupe d’éradication et dans le groupe témoin (de 12,7% et 12,3%, respectivement) au cours des 2,5 premières années, tandis que l’utilisation d’ inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) a augmenté (de 9,7% et 10,1%, respectivement).1

Traitement d’entretien par l’upadacitinib en cas de colite ulcéreuse

La Dre Séverine Vermeire, de Louvain, faisait également partie des cinq gagnant·e·s du «Top Abstract Prize». Elle a présenté les résultats de l’étude d’entretien de phase III U-ACHIEVE menée sur 52 semaines.2 Cette étude multicentrique, randomisée, en double aveugle et contrôlée contre placebo a évalué l’efficacité et la sécurité du traitement d’entretien par l’upadacitinib chez les patients atteints de colite ulcéreuse (CU). Elle incluait les patients qui ont obtenu une réponse clinique selon le score de Mayo adapté après un traitement d’induction de huit semaines à la dose de 45mg d’upadacitinib QD dans le cadre de l’étude U-ACHIEVE Induction ou U-ACCOMPLISH.

Les patients ayant répondu dans la population en intention de traiter ont été randomisés pour recevoir 15mg d’upadacitinib, 30mg d’upadacitinib ou un placebo en traitement d’entretien. À la semaine 52, un pourcentage significativement plus élevé de patients sous 15 et 30mg d’upadacitinib a atteint le critère d’évaluation primaire de rémission clinique, laquelle est définie par un score de Mayo adapté ≤2, par rapport aux patients sous placebo (40,4% et 53,6% par rapport à 10,8%, respectivement; p<0,001 pour les deux).

Les patients sous upadacitinib étaient également plus susceptibles d’atteindre tous les critères d’évaluation secondaires étudiés, y compris l’amélioration et la rémission endoscopiques ainsi que le maintien de la rémission clinique, la rémission clinique sans stéroïdes et l’amélioration histologique-endoscopique de la muqueuse (p<0,001 pour toutes les comparaisons par rapport au placebo). Les deux doses d’upadacitinib ont également été associées à une diminution de l’urgence des selles (p<0,001).

Des événements indésirables graves (EIG) ont été rapportés chez 8,4% des patients sous 15mg d’upadacitinib, 8,4% des patients sous 30mg d’upadacitinib et 9,4% des patients sous placebo, et des effets indésirables ayant entraîné l’arrêt du traitement sont survenus chez 4,0%, 7,2% et 10,2% des patients, respectivement. L’EIG le plus fréquent était une aggravation de la CU chez les patients sous 15mg d’upadacitinib (11,6%) et placebo (30,2%), tandis que la rhinopharyngite était l’EIG le plus fréquent chez les patients sous 30mg d’upadacitinib (10,4%).2

Modifications du microbiote intestinal en réaction aux inhibiteurs de point de contrôle

Le Dr Johannes Björk, de Groningen, a également été récompensé pour son résumé. L’étude PRIMM («Predicting response to immunotherapy for melanoma with gut microbiome and metabolomics») qu’il a présentée a analysé les changements longitudinaux du microbiote intestinal en réponse à un blocage des points de contrôle immunitaire («immune checkpoint blockade», ICB).3

Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont établi le profil du microbiote intestinal de 175 patients atteints de mélanome avancé qui ont subi un ICB dans des centres d’oncologie en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Un séquençage métagénomique shotgun a été effectué sur des échantillons de selles afin de comparer le microbiote avant et pendant le traitement, et d’étudier la corrélation avec l’efficacité du traitement, laquelle est mesurée par la survie sans progression à 12 mois. Un modèle de régression avec des interactions d’ordre supérieur a été utilisé pour analyser les modifications des espèces bactériennes et des voies métaboliques, tout en dissociant l’effet longitudinal de ces facteurs.

Les effets des caractéristiques du traitement, y compris les différences éventuelles entre les patients ayant répondu au traitement unique (mort cellulaire programmée 1 [PD-1]) ou au traitement combiné (PD-1 et protéine 4 associée aux lymphocytes T cytotoxiques [CTLA-4]) par ICB, les patients ayant reçu un traitement antérieur par des antibiotiques ou des IPP et les patients ayant présenté des événements indésirables liés à l’immunité, tels que des colites, ont également été étudiés.

Les patients qui n’ont pas répondu à l’ICB ont connu une plus grande perte de diversité α pendant le traitement, laquelle est mesurée par la diversité des espèces, que les patients qui ont répondu au traitement. Les résultats ont confirmé que les biomarqueurs microbiens identifiés au début du traitement (p.ex. Faecalibacterium prausnitzii et Bifidobacterium longum) augmentaient au cours de celui-ci, les caractéristiques du traitement telles que l’utilisation d’IPP ou le type de schéma ICB ayant souvent un impact sur ces résultats.

Les chercheurs ont trouvé des abondances plus élevées et croissantes de bactéries Lachnospiraceae et Actinomycetaceae chez les patients ayant répondu au traitement unique par ICB que chez les patients qui n’ont pas répondu à ce traitement, tandis que les patients ayant répondu au traitement combiné par ICB présentaient des abondances plus élevées et croissantes de plusieurs espèces de Bacteroides.3

Alors que les espèces qui sont continuellement associées à la réponse sont des cibles potentielles pour la transplantation de microbiote fécal, les espèces qui présentent une différence significative entre les patients ayant répondu ou non peuvent également avoir une valeur diagnostique, a déclaré J. Björk concernant les résultats.

Syndrome du côlon irritable plus fréquent chez les patients atteints du SARS-CoV-2

Le Covid-19 a bien sûr été l’un des thèmes abordés pendant le congrès. Le Prof. Giovanni Marasco, de Bologne, a présenté les résultats de l’étude prospective longitudinale GI-COVID-19.4 Les symptômes gastro-intestinaux (GI) et la perturbation des interactions intestin-cerveau survenus après l’infection et persistant jusqu’à 12 mois après l’hospitalisation due au Covid-19 ainsi que les facteurs associés ont été examinés dans le cadre de cette étude.4

Un total de 883 patients (614 atteints de Covid-19 et 269 témoins) provenant de 36 centres situés dans 12 pays ont été inclus dans l’analyse primaire, parmi lesquels 435 atteints de Covid-19 et 188 du groupe témoin ont terminé le suivi sur 12 mois. Au début de l’étude, les symptômes GI étaient plus fréquents chez les patients Covid-19 que chez ceux du groupe témoin (59,3% vs 39,7%; p<0,001). Les symptômes les plus fréquemment rapportés par les patients Covid-19 au début de l’étude étaient les suivants: nausée, diarrhée, selles molles et besoin d’aller à la selle.

Lors du suivi à un mois, la nausée et les éructations acides étaient significativement plus fréquentes chez les patients Covid-19 que chez ceux du groupe témoin (8,7% vs 1,7%, respectivement; p=0,015, et 8,4% vs 2,1%; p=0,006). Après 6 mois, les patients Covid-19 ont rapporté des taux plus faibles de ballonnements (17,6% vs 19,1%; p=0,024), de constipation (8,9% vs 17,1%; p<0,001) et de selles dures (9,6% vs 17,2%; p=0,030) comparés à ceux du groupe témoin. Après 12 mois, la constipation et les selles dures étaient significativement moins fréquentes chez les patients Covid-19 que chez ceux du groupe témoin.

Pendant le suivi, les patients Covid-19 ont déclaré plus souvent des symptômes suggérant une perturbation des interactions intestin-cerveau que ceux du groupe témoin. Une différence statistiquement significative a toutefois uniquement été observée pour le syndrome du côlon irritable selon les critères de Rome III (4,4% vs 1,1%; p=0,036) et de Rome IV (3,2% vs 0,5%; p=0,045). Les facteurs associés de manière significative au diagnostic du syndrome du côlon irritable étaient les allergies anamnestiques, la prise chronique d’IPP et la dyspnée.4

Lacunes du dépistage des cancers du pancréas

Les tumeurs du pancréas passent souvent inaperçues sur les images de TDM ainsi que d’IRM, et ne sont diagnostiquées que plus tard («post-imaging pancreatic cancer», PIPC), ce qui réduit la fenêtre de temps pour réaliser une opération curative salvatrice, comme l’a expliqué la Dre Nosheem Umar, de Birmingham, lors de l’UEG Week.

L’étude qu’elle a présentée a analysé les dossiers de 600 patients chez qui un cancer du pancréas (CP) a été diagnostiqué entre 2016 et 2021.6 Chez 46 d’entre eux (7,7%), la tumeur n’a pas été détectée lors de la première imagerie et le cancer du pancréas (PIPC) a été diagnostiqué seulement 3 à 18 mois plus tard. Les images de TDM et d’IRM de ces patients ont été examinées indépendamment par des radiologues afin de développer un algorithme permettant de catégoriser les cas manqués et de déterminer l’explication la plus probable.

Les résultats ont montré que plus d’un tiers (36%) des cas de PIPC pourraient être évités, ce qui démontre un faible taux de dépistage d’une maladie maligne ayant de graves conséquences pour les patients. Les PIPC ont été divisés en cinq catégories: type1: lésion CP manquée, car l’imagerie est insuffisante pour exclure la lésion (10,6%); type2: lésion CP manquée en présence d’une imagerie adéquate et d’une lésion visible (erreur d’interprétation: 25,5%); type3: anomalie associée au CP détectée (p.ex. dilatation du pancréas ou des voies biliaires, mais aucune lésion focale), mais plan de suivi insuffisant (erreur de prise en charge: 10,6%); type4: anomalie associée au CP détectée avec traitement adéquat, mais il s’agit quand même d’un PIPC (12,8%); type5: véritable nouvelle lésion CP, aucune anomalie détectée à la première imagerie avec une qualité d’image suffisante pour exclure une lésion (40,4%).6

«Ces résultats contribueront à standardiser les futures études sur ce sujet et à orienter les efforts d’amélioration de la qualité, de sorte que nous puissions augmenter la probabilité d’un diagnostic précoce du cancer du pancréas et améliorer les chances de survie des patients», a déclaré N. Umar.

«Best Paper Award» décerné au Dr Laurent Goessens

L’UEG récompense chaque année un auteur pour le meilleur article scientifique original publié dans son journal au cours de l’année écoulée. C’est le Dr Laurent Goessens, de Mouscron, en Belgique, qui a reçu ce prix cette année pour sa contribution en tant qu’auteur principal de l’étude d’observation rétrospective européenne «Safety and efficacy of combining biologics or small molecules for inflammatory bowel disease or immune-mediated inflammatory diseases».

Goessens et al. ont posé une question simple: l’association de médicaments biologiques à «petites molécules» ou non est-elle sûre et efficace? Dans cette grande étude multicentrique, soutenue par le groupe de recherche belge sur les maladies inflammatoires de l’intestin (BIRD) et l’organisation européenne de la maladie de Crohn et de la colite (ECCO), un total de 104 associations ont été recensées chez 98 patients atteints d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI).7 Les raisons de l’instauration du traitement combiné étaient les MICI actives (67%), les maladies inflammatoires à médiation immunitaire (MIMI) actives ou les manifestations extra-intestinales (MEI, 22%). La durée moyenne du traitement combiné était de 8 mois.

Lorsque l’association a été utilisée en cas de MICI active, une amélioration clinique et endoscopique a été observée chez plus de la moitié des patients. Le traitement des MIMI/MEI par des associations de médicaments biologiques a été efficace, ce qui montre que cette stratégie est réaliste et utile chez les patients atteints de MIMI/MEI non contrôlées.

10% des patients ont toutefois développé une infection opportuniste ou une infection ayant entraîné une hospitalisation, suggérant que les complications infectieuses restent le principal problème de cette approche. Malgré ces problèmes de sécurité, l’étude a fourni des données importantes pour cette maladie difficile à traiter. Les résultats offrent en outre de nouvelles approches thérapeutiques et stratégies de prise en charge des patients, qui sont liées à un objectif de recherche personnel de L. Goessens: «En tant que jeune gastroentérologue, je suis très intéressé par la pratique clinique et je veux offrir les meilleurs soins à mes patients.»

UEG Week 2022, du 8 au 11 octobre 2022, Vienne

1 Hawkey CJ: Helicobacter Pylori eradication aspirin trial (HEAT): primary intervention of upper gastrointestinal ulcer bleeding evaluated in a large scale trial in UK primary care. UEG Week 2022; OP044 2 Vermiere S: Efficacy and safety of Upadacitinib maintenance therapy in patients with moderately to severe active ulcerative colitis: final results from the phase 3 U_ACHIEVE maintenance study. UEG Week 2022; OP001 3 Björk JR: Longitudinal changes in the gut microbiome in response to immune checkpoint blockade. UEG Week 2022; OP042 4 Marasco G: Post-infection irritable bowel syndrome in SARS-CoV-2 patients: the GI-COVID study. UEG Week 2022; OP138 5 Rose TC et al.: Analysis of the burden and economic impact of digestive diseases and investigation of research gaps and priorities in the field of digestive health in the European region – White Book 2: executive summary. United European Gastroenterol J 2022; 1-6 6 Umar N: How often is pancreatic cancer missed on CT or MRI imaging? A novel root cause analysis system to establish the most plausible explanation for post imaging pancreatic cancer. UEG Week 2022; OP192 7 Goessens L et al.: Safety and efficacy of combining biologics or small molecules for inflammatory bowel disease or immune-mediated inflammatory diseases: A European retrospective observational study. United European Gastroenterol J 2021; 9: 1136-47

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