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Assemblée annuelle de la Société Suisse de Pneumologie (SSP)

Santé respiratoire et environnement

Le fait que l’assemblée annuelle de la SSP ait été organisée cette année en coopération avec l’Espace Francophone de Pneumologie (EFP) a fourni de nombreuses occasions de regarder par-delà les frontières de la Suisse. Ainsi par exemple, lors d’une session passionnante intitulée «Poumons et environnement», on a appris qu’il existe un facteur de risque pour le développement d’une BPCO qui joue un rôle encore plus important au niveau mondial que le tabagisme, à savoir la cuisson avec des combustibles de biomasse.

BPCO et pollution domestique

Le tabagisme a été reconnu comme facteur de risque pour le développement d’une BPCO dès les années 1950 et constitue le facteur de risque le plus connu et le mieux étudié de la BPCO. Cependant, la proportion de non-fumeurs parmi les patients atteints de BPCO est considérable, de l’ordre de 25 à 45% (les chiffres varient d’un pays à l’autre).1 Bien que la recherche sur la BPCO chez les fumeurs ait quelque peu éclipsé la recherche sur d’autres facteurs de risque, il existe de nombreuses preuves concernant les autres facteurs de risque de la BPCO.

«Par exemple, des analyses montrent que les enfants souffrant d’asthme et d’une augmentation réduite de la fonction pulmonaire pendant la croissance ont un risque plus élevé d’obstruction fixe des voies aériennes et de développement d’une BPCO dès le début de l’âge adulte», a expliqué la Prof. Dre méd. Chantal Raherison Semjen, Bordeaux.2 Dans une vaste étude de population, l’asthme infantile, les infections respiratoires, la pneumonie, la rhinite allergique, l’eczéma, les antécédents familiaux d’atopies ainsi que le tabagisme maternel ont été identifiés comme des facteurs de risque pour le développement d’une BPCO plus tard dans la vie, en plus du tabagisme.3

Combustibles issus de la biomasse

À l’échelle mondiale, l’utilisation de combustibles de biomasse constitue probablement le principal facteur de risque de BPCO. Les 1,01 milliard de fumeurs dans le monde font face à 3 milliards de personnes exposées à la fumée des combustibles de biomasse, comme le bois, le charbon de bois, le fumier ou les déchets agricoles. Dans les pays en voie de développement, 50% des décès liés à la BPCO sont attribués à l’exposition à la fumée issue de la biomasse, les femmes représentant environ 75% de ces décès.1 En Inde, en Afrique subsaharienne et en Chine, plus de 80% des ménages utilisent des combustibles de biomasse pour cuisiner, tandis que dans les zones rurales d’Amérique latine, cette proportion est de 30–75%. «Dans ces régions du monde, ce sont surtout les femmes et les jeunes enfants qui sont exposés à la fumée nocive des combustibles de biomasse pendant plusieurs heures par jour et pendant des années, dans des locaux exigus et souvent mal ventilés», explique C. Raherison Semjen.

Dans les pays en développement, les infections respiratoires aiguës sont la principale cause de décès chez les enfants. La combustion de biomasse à l’intérieur des habitations est l’un des facteurs les plus importants.1 Les enfants qui ne meurent pas des suites de ces infections ont des poumons endommagés et un risque accru de développer plus tard une BPCO.

Une méta-analyse montre que l’exposition à la fumée des combustibles de biomasse est associée à la survenance de BPCO (OR: 2,80; IC à 95%: 1,85–4,0) et de bronchites chroniques (OR: 2,32; IC à 95%: 1,92–2,8).4

La pollution de l’environnement domestique due à la combustion de la biomasse a également un impact majeur sur la mortalité, puisqu’elle est responsable de 3,5 à 4millions de décès dans le monde, soit à peu près le même nombre que celui attribué à la pollution atmosphérique.5

Une autre forme de pollution domestique est l’utilisation de ce que l’on appelle des spirales anti-moustiques à l’intérieur. Des études ont montré que leur utilisation dans des locaux fermés entraîne des concentrations de particules fines et de monoxyde de carbone encore plus élevées que la cuisson avec des combustibles de biomasse, et constitue donc également un facteur de risque de maladies pulmonaires.6

Pesticides

«Une forme souvent sous-estimée de pollution de l’environnement domestique est l’utilisation de pesticides. Les agriculteurs qui manipulent les pesticides et les herbicides sont les premiers concernés. Ils ont un risque sensiblement accru de développer une BPCO ou une bronchite chronique»,7 a déclaré C. Raherison Semjen. Il n’est cependant pas à exclure que les personnes vivant à proximité de champs traités soient également en danger.

Effets du changement climatique sur les poumons

«Tous les changements de l’environnement ont un impact sur la santé pulmonaire, étant donné que les poumons sont en communication ouverte constante avec l’environnement», a déclaré la Prof. Dre méd. Agnès Hamzaoui, Tunis. «Les modifications de l’environnement entraînent inévitablement des changements dans la faune et la flore, ainsi que des migrations humaines. En bref, un nouveau biotope auquel nous devons nous adapter progressivement est en train de voir le jour.» Ce n’est pas sans conséquences pour la santé.

La hausse des températures accroît la mortalité

Les températures élevées entraînent une augmentation du nombre d’hospitalisations pour cause de problèmes respiratoires chez les personnes âgées. Dans une étude portant sur douze villes européennes, les hospitalisations pour cause de pneumonie dans le groupe des personnes âgées de 75 ans ont augmenté de 4,5% dans les villes méditerranéennes et de 3,1% dans les villes du nord et du centre de l’Europe alors que la température maximale s’élevait de 1°C.8 Lorsque la température augmente, les concentrations de particules fines et d’ozone augmentent continuellement. Les climatologues ont calculé que, dans un scénario prévoyant la poursuite d’une croissance économique très rapide et une utilisation équilibrée de toutes les sources d’énergie (scénario SRES A1B), on peut s’attendre à 100000 décès prématurés supplémentaires par an dans le monde, du fait de la seule augmentation des concentrations de particules fines, et donc à environ 900000 années de vie perdues chaque année.9

Augmentation des allergies

Un autre impact du changement climatique sur la santé pulmonaire est l’augmentation des allergies. «En raison de la hausse des températures, la durée de la saison pollinique va s’allonger, il y aura davantage de ‹tempêtes polliniques›, c’est-à-dire une très forte charge pollinique combinée à des vents violents, de nouveaux genres de plantes vont migrer depuis les régions plus chaudes et la composition moléculaire du pollen va changer», a expliqué A. Hamzaoui. Cela entraînera une augmentation des allergies, l’apparition de nouvelles allergies et une augmentation connexe de l’asthme et des exacerbations d’asthme.10,11

Comme les orages seront plus fréquents, le phénomène de l’asthme d’orage deviendra également plus important. «On pense qu’en raison de la charge électrostatique de l’air pendant un orage, davantage de pollen est libéré, de plus, en raison de l’humidité élevée, il éclate et libère de grandes quantités d’allergènes», a expliqué A. Hamzaoui.12,13

Infections à transmission vectorielle

Il faut également s’attendre à une augmentation des infections à transmission vectorielle, étant donné que des animaux qui n’étaient auparavant originaires que des zones (sub)tropicales s’installeront sous nos latitudes en raison des nouvelles conditions climatiques.

«En ce qui concerne l’impact du changement climatique sur les poumons, notre tâche en tant que pneumologues est principalement la prévention, l’éducation, le conseil et la formation au niveau individuel, mais aussi sociétal et politique. Attaquons-nous au problème ensemble», tel a été l’encouragement adressé au public par A. Hamzaoui.

Pollution atmosphérique et pandémie de Covid-19: existe-t-il un lien?

«La question de savoir quel rôle joue la pollution atmosphérique dans la propagation du SARS-CoV-2 et le développement de la pandémie a déjà été soulevée au printemps 2020 et discutée dans les médias», a déclaré le Prof. Dr Dr méd. Nino Künzli, Bâle. La Commission fédérale de l’hygiène de l’air (CFHA) a donc publié un document sur la pollution atmosphérique et la pandémie de Covid-19 à l’attention du gouvernement suisse dès l’été 2020. N. Künzli a fait le point sur les aspects expliqués dans ce document lors de l’assemblée annuelle de la SSP.

Le confinement a-t-il eu un impact sur la pollution?

Des études montrent que les émissions des transports routiers et aériens ont considérablement diminué dans le monde entier lors du premier confinement au printemps 2020. Selon une étude menée dans 34 pays, la moyenne pondérée par la population de la réduction des oxydes d’azote était de 60%, et la concentration de particules ultrafines a diminué de 31%.14

Une forte pollution par les particules fines favorise-t-elle la propagation du SARS-CoV-2?

L’année dernière, les médias ont rapidement suggéré qu’il existait un lien entre les niveaux élevés de particules fines à Wuhan et en Lombardie et la propagation rapide du SARS-CoV-2 dans ces régions. «L’hypothèse était que le virus adhère aux petites particules et est ainsi en mesure de se propager si aisément», a expliqué N. Künzli. Mais même si cette théorie semble pertinente, il n’existe pas encore de données solides pour venir l’étayer. «Même les nombreux éditoriaux, commentaires et revues publiés à ce sujet l’année dernière ne contribuent pas à la clarification. Pour la plupart, il s’agit de récits spéculatifs et de surinterprétations massives de rapports de cause à effet théoriquement possibles», a expliqué N. Künzli. À l’heure actuelle, rien ne prouve que la pollution par les particules fines pourrait favoriser la propagation des virus qui se propagent par l’intermédiaire de gouttelettes.

La pollution a-t-elle une influence sur la susceptibilité individuelle?

Il est bien connu que les niveaux élevés de pollution atmosphérique ont un impact négatif sur la santé, affaiblissent les défenses immunitaires contre les infections et entraînent une augmentation des hospitalisations pour maladies pulmonaires et cardiovasculaires. Il serait plausible qu’un virus comme le SARS-CoV-2 entraîne une sollicitation supplémentaire dans ce contexte. «Toutefois, nous devons prendre conscience des ordres de grandeur dont il s’agit», a précisé N. Künzli. Ainsi par exemple, une augmentation de la pollution par les particules fines de 10μg/m3, qui n’est pas rare en Suisse en hiver, est associée à une augmentation du nombre d’hospitalisations dues à des maladies respiratoires d’environ 1%. En comparaison, le nombre de cas de Covid-19 a augmenté de 25–50% par jour avant le confinement. Par rapport aux moteurs de la pandémie, la pollution atmosphérique n’a pratiquement joué aucun rôle en Suisse, et l’incidence de l’infection n’aurait pas pu être influencée de manière significative par des mesures d’urgence visant à réduire la pollution atmosphérique.

La pollution atmosphérique affaiblit-elle la résilience de la population?

La BPCO, les maladies cardiovasculaires, le diabète, etc., maladies pour lesquelles il existe un lien évident avec la pollution atmosphérique, sont associés à un risque plus élevé d’évolutions sévères du Covid-19. «On peut donc supposer que davantage de personnes sont touchées par des évolutions sévères de Covid-19 dans les régions où la pollution atmosphérique est élevée que dans les régions où l’air est plus pur», a déclaré N. Künzli. Toutefois, il est impossible de répondre à l’heure actuelle à la question de savoir quelle est l’ampleur de la contribution de la pollution atmosphérique aux évolutions sévères de Covid-19, en effet, la littérature sur le sujet est très hétérogène. «Ce qui est clair, cependant, c’est que les populations dont les niveaux de pollution environnementale sont plus faibles sont en meilleure santé et plus résilientes, et que tous les efforts visant à obtenir un air plus pur favorisent également la santé de la population et renforcent la résistance», a conclu N. Künzli.

Assemblée annuelle de la Société Suisse de Pneumologie (SSP), 17 et 18 juin 2021

1 Salvi SS, Barnes PJ: Chronic obstructive pulmonary disease in non-smokers. Lancet 2009; 374: 733-43 2 McGeachie MJ et al.: Patterns of growth and decline in lung function in persistent childhood asthma. N Engl J Med 2016; 374: 1842-52 3 Bui DS et al.: Childhood predictors of lung function trajectories and future COPD risk: a prospective cohort study from the first to the sixth decade of life. Lancet Respir Med 2018; 6: 535-44 4 Kurmi OP et al.: COPD and chronic bronchitis risk of indoor air pollution from solid fuel: a systematic review and meta-analysis. Thorax 2010; 65: 221-8 5 Gordon SB et al.: Respiratory risks from household air pollution in low and middle income countries. Lancet Respir Med 2014; 2: 823-60 6 Salvi D et al.: Indoor particulate matter < 2.5 μm in mean aerodynamic diameter and carbon monoxide levels during the burning of mosquito coils and their association with respiratory health. Chest 2016; 149: 459-66 7 Alif SM et al.: Occupational exposure to pesticides are associated with fixed airflow obstruction in middle-age. Thorax 2017; 72: 990-7 8 P Michelozzi et al.: High temperature and hospitalizations for cardiovascular and respiratory causes in 12 European cities. Am J Respir Crit Care Med 2009; 179: 383-9 9 Fang Y et al.: Impacts of 21st century climate change on global air pollution-related premature mortality. Climatic change 2013; 121: 239-53 10 Ziska LH et al.: Temperature-related changes in airborne allergenic pollen abundance and seasonality across the northern hemisphere: a retrospective data analysis. Lancet Planet Health 2019; 3: e124-31 11 D’Amato G et al.: Meteorological conditions, climate change, new emerging factors, and asthma and related allergic disorders. A statement of the World Allergy Organization. World Allergy Organ J 2015; 8: 25 12 Kevat A: Thunderstorm asthma: looking back and looking forward. J Asthma Allergy 2020; 12: 293-9 13 A AlQuran A et al.: Community response to the impact of thunderstorm asthma using smart technology. Allergy Rhinol 2021; 12: 21526567211010728 14 Venter ZS et al.: COVID-19 lockdowns cause global air pollution declines. Proc Natl Acad Sci 2020; 117: 18984-90

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