
Pour des soins de santé optimaux plutôt que maximaux
Notre interlocuteur:
Dr méd. Lars Clarfeld
Dirécteur smarter medicine
Secrétaire général Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG)
Bern
E-mail: lars.clarfeld@sgaim.ch
Interview menée par Regina Scharf, MPH
Rédactrice
«Smarter medicine» s’engage contre les traitements médicaux excessifs ou inappropriés en Suisse. Leading Opinions Médecine interne soutient l’association en publiant dans ses prochains numéros les listes Top 5 correspondant aux thèmes principaux. La série commence par une interview du directeur de «smarter medicine», le Dr méd. Lars Clarfeld, et la première liste Top 5 en gynécologie. Bonne lecture!
Dr Clarfeld, la Suisse s’est jointe à la campagne internationale «smarter medicine» en 2014. Quel bilan tirez-vous après plus de huit ans?
L. Clarfeld: «Smarter medicine» a commencé en 2014 par une campagne avec une liste Top 5 en médecine interne générale ambulatoire. Aujourd’hui, la campagne est devenue un mouvement porté par l’association «smarter medicine – Choosing Wisely Switzerland», fondée en 2017. Nous en tirons un bilan positif. Au total, 22 listes Top 5 ont été publiées jusqu’ici, et une vingtaine d’autres sont en préparation ou sur le point d’être publiées. Depuis environ deux ans, nous nous concentrons davantage sur le développement de notre réseau de partenaires dans le but de soutenir les activités visant à éviter les «soins à faible valeur ajoutée» dans les établissements de santé. Par exemple, depuis 2021, des échanges entre les hôpitaux ont lieu au sein du groupe de travail «smarter hospitals». La notoriété de «smarter medicine» augmente progressivement. Au début, beaucoup pensaient que les mesures ne concernaient que les disciplines non invasives. Aujourd’hui, de nombreuses disciplines invasives ont également établi leur propre liste Top 5. Malgré tout, il y a encore beaucoup à faire. Nous nous sommes fixés pour objectif d’accroître encore la notoriété de «smarter medicine».
Que signifie «smarter medicine»?
Conformément à notre devise «en médecine, moins c’est parfois plus», notre mission est de lutter contre la surabondance et l’inadéquation des soins médicaux en Suisse. En médecine, lorsque nous parlons de surabondance et d’inadéquation des soins, nous entendons également par là le manque de soins, car cela fait partie de l’inadéquation des soins. Notre vision est un engagement commun envers une médecine optimale plutôt que maximale. L’idée est d’éviter les «low value care». Les mesures relèvent de la responsabilité du corps médical et reposent sur des données probantes axées sur le patient, transparentes et interprofessionnelles. Il existe ainsi également des listes Top 5 pour les professions de santé non médicales.
Quels sont les objectifs de l’association?
Notre objectif est d’établir des listes Top 5 pour toutes les sociétés de discipline médicale ainsi que pour toutes les professions de la santé. Nous participons au débat public sur la surabondance et l’inadéquation des soins et sensibilisons les patients à cette thématique tout en leur donnant les moyens d’agir. L’objectif premier n’est pas d’abaisser les coûts, mais d’améliorer la qualité des soins. Pour y parvenir, nous encourageons la recherche sur le thème de la surabondance et de l’inadéquation des soins et nous nous engageons à ce que cette thématique fasse partie intégrante de la formation médicale initiale, complémentaire et continue. En médecine, beaucoup de choses qui sont faites parce que cela s’est toujours fait de cette façon et non pas parce que c’est la façon logique de procéder. Nous souhaitons que cette façon d’agir soit remise en question, à savoir que le personnel de santé se pose systématiquement la question de savoir si un examen ou un traitement offre une value ajoutée aux patient·es. Un tel changement d’attitude prend du temps.
Comment est financée «smarter medicine»?
Le financement est assuré exclusivement par les contributions des prestataires de soins. Il s’agit notamment des membres fondateurs de l’association et des partenaires, dont le nombre a considérablement augmenté ces dernières années. Actuellement, notre réseau comprend 48 organisations, dont 28 hôpitaux partenaires, dix sociétés de discipline médicale et associations du domaine de la santé comme l’ASMAC et l’Association suisse pour les sciences infirmières, ainsi que des prestataires de services ambulatoires comme mediX et unisanté et huit membres fondateurs. «Smarter medicine» ne reçoit pas de soutien financier de la part de la Confédération ou des cantons. Nos possibilités sont donc plus limitées qu’au Canada, par exemple, où l’État soutient le mouvement au moyen de fonds publics. En revanche, nous sommes indépendants.
Je trouve qu’il manque de grands groupes d’hôpitaux privés dans votre réseau de partenaires.
Il y a aussi des hôpitaux privés, dont certains sont très actifs sur le plan scientifique dans le domaine des «low value care». Toutefois, seuls certains hôpitaux peuvent devenir partenaires, et non pas automatiquement tout un groupe d’hôpitaux. Il est important que la direction de l’hôpital ainsi que son personnel soutiennent le projet et que des mesures visant à éviter le «low value care» soient mises en œuvre dans chaque hôpital partenaire.
Les listes Top 5 constituent un aspect central, avec des mesures pour chaque discipline clinique et pour chaque profession de santé. Comment ces recommandations sont-elles élaborées et comment les groupes de travail sont-ils constitués?
Les listes Top 5 comprennent chacune cinq mesures médicales qui sont généralement inutiles. Il ne s’agit pas toujours d’une recommandation contre un traitement. Parfois, la recommandation est aussi d’expliquer aux patients les avantages et les inconvénients afin qu’ils puissent prendre une décision avec le médecin. Un exemple classique est le test de dépistage de l’antigène prostatique, qui donne souvent lieu à un résultat faux positif. La responsabilité du contenu et l’élaboration des recommandations Top 5 sont assurées par les associations professionnelles ou sociétés scientifiques du domaine de la médecine. Chaque liste existe dans une version experte et une version facile à comprendre pour les patient·es. Il faut compter environ un an à un an et demi entre le dépouillement des publications et la validation par la société professionnelle.
Pourriez-vous nous donner des exemples concrets de succès ou d’échecs des recommandations Top 5?
Ce que l’on peut dire, c’est que l’intérêt du public et des médias pour les listes est parfois très variable. Cela est souvent lié au nombre de personnes concernées par ces recommandations. Ainsi, les listes Top 5 en médecine interne générale, en pédiatrie et en gynécologie parviennent parfois à passer à la télévision.
Des études montrent que certaines recommandations Top 5 ne sont pas adoptées ou qu’il y a même une augmentation des mesures après leur publication.1,2 Que sait-on de ces dynamiques?
Normalement, nous constatons d’abord une diminution des mesures après la publication de la liste, puis une légère augmentation par la suite. C’est la raison pour laquelle nous disons qu’une liste seule ne suffit pas à briser les habitudes. Des mesures d’accompagnement telles que des informations régulières sont également nécessaires. Une étude menée dans le canton de Genève a pu montrer l’utilité des formations organisées dans le cadre des cercles de qualité des médecins de famille au cours desquelles le nombre de praticiens appliquant les différentes mesures de traitement est communiqué. Les médecins participants ont été en mesure de comparer leurs habitudes de pratique avec celles des autres, ce qui les a incités à changer les choses. Il est toutefois difficile de mettre cela en œuvre au niveau national.
Quelle est l’influence des patient·es en termes de réussite ou d’échec de la campagne?
Le rôle des patient·es est très important. L’objectif de «smarter medicine» est une «prise de décision partagée», c’est-à-dire que la décision pour ou contre un traitement est prise ensemble par le personnel soignant et les patient·es. Le défi consiste à faire en sorte que les patient·es prennent conscience ou comprennent qu’une mesure médicale n’est pas optimale dans la situation donnée, sans qu’ils ou elles aient le sentiment qu’ils ou elles manquent quelque chose. Ce processus prend du temps et n’est souvent pas rémunéré. Nous avons l’espoir que la situation s’améliore quelque peu avec le passage du TARMED au TARDOC. Le grand problème de notre système de santé reste cependant qu’il existe souvent des incitations à fournir des prestations, mais pas à les éviter. Il faudrait à cet égard renforcer la «médecine liée à la parole».
Où les patients peuvent-ils s’informer sur «smarter medicine»?
Le site Web de «smarter medicine» propose un film explicatif qui aborde des questions importantes que chaque patient et patiente devrait se poser avant un traitement et auxquelles il faudrait également répondre. Il s’agit par exemple des avantages et des inconvénients des différentes possibilités de traitement, de la probabilité que des complications correspondantes surviennent, de ce qui se passe si l’on ne fait rien, etc. Les patient·es ne peuvent participer activement à la décision thérapeutique que lorsque ces informations ont été comprises.
Où voyez-vous les plus grands défis pour «smarter medicine» dans les prochaines années?
La marge de manœuvre financière se réduit et, parallèlement, nous manquons de données sur la surabondance et l’inadéquation des soins en Suisse. La part des coûts de la santé générée par des mesures et des traitements inutiles se situe entre dix et vingt pour cent selon les pays. Les raisons en sont multifactorielles et souvent imbriquées. Par exemple, des informations importantes se perdent aux «frontières sectorielles», car la mise en réseau numérique dans le système de santé suisse n’en est malheureusement qu’à ses débuts. Il en résulte des doublons dans les examens, par exemple au laboratoire ou à l’imagerie. Ces mesures diagnostiques ne peuvent pas être simplement omises. Cela ne sera possible que lorsque des adaptations auront été effectuées au niveau national. Nous avons également besoin de plus de connaissances afin d’éviter les soins à faible valeur ajoutée de manière aussi ciblée que possible. Pour cela, il faut davantage de fonds pour la recherche. Les fonds réservés à cet effet ont toutefois diminué. Même si nous pouvons mettre à disposition des fonds propres pour la recherche, ceux-ci ne sont pas comparables à ceux des grands programmes nationaux.
Littérature:
1 Selby K et al.: Eur J Gen Pract 2018; 24: 32-8 2 Rosenberg A et al.: JAMA Intern Med 2015; 175: 1913-20
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