
Particularités du traitement des céphalées
Auteurs:
Lucia Hämmerl
PD Dr méd. Torsten Kraya
Klinik für Neurologie
Klinikum St. Georg, Leipzig
E-mail: torsten.kraya@sanktgeorg.de
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Les syndromes de céphalées primaires sont largement répandus dans la population et il n’est pas rare qu’ils entraînent une altération considérable de la qualité de vie des personnes qui en sont atteintes. On a jusqu’ici moins pris en considération les maladies concomitantes et les comorbidités spécifiques des migraines qui doivent à l’avenir être intégrées dans les concepts thérapeutiques appliqués aux patients souffrant de céphalées.
Jusqu’à présent, il a été accordé relativement peu d’attention dans la recherche et la pratique clinique quotidienne à l’impact important des comorbidités dans le contexte de la migraine et autres céphalées primaires. Toutefois, les résultats d’études qui font mention, d’une part, de l’importance des maladies concomitantes dans l’apparition et la progression de la migraine, d’autre part, de la probabilité plus élevée de survenue de certaines affections somatiques et psychiatriques en présence de céphalées, se multiplient depuis quelques années.
Une étude américaine de grande envergure incluant plus de 15000 patients souffrant de migraines, dont les résultats partiels ont été publiés en 2020 dans le «Journal of Headache and Pain», a permis de mettre en évidence que les personnes atteintes de cette maladie présentaient un risque sensiblement plus élevé de contracter tout un ensemble d’autres maladies. Les dépressions, les troubles de l’anxiété et les troubles du sommeil étaient les affections les plus souvent observées, suivies des ulcères de l’estomac, des saignements gastro-intestinaux, de l’épilepsie et de l’angine de poitrine.1 Un risque croissant de troubles comorbides avec l’augmentation de la fréquence des céphalées (nombre de jours de céphalées par mois) était constaté de manière explicite dans ce contexte. La version actuelle de la directive S1 sur les migraines, qui a été publiée en 2019 par la Société allemande de neurologie (DGN) et la Société allemande d’étude des migraines et des céphalées (DMKG), porte principalement sur les comorbidités psychiatriques (dépression, trouble généralisé de l’anxiété, trouble bipolaire, trouble dû au stress post-traumatique), mais aussi sur l’épilepsie et les maladies concomitantes vasculaires.2
Les mécanismes sous-jacents de ces comorbidités associées aux migraines n’ont à ce jour pas encore été établis. Les théories à ce sujet reposent notamment sur les hypothèses qu’il y a un lien de cause à effet entre la migraine et les maladies mentionnées, que des facteurs (environnementaux) d’influence semblables provoquent ces différentes affections ou que les causes génétiques de ces diverses maladies sont les mêmes.3 Le point commun entre ces différents concepts mène toutefois à la conclusion qu’une meilleure compréhension des maladies concomitantes spécifiques des migraines et autres céphalées primaires est essentielle pour améliorer les stratégies thérapeutiques et la prise en charge de la maladie. L’objectif est d’examiner dans ce qui suit les acquis obtenus jusqu’à aujourd’hui en se concentrant sur les instructions indiquant les mesures à mettre en place dans la pratique clinique pour prendre en charge les comorbidités somatiques.
Particularités du traitement et de la prise en charge prophylactique en présence d’altération de la fonction rénale
Weng SC et al. ont relevé une incidence plus élevée d’insuffisance rénale chronique dans le cadre d’une étude de cohorte de population réalisée à Taïwan (groupe migraine n=7156, groupe témoin n=7156) chez des patients souffrant de migraines.4 Le risque de trouble chronique de la fonction rénale était plus élevé chez les patients âgés de moins de 40 ans et en présence d’autres maladies concomitantes, telles qu’une hypertension artérielle, un diabète, des antécédents d’infarctus cérébral et en l’absence de traitement antimigraineux.4
L’utilisation à long terme de hautes doses d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) compte principalement parmi les origines d’une éventuelle atteinte aiguë ou chronique des cellules rénales dans le cadre des céphalées.5 La mesure la plus importante du traitement aigu des patients souffrant de céphalées présentant une altération de la fonction rénale consiste donc à éviter les AINS (Fig. 1).
Fig. 1: Particularités du traitement aigu de la migraine en présence d’une altération de la fonction rénale5–7
Il est actuellement possible de choisir parmi une palette importante de médicaments efficaces et souvent bien tolérés pour la prise en charge prophylactique de la migraine. En présence d’une altération de la fonction rénale, il y a toutefois dans ce contexte également quelques particularités. La dose quotidienne usuelle d’amitriptyline, un antidépresseur qui a fait ses preuves depuis longtemps, doit être réduite de moitié, car elle peut entraîner de manière accrue, en particulier en cas d’altération sévère de la fonction rénale des effets secondaires anticholinergiques, tels que rétention urinaire, hypotension artérielle ou somnolence. Une diminution de la dose de bisoprolol et de topiramate est aussi à envisager.
Les bêtabloquants métoprolol et propanolol, mais aussi l’antagoniste calcique flunarizine, peuvent être utilisés dans le traitement prophylactique de la migraine en présence d’une insuffisance rénale légère à modérée sans qu’une réduction posologique ne soit nécessaire. Une adaptation de la dose des nouveaux anticorps ciblant de manière spécifique le neuropeptide CGRP («calcitonine gene-related peptide») qui a un effet déclencheur de crise de migraine (galcanézumab, frémanézumab) et ciblant le récepteur du CGRP (érénumab), n’est pas non plus requise. L’injection d’onabotulinumtoxine A en cas de migraine chronique associée à un trouble concomitant de la fonction rénale est une autre option thérapeutique pour le traitement prophylactique.
Particularités du traitement et de la prise en charge prophylactique en présence d’altération de la fonction hépatique
Des comorbidités associées à une altération de la fonction hépatique sont fréquentes, principalement chez les patients âgés souffrant de céphalées primaires. Les AINS et les triptans peuvent être utilisés en toute sécurité lors des crises de douleurs aiguës; en revanche, le paracétamol doit être évité en raison de son potentiel d’hépatotoxicité aiguë.
Un risque accru n’a jusqu’ici pas été mis en évidence avec les substances plus récentes que sont le rimégépant et l’ubrogépant (qui ne sont pas encore autorisées en Suisse); néanmoins, il faut prendre en considération les interactions médicamenteuses potentielles en raison de la forte induction du CYP3A4 des gépants. Les autres médicaments qui sont métabolisés par le cytochrome P450 et induisent le CYP3A4, tels que les barbituriques, la phénytoïne ou la rifampicine, ne doivent par conséquent pas être utilisés en concomitance avec le rimégépant ou l’ubrogépant.8
Les médicaments de choix pour la prise en charge prophylactique de la migraine en cas de troubles de la fonction hépatique sont le topiramate, l’onabotulinumtoxine A (en cas de migraine chronique), mais aussi les anticorps dirigés contre le CGRP et contre son récepteur, à savoir l’érénumab, le galcanézumab et le frémanézumab. Le valproate est contre-indiqué, car il peut conduire via divers mécanismes pathogènes à une atteinte hépatocellulaire aiguë ou chronique ayant des séquelles graves (pouvant aller jusqu’au décès).
Le site Internet américain https://livertox.nih.gov fournit des informations basées sur des preuves pour presque tous les médicaments courants en ce qui concerne leur risque pour une atteinte hépatocellulaire.
Particularités du traitement en présence de maladies gastro-intestinales
Les troubles autonomes, tels que les nausées, les vomissements et le ralentissement de la vidange gastrique comptent parmi les symptômes centraux survenant lors des crises aiguës de migraine (y compris les phases prodromiques et postdromiques). Le fait avéré que les troubles gastro-intestinaux surviennent beaucoup plus fréquemment chez les personnes souffrant de céphalées, ceci toutefois également à intervalles et indépendamment des céphalées, a seulement été pris en considération dans les travaux scientifiques lors des dernières années.9 Des incidences plus élevées de comorbidités en présence de migraine et autres céphalées primaires ont été mises en évidence dans presque tous les segments du système digestif. Les patients souffrant de céphalées présentent un risque élevé de parodontose, de reflux gastro-œsophagien, de dyspepsie, d’ulcères du tractus gastro-intestinal supérieur, y compris l’infection à Helicobacter pylori, de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, de stéatohépatite non alcoolique, de syndrome du côlon irritable et de maladie cœliaque.3
Bien que les mécanismes physiopathologiques exacts ne soient pas encore élucidés de manière définitive, il semble y avoir de nombreux recoupements et points communs dans la genèse des maladies migraineuses et gastro-intestinales. Ces mécanismes comprennent principalement un déséquilibre du microbiome, une prédominance des cytokines pro-inflammatoires et l’implication du système nerveux entérique et autonome. Ces connaissances sur l’axe intestin-cerveau («gut-brain axis») permettent déjà d’en tirer les premières conséquences pour le traitement médicamenteux.3,10
D’une part, en l’absence de réponse aux médicaments oraux, il faut songer précocement à d’autres modes d’administration (nasale, sous-cutanée). D’autre part, des approches diététiques peuvent éventuellement avoir un impact positif sur la sévérité et la fréquence des crises de céphalées (voir aussi mesures non thérapeutiques).
Une utilisation des AINS et du métamizole (médicaments analgésiques) n’est pas recommandée lors de la phase aiguë en cas de comorbidités gastro-intestinales diagnostiquées associées à un risque élevé d’ulcères et de saignements gastro-intestinaux. En revanche, le paracétamol et les triptans sont mieux adaptés.11
Concernant la prise en charge prophylactique de la migraine, également en présence d’affections gastro-intestinales préexistantes, on peut choisir parmi une large palette de médicaments, à savoir le métoprolol, le propanolol, la flunarizine, le valproate et le topiramate qui sont considérés comme étant sûrs. L’amitriptyline est aussi souvent utilisée, mais elle peut toutefois conduire à des difficultés chez certains patients en raison des effets secondaires indésirables, tels que la prise de poids, la constipation et la sécheresse buccale.3
Quelles mesures non médicamenteuses pouvons-nous recommander à nos patients?
Le recours à des mesures non médicamenteuses est une composante du traitement et de la prise en charge prophylactique des céphalées primaires à ne pas négliger, en particulier en présence de comorbidités. Lors de la crise aiguë, l’utilisation thérapeutique du froid (par exemple, l’application sur le front de sacs de glace ou autres éléments ayant un effet rafraîchissant), l’atténuation des stimuli lumineux grâce au port de lunettes de soleil ou le massage de certains points de pression au niveau du visage et du cou ont fait leurs preuves. En outre, la friction des tempes avec des huiles essentielles (telles que l’huile essentielle de menthe) apporte un soulagement à certains patients lors des crises de douleurs aiguës. Il y a des recommandations basées sur des données probantes concernant les mesures non médicamenteuses pour la prise en charge prophylactique des crises de douleurs dans le contexte de la migraine (Tab. 1).2
Tab. 1: Recommandations non médicamenteuses pour la prévention des crises de douleurs et pour obtenir des effets positifs sur les comorbidités dans le cadre de la migraine
Résumé
Le risque de comorbidités est élevé chez les patients souffrant de céphalées primaires, en particulier lorsqu’elles sont associées à des migraines. Le choix des médicaments doit être effectué individuellement en fonction des maladies préexistantes et concomitantes. Il faut prendre en compte les troubles de la fonction rénale et hépatique, mais également les maladies gastro-intestinales lors du traitement des crises aiguës et de la prise en charge médicamenteuse prophylactique. Les options non médicamenteuses peuvent être une alternative utile pour le traitement et la prise en charge prophylactique et doivent être prises en considération, notamment en présence de comorbidités.
Le traitement de la migraine doit toujours se baser sur une approche multidisciplinaire qui tient compte aussi bien de l’identification de facteurs de risque d’autres maladies que du traitement concomitant des comorbidités.
Littérature:
1 Buse DC et al.: Comorbid and co-occurring conditions in migraine and associated risk of increasing headache pain intensity and headache frequency: results of the migraine in America symptoms and treatment (MAST) study. J Headache Pain 2020; 21: 23 2 Diener HC et al.: Therapie der Migräneattacke und Prophylaxe der Migräne, S1-Leitlinie 2018. Leitlinien für Diagnostik und Therapie in der Neurologie. https://www.dmkg.de/files/dmkg.de/Empfehlungen/030057_LL_Migra%CC%88ne_2018.pdf , zuletzt aufgerufen am 10.11.2021 3 Altamura C et al.: Pathophysiological bases of comorbidity in migraine. Front Hum Neurosci 2021; 15: 640574 4 Weng SC et al.: Migraine and subsequent chronic kidney disease risk: a nationwide population-based cohort study. BMJ Open 2017; 7: e018483 5 Bindu S et al.: Non-steroidal anti-inflammatory drugs (NSAIDs) and organ damage: a current perspective. Biochem Pharmacol 2020; 180: 114147 6 Hassan K et al.: Acute kidney injury associated with metamizole sodium ingestion. Ren Fail 2011; 33: 544-7 7 Nelson DA et al.: Association of nonsteroidal anti-inflammatory drug prescriptions with kidney disease among active young and middle-aged adults. JAMA Netw Open 2019; 2: e187896 8 Soni PP et al.: Recent advances in the management of migraine in older patients. Drugs Aging 2020; 37: 463-8 9 Aurora SK et al.: A link between gastrointestinal disorders and migraine: insights into the gut-brain connection. Headache 2021; 61: 576-89 10 Arzani M et al.: Gut-brain axis and migraine headache: a comprehensive review. J Headache Pain 2020; 21: 15 11 Tajti J et al.: Drug safety in acute migraine treatment. Expert Opin Drug Saf 2015; 14: 891-909