
Le plaisir de manger, même en cas de diabète
Compte-rendu:
Claudia Benetti
Journaliste médicale
Les patients diabétiques doivent savoir combien de glucides ils consomment. Dans la pratique générale, une collaboration interprofessionnelle avec un·e diététicien·ne est donc judicieuse. Melanie Sprenger, responsable du service de conseils nutritionnels/thérapie nutritionnelle de l’Hôpital universitaire de Zurich, a expliqué lors du cours FOMF Diabète Update Refresher ce à quoi les patient·es diabétiques doivent faire particulièrement attention dans leur alimentation.
Le plaisir de manger doit être au premier plan, même en cas de diabète sucré», a déclaré Melanie Sprenger. Les patient·es concerné·es devraient avoir à se restreindre le moins possible dans le choix des aliments et les heures des repas devraient être adaptées à leur rythme quotidien individuel. «En effet, c’est le traitement qui doit s’adapter à la patiente ou au patient et non l’inverse», a-t-elle souligné. Selon l’Association américaine du diabète (ADA), l’objectif des conseils nutritionnels est de promouvoir des habitudes alimentaires saines à long terme et au cas par cas pour les patient·es concerné·es (Tab. 1).
Tab. 1: Objectifs nutritionnels selon l’ADA 2022 (adapté selon Diabetes Care 2022; 45 [Suppl. 1]: S39-45)
Un régime alimentaire pauvre en glucides, méditerranéen, végétarien ou végétalien est approprié. Les repas doivent être bien répartis sur la journée et se composer de beaucoup de légumes et de produits à base de céréales complètes, mais de peu d’aliments transformés ou de sucreries. La quantité de glucides consommée doit être réduite. «En cas de maladies concomitantes, telles que des troubles alimentaires et un cancer, il ne faut pas non plus trop réduire leur consommation», précise M.Sprenger.
Il est important que les lipides consommés soient de bons lipides. Le sel, l’alcool et les édulcorants doivent uniquement être consommés avec modération. Il est recommandé de prendre trois, voire deux repas principaux, composés chacun de trois éléments. «Si l’on vise une perte de poids, le repas doit être composé pour moitié de légumes et de salade, pour un quart d’aliments riches en protéines et pour un quart d’aliments riches en amidon», a expliqué la spécialiste en présentant le modèle d’assiette. Un «quart d’assiette» correspond à peu près à la taille d’un poing ou d’une paume de main. Il convient d’éviter les boissons sucrées, les jus de fruits et les collations (snack). Pour prévenir le diabète en cas de surcharge pondérale/d’obésité, il est recommandé de perdre 7% du poids initial et de pratiquer 150 minutes d’activité physique par semaine (p.ex. marche rapide).
Les indications pour une consultation diététique sont présentées dans le tableau 2. En cas de diabète, cette consultation est remboursée par l’assurance obligatoire des soins si elle est réalisée par un·e professionnel·le de la santé reconnu par l’Association suisse des diététicien·nes (ASDD) et prescrite au moyen d’un formulaire de prescription reconnu (p.ex. par l’ASDD).
Pour les glucides, c’est la quantité totale qui est décisive
«Une formation sur les glucides est nécessaire pour chaque type de diabète», a déclaré M. Sprenger. En effet, les patient·es concerné·es doivent absolument savoir quels aliments contiennent combien de glucides et à quelle vitesse les mono-, di- et polysaccharides passent dans le sang. «Pour les glucides, c’est toujours la quantité totale consommée qui est décisive», a déclaré la spécialiste. La glycémie ne donne aucune indication sur l’origine du sucre, c’est-à-dire s’il provient d’une pomme, d’un morceau de chocolat ou de pâtes.
Les patient·es atteint·es de diabète de type 2 (DT2) sans insulinothérapie doivent éviter de prendre des collations, en particulier s’ils cherchent à perdre du poids. «Cela améliore aussi la perte de graisse», souligne M. Sprenger. Les repas doivent en outre être composés de sorte que les glucides passent lentement dans le sang. «Le sucre d’une pomme passe plus rapidement dans le sang que celui d’un morceau de chocolat, qui contient également des lipides», a-t-elle expliqué.
Si le repas principal est composé selon le modèle d’assiette (1/2 légumes et salade, 1/4 protéines, 1/4 glucides), le/la patient·e consomme environ 30 à 40g de glucides. La spécialiste a expliqué qu’en prenant un dessert, par exemple un aliment sucré ou un fruit, cela correspondait à un repas normal avec 50 à 60g de glucides, de sorte que la même quantité d’insuline était toujours nécessaire.
Particularités du diabète gestationnel
En cas de diabète gestationnel, les conseils nutritionnels sont relativement les mêmes que pour les femmes non enceintes atteintes de DT2. Il est toutefois déconseillé aux futures mères de prendre un petit-déjeuner trop copieux en raison du pic matinal des hormones de grossesse. Contrairement aux femmes non enceintes atteintes de DT2, elles peuvent en revanche prendre une collation pauvre en glucides à deux heures d’intervalle du repas principal. Une collation tardive est également possible. «Les femmes enceintes diabétiques ne doivent pas trop réduire la quantité de glucides consommée, car cela peut être dangereux pour l’enfant», a déclaré M. Sprenger. Elles doivent cependant faire attention à leur apport en protéines.
Insulinothérapie selon le schéma basal-bolus
En cas de traitement basal-bolus, la quantité de glucides consommée par repas doit être fixe. Dans le cas contraire, les patient·es concerné·es doivent être aptes à déterminer correctement la quantité d’insuline nécessaire en fonction de la quantité de glucides consommée. Même avec un schéma basal-bolus, les repas peuvent être composés avec modération selon le modèle d’assiette. Il faut toutefois tenir compte de l’intervalle entre l’injection et le repas. En cas d’insulinothérapie fonctionnelle ou de traitement par pompe à insuline, les patient·es concerné·es doivent en outre connaître le facteur glucidique. Une pompe à insuline dotée d’un système en boucle fermée peut compenser automatiquement les petites variations de la glycémie dues à 10 à 20g de glucides (p.ex. en raison de petites erreurs de calcul ou d’un petit morceau de chocolat entre les repas) avec un micro-bolus.
La consommation de lipides et de protéines exige également de prendre de l’insuline, car ce sont des substrats de la néoglucogénèse. La quantité d’insuline nécessaire peut être calculée à l’aide de l’unité lipoprotéique (ULP), mais c’est compliqué. La plupart du temps, il suffit d’estimer la quantité d’insuline selon la règle générale «1UI d’insuline pour 20g de protéines ou de lipides». «Il faut toutefois tenir compte du fait que les lipides et les protéines retardent l’augmentation de la glycémie et que, par conséquent, l’insuline pour les ULP calculées ne doit pas être administrée en même temps que celle pour les glucides, mais en décalé», explique l’experte.
La sconseillère en diabétologie mène l’enquête
Outre les conseils nutritionnels, le recours à un conseiller ou une conseillère en diabétologie aide les patient·es diabétiques dans la gestion de leur maladie au quotidien. Il/elle les instruit, les conseille, les accompagne, les motive et mène parfois même l’enquête, comme l’a démontré Ruth Hirschmann, responsable du service de conseil en diabétologie à l’Hôpital universitaire de Zurich, à l’aide de quelques exemples de cas.
Cas n°1: Glycémie soudainement trop élevée
Monsieur G. (47 ans, diabète de type 1 depuis 2009, insulinothérapie selon le schéma basal-bolus) se présente en dehors des heures de rendez-vous, parce que sa glycémie est soudainement nettement trop élevée et ne s’améliore pas avec l’insuline de correction. Une erreur d’injection, une infection et un traitement par des glucocorticoïdes ont été exclus comme causes.
En pratique, le patient et la conseillère en diabétologie inspectent deux stylos que le patient a apportés à la consultation. Ils essayent de purger une petite quantité d’insuline de 5 à 6UI. L’insuline sort à peine à la pointe de l’aiguille, c’est pourquoi ils démontent le stylo. Ils découvrent une petite fissure dans le boîtier en verre de la cartouche Penfill, d’où s’échappe de l’insuline. La cartouche défectueuse se révèle finalement être la cause de l’augmentation soudaine de la glycémie. Le patient se souvient qu’il a effectivement laissé tomber le stylo quelques jours avant la première mesure trop élevée. Pour exclure un défaut du stylo, il faut toujours effectuer un test avant d’injecter l’insuline. «Les patient·es doivent purger 1 à 2UI d’insuline par l’aiguille avant chaque injection. Si deux ou trois gouttelettes sont visibles à la pointe de l’aiguille, le stylo fonctionne correctement», a déclaré R. Hirschmann.
Cas n°2: Grande variabilité
Lors d’un rendez-vous de contrôle, monsieur W. (44 ans, diabète de type 1 depuis 2003, insulinothérapie selon le schéma basal-bolus, utilise un stylo avec une aiguille de 8mm de long) montre l’évaluation de ses tests de glycémie, qui présente une grande variabilité avec des valeurs très basses et très élevées ainsi qu’une bonne moyenne (HbA1c: 6,5%). On ne constate aucune multiplication des pics à des heures précises de la journée. Le patient a une bonne connaissance des glucides et a une activité physique suffisante.
Monsieur W. effectue deux à trois tests de glycémie par jour. Pour garantir un bon contrôle de la glycémie, il faut toutefois effectuer au moins quatre tests par jour. Monsieur W. avoue trouver les fréquentes hypoglycémies de niveau 1 embêtantes et avoir du mal à mesurer sa glycémie. L’enquête révèle que le patient s’injecte toujours de l’insuline au même endroit et utilise chaque aiguille de stylo pendant deux à trois jours. Chez monsieur W., l’injection d’insuline réalisée toujours au même endroit est la cause principale des grandes variations de la glycémie. Il est donc recommandé au patient d’injecter l’insuline rapide dans l’abdomen et l’insuline retard dans la jambe, en choisissant à chaque fois un point d’injection à 1–2cm du précédent. À l’avenir, il doit utiliser chaque aiguille une seule fois seulement. La longueur de l’aiguille, dont les données indiquent qu’elle n’a aucune influence sur l’absorption de l’insuline, sera réduite de 8mm à 4mm. Comme la mesure de la glycémie lui pose problème, il reçoit un système de capteurs pour la mesure de la glycémie en continu et, plus tard, un traitement par pompe à insuline assisté par capteurs, avec lequel il s’en sort bien.
Cas n°3: Confusion entre les insulines
Monsieur I. (50 ans, diabète de type 1 depuis 2009, insulinothérapie selon le schéma basal-bolus, HbA1c: 5,7%) est très sportif et s’injecte trois insulines différentes: les deux insulines basales dégludec (22UI le matin) et détémir (2 à 5UI le soir, en fonction de l’activité physique) ainsi que, selon le facteur glucidique, l’insuline aspart rapide au moment des repas.
Pendant les vacances, monsieur I. se trompe d’insuline et s’injecte 20UI d’insuline détémir au lieu de 20UI d’insuline aspart au dîner. Après avoir consulté sa conseillère en diabétologie par téléphone, il est apte à bien gérer lui-même la situation en surveillant de près sa glycémie. Au début, il doit encore s’injecter un peu d’insuline rapide en raison d’une augmentation de la glycémie postprandiale; plus tard et même pendant la nuit, il corrige encore trois fois sa glycémie par un apport de glucides sans insuline.
Source:
FOMF Diabetes Update Refresher, du 3 au 5 novembre 2022, Zurich
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