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La plongée en toute sécurité

Pourquoi l’aptitude à la plongée est-elle si importante?

La plongée sous-marine est un sport de plus en plus populaire et le nombre de plongeurs, jeunes et moins jeunes, n’a cessé d’augmenter au fil des ans. De quoi rendre le travail des médecins spécialistes de la plongée plus complexe et plus exigeant.

Keypoints

  • 70 à 80 % des problèmes de santé liés à la pratique de la plongée touchent la sphère ORL.

  • Les éléments importants de l’examen d’aptitude à la plongée sont l’ECG de repos, la mesure de la pression artérielle, l’auscultation du cœur et des poumons, la mesure de la fonction pulmonaire et les tests de contrôle du sens de l’équilibre.

  • Les troubles cardiaques et une pression artérielle non contrôlée sont associés à un risque accru d’œdème pulmonaire lors de la pratique de la plongée.

  • Le terme «air-trapping» signifie que l’air dilaté ne peut pas s’échapper suffisamment des poumons.

  • L’asthme non contrôlé, la BPCO et l’emphysème pulmonaire peuvent entraîner un «air-trapping» lors des séances de plongée et, par conséquent, une déchirure ou une distension des poumons.

  • L’altération de la fonction d’équilibre de l’oreille interne pouvant mettre la vie des plongeurs en danger en cas de visibilité réduite.

Le nombre de personnes pratiquant la plongée en Allemagne est estimé à près de 5 millions et la pandémie actuelle n’a pas eu d’impact significatif sur cette activité.1 Il est frappant d’observer un élargissement de la fourchette d’âge des plongeurs.

Pourquoi l’aptitude à la plongée est-elle au juste si importante?

Sans nier la fascination et l’enthousiasme que suscite le monde sous-marin, qu’il s’agisse de nos lacs ou des récifs des Maldives, nous ne devons pas oublier un élément essentiel: sous l’eau, nous nous retrouvons dans un environnement qui est hostile aux êtres humains. Le simple fait d’être plongé dans l’eau (= immersion) entraîne des modifications majeures dans notre organisme.

Rares sont les personnes qui auraient l’idée de participer à un marathon voire même à un Ironman sans aucune préparation ni aucun examen médical pour faire évaluer leur condition physique. Le respect sain qu’inspirent les exigences imposées à notre organisme par ces deux compétitions est trop grand. En revanche, lorsqu’il s’agit d’examens d’aptitude à la plongée, nous sommes souvent confrontés à l’incompréhension des candidats à la plongée. «Je ne fais que des plongées faciles», «On ne fait que se laisser flotter», «Ce n’est pas du tout fatigant», «Il n’y a pas de courant»: telles sont les types d’affirmations auxquelles le médecin spécialiste de la plongée doit faire face.

Il est essentiel de faire comprendre à nos clients que nous ne sommes pas là pour jouer les «rabat-joies» et pour leur interdire de plonger. Notre rôle en tant que médecins de plongée est de procéder à une évaluation et à une estimation des risques et, en fonction des résultats, d’émettre des recommandations, de prodiguer des conseils et, le cas échéant, de déclarer le patient inapte à la pratique de la plongée. Le fait de plonger soi-même est très utile à cet égard, en effet, ceci permet d’avoir une relation d’égal à égal avec ses clients, de comprendre les problèmes qu’ils rencontrent et de leur donner des conseils plus crédibles que si la plongée n’est connue qu’en théorie.

Risques médicaux liés à la plongée

Pas moins de 70–80% des problèmes rencontrés lors de la pratique de la plongée trouvent leur origine dans la sphère ORL. La plupart du temps, les différences de pression qui se produisent lors de la descente et de la remontée sont responsables de troubles spécifiques à la plongée dans la sphère ORL ou dans les poumons (Fig. 1). L’air qui se trouve dans notre organisme (p.ex. dans les sinus, l’oreille moyenne, les poumons, le système digestif) est comprimé lors de la descente et se dilate à nouveau lors de la remontée. Toute entrave à la ventilation entraîne donc inévitablement des problèmes dans l’organe en question, ce qui peut engager le pronostic vital. (Tab. 1)

Tab. 1: Facteurs de risque possibles lors des séances de plongée

Immersion et maladies cardiovasculaires

L’immersion désigne l’introduction physique d’un objet dans l’eau et l’interaction qui en résulte – dans le cas du plongeur, il s’agit donc simplement du processus d’avancer, de sauter ou de se laisser tomber dans l’eau. Cet acte simple, mais nécessaire à la plongée entraîne à lui seul une série de modifications dans notre organisme. Que ce soit en nageant ou en plongeant, notre système cardiovasculaire réagit au passage de la terre ferme à l’eau en augmentant la précharge et la post-charge. Il y a alors augmentation du retour veineux vers le cœur (=précharge) qui doit alors continuer à pomper le sang face à une résistance accrue (=post-charge). En termes simples, le cœur peut donc être en surcharge du seul fait de l’immersion du corps. À titre d’exemple, une défaillance du mécanisme de pompage du cœur suivie d’un œdème pulmonaire peut survenir. Une étude menée par les US Navy SEALs2 sur la fréquence de l’œdème pulmonaire ou d’autres troubles pulmonaires causés par la pratique de la natation montre que ce type de pathologies ne touche pas uniquement des personnes non entraînées et cardiaques, mais également par exemple des soldats d’élite en pleine forme. Pour nous, médecins de plongée, raison de plus pour surveiller de près la santé cardiaque de nos clients. L’ECG de repos (et l’ECG d’effort à partir de 40 ans), la mesure de la pression artérielle et l’auscultation du cœur sont, par conséquent, des éléments importants de l’examen médical d’aptitude à la plongée.

L’hypertension artérielle est une maladie très répandue dans notre société; nos candidats à la plongée peuvent ainsi également en être atteints. Une hypertension insuffisamment contrôlée par des médicaments est liée à un risque nettement plus élevé d’œdème pulmonaire et constitue donc un motif valable d’inaptitude à la pratique de la plongée dans un premier temps. En revanche, si la pression artérielle est bien contrôlée par des médicaments plusieurs mois durant, il est possible de pratiquer la plongée.

Variations de pression des cavités aériennes – les poumons

Comme le montre la Figure 1, l’air contenu dans notre organisme est soumis à une compression lors de la descente et à une dilatation lors de la remontée. Il en va bien entendu de même pour l’air contenu dans nos poumons. Il est donc essentiel que la fonction pulmonaire soit intacte pour pratiquer la plongée, sans quoi un «air-trapping» est possible, en particulier pendant la phase de remontée. Dans ce cas, l’air qui se dilate ne peut pas ou pas suffisamment s’échapper des structures les plus étroites et les plus fines des poumons (alvéoles, bronchioles) et être expiré, ces dernières sont alors de plus en plus distendues lors de la remontée et peuvent finir par se déchirer.

© A. Lopez/ARGE Tauch- und Flugmedizin

Fig. 1: Pression ambiante et volume en fonction de la profondeur

Les facteurs de risque qui peuvent favoriser ou provoquer ce trouble mettant la vie en danger sont un asthme bronchique non (ou mal) contrôlé, une affection pulmonaire induisant une constriction durable des voies respiratoires (BPCO) mais aussi une hyperinflation du poumon (emphysème pulmonaire). En présence de ces maladies, il existe soit des «zones de rupture» dans le tissu pulmonaire (dans le cas de l’emphysème), soit une constriction des voies respiratoires qui peuvent se rétrécir encore davantage en conditions de plongée, entraînant ainsi un «air-trapping» (dans le cas de l’asthme ou de la BPCO). L’auscultation des poumons et la mesure de la fonction pulmonaire (spirométrie) doivent donc être effectuées de manière systématique lors de chaque examen médical d’aptitude à la plongée.

Altération de la perception vestibulaire – apesanteur

Notre équilibrioception fait appel à trois mécanismes distincts.

  • Le premier est le système proprioceptif, également appelé sensibilité profonde, qui nous renseigne sur la position et le déplacement du corps dans l’espace au moyen de récepteurs.

  • Le sens de la vue est le deuxième mécanisme grâce auquel notre cerveau obtient des informations sur la position dans l’espace. En règle générale, notre cerveau utilise de préférence ce canal d’information dans la plupart des situations.

  • Le troisième mécanisme est le système vestibulaire de notre oreille interne, l’organe de l’équilibre, qui fonctionne généralement en arrière-plan et auquel le cerveau a recours dans certaines circonstances. En plongée, c’est particulièrement le cas lorsque la visibilité est mauvaise, c’est-à-dire quand le cerveau ne peut plus se fier aux impressions visuelles.

En association avec l’apparente apesanteur à laquelle nous sommes soumis sous l’eau, une altération de la fonction d’équilibre de l’oreille interne peut entraîner une situation mettant la vie en danger se caractérisant par des vertiges et une perte d’orientation. Un examen précis du sens de l’équilibre est donc indispensable lors de l’examen d’aptitude à la plongée. Cet examen s’effectue notamment au moyen d’un test réalisé en position debout (test de Romberg) et du test d’Unterberger, au cours duquel le sujet marche sur place les yeux fermés (Fig. 2). Un examen à l’aide de lunettes de Frenzel est utile pour clarifier les troubles vertigineux (Fig. 3).

© M. Schröckenfuchs

Fig. 2: L’épreuve de piétinement d’Unterberger sert à vérifier le sens de l’équilibre

© M. Schröckenfuchs

Fig. 3: Les lunettes de Frenzel permettent de surveiller l’apparition d’un nystagmus

Facteurs psychologiques/médicaments

Étant donné que la plongée nous place dans un environnement mettant la vie en danger, l’aptitude mentale à pratiquer ce sport doit également être évaluée. Les indices d’une propension accrue à un comportement à risque ne doivent en aucun casêtre ignorés ou minimisés, bien au contraire c’est à nous, examinateurs, de les aborder. Dans certains cas, il peut simplement s’agir d’une compréhension insuffisante des risques et des dangers qui en découlent, et un entretien d’information peut apporter clarté et sécurité.

Par exemple, les risques pour la santé, tels que l’hypertension ou les maladies des voies respiratoires, les troubles liés à la compensation de la pression et autres, sont souvent totalement sous-estimés. Le problème peut alors être résolu dans la plupart des cas.

Si nous constatons toutefois que nos clients ne mesurent pas ou peu les dangers, ou ne font pas preuve d’une telle conscience des dangers (p.ex.: «Nous avons plongé à 70m avec de l’air comprimé» et des déclarations du même type, à titre d’exemple, sur les limites de profondeur, sur la durée des séances de plongée, sur des séances de plongée qui franchissent les limites de l’expérience ou de la formation acquises par les plongeurs), nous devons absolument nous réserver le droit de déclarer ces personnes inaptes à la plongée. Nous devons toujours avoir à l’esprit que les plongeurs, sous l’eau, peuvent non seulement se mettre eux-mêmes en danger, mais aussi tous ceux qui plongent avec eux.

Des médicaments peuvent également limiter ou interdire l’aptitude à la plongée. À cet égard, il est essentiel de recenser précisément tous les médicaments pris. En particulier, ceux qui altèrent ou ralentissent d’une manière ou d’une autre les capacités de réaction ou la perception doivent être exclus. Dans certains cas, il est possible d’adopter un autre traitement; à ce sujet, il est recommandé de prendre contact avec les médecins spécialistes traitants.

Bilan

La plongée est un sport fascinant et relativement sûr, à condition d’en respecter les règles et d’avoir l’aptitude physique et mentale à la pratiquer. Vous lanceriez-vous dans un marathon ou un Ironman sans être entraîné ou sans avoir passé un examen médical? En tant que médecins de plongée, nous souhaitons à nos clients de belles séances de plongée – et surtout qu’ils remontent à la surface en bonne santé et nous racontent leur expérience.

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