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Prise en charge du diabète

Lumière dans l’obscurité: le rôle des soins spécialisés dans le traitement du diabète

Ne vous est-il pas arrivé de constater avec surprise que votre patiente atteinte de diabète de type 1 présente toujours des valeurs de glycémie insatisfaisantes, même après de multiples consultations? Ou vous demandez-vous parfois si votre patient atteint de diabète de type 2 ne fait pas secrètement des écarts au schéma de traitement convenu, bien que vous ayez eu de multiples entretiens, avec lui, au sujet des mesures thérapeutiques nécessaires? C’est là que l’infirmière de conseil en diabétologie de votre équipe peut vous aider à enquêter sur le problème et à le résoudre. Je souhaiterais exposer brièvement pourquoi et comment son approche professionnelle des soins complète les compétences et les connaissances dans le traitement interprofessionnel.

Les soins professionnels s’intéressent aux conséquences de la maladie et de ses traitements pour les patients concernés.1 Selon la même approche que les spécialisations dans le secteur de la santé, les personnels soignants ont commencé, il y a longtemps, à se spécialiser en continu en fonction des différentes populations de patients, de l’accroissement des connaissances en matière de diagnostic et de thérapie, mais aussi des changements du mode de vie.2 C’est tout particulièrement le cas des soignants dans le conseil en diabétologie. Après une formation professionnelle d’infirmière et plusieurs années de pratique professionnelle, elles se sont qualifiés en tant que conseillère en diabétologie lors de formations continues certifiées, parallèlement à leur travail pratique. Dans le cadre de formations permanentes régulières, elles actualisent leurs connaissances des nouvelles options de traitement afin de pouvoir conseiller leurs patients de manière professionnelle et appropriée.

Dans ce groupe de patients également, il est non seulement important de trouver le traitement qui convient, mais aussi de s’assurer que les patients comprennent la nature de leur maladie et puissent la mettre en rapport avec le traitement afférent. De même, les individus concernés doivent développer un niveau de motivation élevé et durable pour gérer leur diabète avec un haut niveau d’adhésion au traitement. L’obtention de résultats aussi ambitieux pour les patients nécessite une collaboration interprofessionnelle. En d’autres termes, différents professionnels, tels que les médecins, les soignants, les diététiciennes et autres, s’engagent pour les mêmes objectifs pour le patient, dans un esprit de partenariat.3 Dans ce qui suit, je souhaiterais illustrer les contributions spécifiques des soins spécialisés dans le conseil en diabétologie à l’aide de trois vignettes cliniques.

Exemple de cas Monsieur A.

Chez M. A., patient de 68 ans, un diabète de type 2 a été nouvellement diagnostiqué en 2019. Il présentait un bon état de santé général, mais était en surpoids, avec une obésité de grade I. On lui a prescrit l’antidiabétique oral (ADO) biguanide (Metformin®). Cependant, son contrôle glycémique demeurait insatisfaisant, avec un HbA1c de 8,6% (ce qui correspond à une glycémie moyenne d’environ 12mmol/l). Sa valeur cible est un HbA1c d’environ 7% (ce qui correspond à une glycémie moyenne d’environ 9,6mmol/l), raison pour laquelle un inhibiteur du SGLT2 (Jardiance®) avait été ajouté à titre d’ADO supplémentaire.

La conseillère en diabétologie lui a appris à mesurer lui-même sa glycémie et, ainsi, à la surveiller. Parallèlement, elle l’a informé au sujet du nouvel ADO et s’est assurée que M. A. connaissait la raison et l’objectif du changement de thérapie, à savoir l’amélioration de ses valeurs glycémiques.

Comme convenu, M. A. s’est présenté à l’heure pour le contrôle de suivi. À sa surprise et à la nôtre, il avait, depuis l’ajout du deuxième ADO, des valeurs significativement plus élevées. Comment était-ce possible?

L’appareil de mesure était-il éventuellement défectueux? M. A. n’avait-t-il peut-être pas mesuré la glycémie correctement? Ou avait-t-il fait des erreurs en prenant l’ADO? Des changements de comportement pourraient également jouer un rôle: moins d’activité physique ou un changement dans ses habitudes alimentaires.

Fig. 1: Stockage incorrect des bandelettes de test

La conseillère en diabétologie a évalué ces sujets avec M. A., en se concentrant en particulier sur la manipulation de la mesure de la glycémie et la prise de l’ADO. En effet, des malentendus peuvent rapidement survenir, entraînant des erreurs involontaires qui contrecarrent une appréciation de l’évolution, mais aussi de la maîtrise de soi. Il s’est avéré que M. A. n’avait pas rangé les bandelettes de test dans la boîte comme il se doit, mais les avait placées en vrac dans l’étui de l’appareil de mesure (Fig. 1). En dehors de la boîte, les bandelettes de test absorbent l’humidité, ce qui entraîne inévitablement des résultats de mesure incorrects.

La conseillère en diabétologie a vérifié ces faits avec M. A. et s’est assurée qu’il avait compris le principe du rangement des bandelettes dans la boîte. Ce faisant, il a également compris que les bandelettes de test rangées incorrectement ne pouvaient plus être utilisées. L’erreur a pu être identifiée et éliminée conjointement. La preuve en a été apportée lors du contrôle suivant. Avec l’ajout de l’ADO, les valeurs de glycémie se situaient désormais pour la plupart dans la fourchette cible (Fig. 2).

Fig. 2: Valeurs de glycémie de M. A.: après que le patient avait utilisé les bandelettes de test correctement rangées dans la boîte pour mesurer la glycémie, les valeurs se sont révélées être dans la fourchette cible (B). Les valeurs mesurées précédemment, qui étaient trop élevées (A), ne sont pas exploitables étant donné que des bandelettes de test mal conservées ont été utilisées pour la mesure

Dans cette étude de cas, les éléments décisifs ont été la proximité avec le quotidien du patient et la connaissance de la manière dont le patient intègre le traitement du diabète dans sa vie quotidienne. Le conseiller ou la conseillère en diabétologie doit être capable d’établir cette proximité et les patients doivent, à leur tour, être prêts à l’admettre. Cette interaction est essentielle dans le conseil en diabétologie ainsi que dans les soins en général. Il s’agit d’aider spécifiquement les patients à accepter les conditions souvent nouvelles d’un diagnostic, de ses traitements et de leurs mécanismes d’action, et à les intégrer dans leur vie quotidienne.

Exemple de cas Madame B.

Mme B. a 65 ans. En 2018, un diabète de type 2 lui a été diagnostiqué. Avec une obésité de grade 2, elle présente un surpoids significatif. Son taux d’HbA1c étant de 8,7% en juillet 2020 (ce qui équivaut à une glycémie moyenne d’env. 12mmol/l), son traitement antidiabétique a été remplacé par une insuline à action rapide. Elle est capable de s’auto-administrer cette insuline avec un stylo à insuline à chaque repas principal. Au cours de la consultation en diabétologie, Mme B. s’est montrée non seulement très désireuse d’apprendre, mais aussi extrêmement habile dans le maniement du stylo. Cependant, malgré le passage à l’insulinothérapie et l’augmentation subséquente de sa dose, ses valeurs de glycémie ne s’amélioraient pas. Elles restaient stables entre 10 et 16mmol/l. Une valeur d’HbA1c d’environ 7%, correspondant à un glucose moyen d’environ 9,6mmol/l, serait souhaitable également pour Mme B. Les valeurs mesurées posaient question. Mme B. n’était-elle pas aussi familiarisée au maniement du stylo qu’elle aurait dû l’être? Ou interprétait-elle mal le schéma de dosage? Bien entendu, il était aussi possible qu’elle ait changé ses habitudes alimentaires. De même, une infection, éventuellement silencieuse, pouvait être à l’origine des valeurs de glycémie trop élevées.

Fig. 3: Stylo à insuline avec aiguille vissée et plaque de plastique tombée dans le corps

La conseillère en diabétologie a évalué ces questions avec Mme B. Laquelle a été capable de lui décrire parfaitement la technique d’injection et a également compris le schéma posologique. Mais lors de l’inspection du stylo jetable, il s’est avéré qu’il ne fonctionnait pas bien. En raison du transport avec l’aiguille du stylo fixée, la plaque de plastique s’était détachée de la tige filetée et avait glissé sur le côté (Fig. 3). Ce qui entraînait un retard important dans l’administration de l’insuline, laquelle était donc insuffisante.

À partir de ce moment-là, Mme B. a positionné la canule seulement pour l’injection avant d’utiliser le stylo. Par la suite, ses valeurs de glycémie se sont situées dans la plage thérapeutique entre 5 et 10mmol/l.

La conseillère en diabétologie avait évalué avec précision les compétences de la patiente. Mme B. avait compris à la fois la technique de manipulation et l’application du schéma posologique et était capable de les mettre en œuvre correctement. Cependant, la cause se dissimulait dans une étape intermédiaire de la manipulation du stylo jetable, que la conseillère en diabétologie a découverte en collaboration avec Mme B.

Les traitements contre le diabète peuvent constituer un défi complexe pour les patients. L’élément crucial de cet exemple de cas a été l’examen méticuleux, étape par étape, de toutes les étapes avec la patiente afin de déterminer exactement où il pourrait y avoir une rupture dans la chaîne de compréhension et d’action et ses liens dans le cadre du traitement du diabète.

Exemple de cas Monsieur C.

M. C. est un homme de 47 ans. Son diabète de type 1 a été diagnostiqué en 2012. Son HbA1c était de 6,5% en février 2020, soit dans la fourchette cible thérapeutique (correspondant à un glucose moyen d’environ 8,6mmol/l). M. C. s’est inscrit spontanément à une consultation de diabétologie, ayant remarqué des valeurs de glycémie anormalement élevées qu’il n’arrivait pas à améliorer même avec des administrations d’insuline correctrice. Il utilisait pour ce faire un stylo réutilisable. Ses valeurs mesurées actuelles se situaient entre 13 et 20mmol/l. M. C. et moi-même nous demandions comment expliquer et corriger cette évolution.

Il était tout à fait possible que l’insuline avait été mal conservée et était sans effet. Bien qu’il ait jusqu’alors géré son traitement antidiabétique en toute autonomie, une erreur avait pu se glisser lors de l’injection d’insuline. Mais dans son cas également, une maladie ou une infection avait pu influencer la glycémie. Un nouveau traitement par corticostéroïdes était également possible. Et, bien entendu, des changements dans les habitudes alimentaires pouvaient en être la cause.

M. C. était extrêmement bien au courant de la gestion du diabète de type 1 et de son traitement. C’est ce qui est très rapidement ressorti de la consultation en diabétologie. Ainsi, certaines causes potentielles de son taux de glycémie élevé ont pu être exclues à un stade précoce. Après avoir vérifié sa technique d’injection et, en lien avec celle-ci, le stylo à insuline, nous avons trouvé ce que nous cherchions: deux fissures capillaires sont apparues dans le boîtier en verre de la cartouche du stylo, à peine visibles à l’œil nu (Fig. 4). M. C. a expliqué que le stylo lui avait glissé des mains, une fois, et était tombé à terre. Les fissures qui en ont résulté laissaient l’insuline s’échapper par le côté, après l’administration du bolus, lorsqu’on appuyait sur le bouton de dosage, ce qui explique qu’aucune insuline, ou seulement une fraction de celle-ci, était administrée par la canule. M. C. était étonné de ne pas avoir remarqué lui-même le défaut et la fonction déficiente.

Fig. 4: Stylo à insuline réutilisable (en haut) avec deux fissures capillaires dans la cartouche (en bas)

Cet exemple de cas montre également clairement que la proximité du patient et du quotidien est essentielle. Elle permet à la conseillère en diabétologie de faire la lumière sur des résultats insuffisants de la thérapie dans le traitement du diabète.

Erreurs fréquentes

Ces trois exemples sont tirés de mon travail de conseillère en diabétologie. Au fil des ans, j’ai dressé un «hit-parade» des causes les plus fréquentes qui peuvent contribuer, sans que l’on s’en aperçoive, à des résultats inadéquats dans le traitement du diabète. Il s’agit souvent d’erreurs lors de l’injection d’insuline, mais non moins fréquemment d’erreurs lors de la mesure de la glycémie.

Erreurs les plus fréquentes lors de l’injection d’insuline
  • Lipodystrophies: injections dans une petite zone/aiguille utilisée trop fréquemment → l’injection dans une lipodystrophie se traduit par un effet imprévisible

  • Pas d’«échantillon de passage» de 1 à 2 unités avant de régler le dosage souhaité → éventuellement sous-dosage en insuline

  • Insuline mal conservée, à une température supérieure à 30°C ou inférieure à 0°C

  • Stylo à insuline: erreur de manipulation: «tourner les unités en sens inverse» → pas d’administration d’insuline

  • Mélange insuffisant des insulines NPH

  • Intervalle incorrect entre injection et repas

  • Confusion de l’insuline

Erreurs les plus fréquentes dans les tests de glycémie
  • Mains non lavées → résultats faussement élevés en raison d’«ajouts de sucres»

  • Désinfection de la peau à l’alcool

  • Doigts humides → dilution → résultats faussement faibles

  • Forte pression ou écrasement du bout du doigt → liquide tissulaire!

  • Utilisation de capteurs (bandelettes de test) après la date de péremption → diminution de l’activité enzymatique

  • Mauvais stockage des capteurs: emballage laissé ouvert/bandelettes de test transportées individuellement → l’humidité entraîne une dégradation des enzymes dans le capteur/la bandelette de test; des températures élevées lors du stockage des capteurs ont un effet analogue

  • Mains enduites de crème → le film de crème peut fausser le résultat de la mesure

  • Codage incorrect → la plupart du temps sans pertinence aujourd’hui

  • Appareils de mesure en mmol/l ou mg/dl!

Conclusions

Les champs d’activité du conseil en diabétologie sont extrêmement passionnants, intéressants, complexes et gratifiants. L’objectif déclaré de ce champ d’activité pratique est de responsabiliser les patients et de les soutenir dans la prise en charge de leur maladie, de manière à ce qu’ils puissent influencer eux-mêmes leur maladie en fonction de leurs objectifs. Pour ce faire, les conseillères et conseillers en diabétologie doivent absolument disposer de connaissances actuelles des thérapies spécifiques au diabète, telles que le traitement par ADO, l’injection d’insuline, la mesure de la glycémie, le traitement par pompe à insuline* et les systèmes de CGM/FGM**. De surcroît, ils doivent posséder des compétences en matière d’éducation des patients. Les vignettes cliniques décrites ne mentionnent pas le manque de motivation ou même les craintes des patients, qui peuvent pourtant souvent faire obstacle à une prise en charge efficace du diabète. C’est là que, dans mon expérience pratique, l’«entretien de motivation» a fait ses preuves. Grâce à cette technique d’entretien, ces obstacles peuvent être identifiés et éliminés à un stade précoce.4

Si les thérapies de prise en charge du diabète sont standardisées, les patients eux-mêmes ne le sont pas. Il faut de l’enthousiasme et du courage pour s’adapter à l’individualité de chaque patient.

Les soins interviennent au contact du quotidien des patients et sont donc rapidement aux points critiques où les patients doivent adapter leur vie quotidienne en raison de la maladie et du traitement, afin de garantir durablement leurs objectifs en matière de santé, tels que des valeurs glycémiques stables ou une administration sans complications de l’insuline. Les conseillers et conseillères en diabétologie doivent donc évaluer, avec les patients, la meilleure façon d’atteindre ces objectifs dans le cadre d’un traitement interprofessionnel. Ainsi, les contributions spécifiques aux soins des conseillers en diabétologie complètent et coordonnent l’approche interprofessionnelle pour obtenir les meilleurs résultats pour les patients.


* Dans le traitement par pompe à insuline, l’insuline est administrée en continu par voie sous-cutanée au moyen d’une canule en acier ou en Téflon (avec ou sans tube de cathéter). L’insuline pré-prandiale est administrée selon les besoins par simple pression sur un bouton.

** Le capteur de glucose (CGM/FGM) mesure en permanence la concentration de glucose dans le tissu sous-cutané (liquide tissulaire) et détermine une valeur toutes les 5 minutes. Cette mesure permet de mieux adapter le traitement en cas de diabète et de déterminer facilement (scannage ou affichage automatique sur l’application ou le lecteur) le taux de glucose pour les personnes concernées.

Merci:

Je remercie le Dr Horst Rettke (PhD, RN) pour ses commentaires critiques lors du processus de création du manuscrit.

1 Spichiger E et al.: Professionelle Pflege – Entwicklung und Inhalte einer Definition. Pflege 2006; 19: 45-51 2 Melchior-MacDougall F: Specialization in nursing: its history and its future. AARN News Lett 1992; 48: 7-8 3 D’Amour D et al.: The conceptual basis for interprofessional collaboration: core concepts and theoretical frameworks. J Interprof Care 2005; 19 (Suppl 1): 116-31 4 Miller WR, Rollnick S: Motivational interviewing: Preparing people to change addictive behavior. New York: Guilford Press, 1991.

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