
Glomérulonéphrite après la vaccination contre le Covid-19: causalité ou coïncidence?
Auteurs:
Dr méd. Matthias Diebold1
PD Dr méd. Andreas D. Kistler2
1 Klink für Transplantationsimmunologie und Nephrologie
Universitätsspital Basel
2 Chefarzt Innere Medizin
Kantonsspital Frauenfeld
Correspondance:
E-mail: matthias.diebold@usb.ch
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Les vaccins à ARNm contre le SARS-CoV-2 ont été développés très rapidement et leur homologation a été accélérée. Si aucun effet indésirable grave n’a été observé dans les études pivot, plusieurs effets indésirables rares potentiels ont été signalés après l’autorisation de mise sur le marché, y compris de nombreux cas de glomérulonéphrite. Mais peut-on conclure à une relation de cause à effet à partir d’un lien temporel dans certains cas?
Keypoints
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La vaccination à ARNm est globalement sûre en ce qui concerne les effets secondaires rénaux.
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De nombreux cas de glomérulonéphrite ayant un lien temporel avec la vaccination contre le SARS-CoV-2 ont été rapportés, mais un risque accru de glomérulonéphrite de novo après la vaccination a maintenant été largement exclu.
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Des données montrent que la vaccination pourrait provoquer une récidive de glomérulonéphrite, bien que ces récidives sont très rares et généralement autolimitées.
Par son ampleur, la pandémie de Covid-19 a représenté un défi sans précédent pour la population et les services de santé. Le développement et le lancement rapides des vaccins à ARNm de Pfizer/BioNTech (BNT162b2) et de Moderna (ARNm-1273), autorisés en Suisse en décembre 2020 et janvier 2021, respectivement, constituent une grande réussite médicale. Les deux vaccins ont préalablement fait l’objet d’études randomisées de grande envergure et ont montré un bon profil d’innocuité.1,2 Cependant, après le lancement d’une campagne mondiale de vaccination en 2021, une augmentation des compte-rendus d’événements indésirables ayant un lien temporel avec la vaccination (tant avec les vaccins à ARNm qu’avec les autres) a été observée.
Notamment, des cas de thrombose ont été observés très tôt après le lancement. Il sont survenus exclusivement en lien avec les vaccins à base de vecteurs adénoviraux ChadOx1 nCoV-19/AZD1222 d’AstraZeneca et Ad26.COV2.S de Janssen.3 L’explication physiopathologique a pu être trouvée dans les anticorps dirigés contre l’antigène PF4 («platelet factor 4»).
Dans certains cas, la survenue de myocardite et de péricardite a été rapportée. Ces observations ponctuelles d’un lien temporel ont ensuite été confirmées par des études épidémiologiques de grande envergure. Le risque de myocardite est moins élevé après une vaccination qu’après une maladie Covid-19.4,5
De nombreux cas de maladies neuro-immunologiques (syndrome de Guillain-Barré, paralysie faciale, encéphalomyélite et myélite transverse) ont également été rapportés. Une analyse de population portant sur 4 millions de personnes n’a cependant pas permis de constater une augmentation de l’incidence de ces maladies après la vaccination, mais plutôt un risque accru après une maladie de Covid-19.6
Parmi les autres effets secondaires immunologiques possibles, plusieurs cas de glomérulonéphrite ayant un lien temporel avec la vaccination contre le SARS-CoV-2 ont été signalés dans les publications médicales. De nombreux rapports de cas et quelques séries de cas ont décrit des cas nouveaux (de novo) et des récidives de néphropathie à IgA (NIgA), de néphropathie à lésions glomérulaires minimes (LGM), de glomérulosclérose segmentaire focale (GSF), de néphropathie membranaire (NM), de glomérulonéphrite nécrosante pauci-immune (GNPI; manifestation rénale de vascularites à ANCA) et de néphrite lupique.7,8
Le lien temporel entre la vaccination et la glomérulonéphrite n’est pas un sujet nouveau. Par exemple, des cas de syndrome néphrotique ont été décrits chez des enfants après la vaccination contre la grippe ou le HPV,9–11 et quelques cas de vascularite après la vaccination contre la grippe.12 Mais peut-on conclure à une causalité à partir d’un lien temporel?
De l’association à la causalité
Les rapports cliniques et les séries de cas permettent à la communauté scientifique de faire état d’associations et de maladies jusque-là inhabituelles. Les rapports de cas, en particulier, peuvent aider à mettre en évidence des associations rares, comme dans le cas discuté, par exemple, des effets secondaires rares de vaccins ou de médicaments en général. Cependant, les rapports de cas sont associés à un risque de biais post hoc ergo propter hoc et de biais de publication, ce qui a assurément été le cas plus souvent pendant la pandémie de Covid-19. Mais quand et comment peut-on conclure à la causalité à partir d’une association?
En 1965, Sir Austin Bradford Hill a proposé neuf critères qui peuvent aider à déterminer si une association a un lien de causalité.13 Outre la dépendance temporelle (l’exposition précède la maladie), il devrait y avoir, entre autres, une plausibilité biologique. Il convient donc d’examiner si l’association peut être expliquée par la physiopathologie. On sait déjà que les glomérulonéphrites peuvent être déclenchées par une infection virale. Un processus similaire pourrait être responsable de leur apparition après la vaccination contre le SARS-CoV-2. On a spéculé, entre autres, sur une réponse rapide des lymphocytes T à l’ARNm inconnu, suivie de la production de cytokines et d’une production stimulante de lymphocytes B, ce qui pourrait déclencher une glomérulonéphrite (éventuellement préexistante à l’état infraclinique) chez les patient·es prédisposé·es.7 On ne détient toutefois aucune preuve expérimentale de tels liens jusqu’à présent – contrairement aux cas de thrombose mentionnés plus haut après une vaccination contre les adénovirus.
Un autre critère est la force de l’association. Cependant, jusqu’à récemment, on ne disposait pas de chiffres épidémiologiques sur une association statistique entre la vaccination et les glomérulonéphrites, mais uniquement de liens temporels dans des cas isolés. Le nombre élevé de vaccins administrés pourrait également avoir entraîné à plusieurs reprises un lien temporel fortuit. Un exemple de calcul permet de l’illustrer de façon idéale. En Suisse, 1,3 million de doses de vaccin contre le Covid-19 ont été administrées par million d’adultes entre janvier et août 2021. On peut donc calculer qu’à chaque moment de cette période, environ 15% de la population en moyenne avait reçu une dose de vaccin au cours des quatre semaines précédentes. Autrement dit, sur l’ensemble des personnes ayant contracté une nouvelle maladie au cours de cette période, 15% en moyenne avaient reçu un vaccin au cours des quatre semaines précédentes (voire davantage au plus fort de la campagne de vaccination). Ou, inversement, la vascularite à ANCA, par exemple, a une incidence comprise entre 10 et 20 cas par million d’habitants et par année, soit environ un nouveau cas par mois et par million d’habitants.14 Par conséquent, et de manière complètement aléatoire, pour un million de personnes vaccinées, au moins une personne développera une vascularite à ANCA dans le mois suivant la vaccination. L’incidence étant plus élevée chez les personnes âgées et ces personnes étant plus susceptibles d’avoir été vaccinées, on pourrait s’attendre à un nombre encore plus important de cas survenant aléatoirement peu après une vaccination.
Étude sur l’incidence des glomérulonéphrites après la vaccination contre le SARS-CoV-2
Dans le cadre d’une étude menée en Suisse, nous avons cherché à savoir si la vaccination à ARNm contre le SARS-CoV-2 augmentait réellement l’incidence des glomérulonéphrites ou si le lien temporel chez certains patient·es pourrait également s’expliquer par une simple coïncidence.15
Méthodologie
Pour répondre à cette question, nous avons suivi deux approches méthodologiques. Dans une première analyse rétrospective, nous avons comparé l’incidence réelle de NIgA, de GNPI, de LGM et de NM en Suisse pendant la campagne de vaccination de janvier 2021 à août 2021 avec l’incidence attendue. Nous avons calculé cette dernière sur la base des données de 2015 à 2019 à l’aide d’un modèle bayésien de régression de Poisson. À cet effet, tous les centres de pathologie suisses qui examinent des biopsies rénales nous ont fourni des données sur la date de la biopsie, l’âge, le sexe et le diagnostic. Dans une deuxième partie de l’étude, nous avons interrogé les patient·es ayant reçu en 2021 un premier diagnostic d’une des glomérulonéphrites mentionnées sur leurs antécédents de vaccination et les avons comparés à la population suisse de la même catégorie d’âge à cette date. Cette méthodologie «case-cohort» nous a permis de comparer la proportion de personnes vaccinées dans les deux groupes et, le nombre total de personnes vaccinées étant publié par l’Office fédéral de la statistique pour chaque catégorie d’âge et chaque semaine, de calculer le Risk Ratio pour la survenue d’une glomérulonéphrite. Le Risk Ratio désigne le risque de développer une glomérulonéphrite après une vaccination contre le Covid-19, divisé par le risque de développer une glomérulonéphrite sans vaccination préalable contre le Covid-19.
Résultats
L’incidence de NIgA, de GNPI, de LGM et de NM en Suisse entre 2015 et 2019 était de 23,8, 11,9, 5,1 et 9,3 cas par million d’habitants et par année, respectivement. Il est intéressant de noter que l’incidence de NIgA a diminué en 2020, ce qui pourrait être une conséquence du confinement: la NIgA est souvent associée à une microhématurie et à une protéinurie asymptomatiques, qui ont peut-être été moins souvent diagnostiquées ou examinées par biopsie rénale en raison du confinement.
Bien que cela ne fasse pas partie de notre hypothèse, la baisse de l’incidence en 2020 permet de conclure qu’il est peu probable que le Covid-19 entraîne une augmentation significative des glomérulonéphrites. Finalement, en 2021, pendant la campagne de vaccination, l’incidence pour chaque mois n’était pas différente de l’incidence attendue (Fig. 1), pas plus globalement que pour les différentes formes de glomérulonéphrite. L’incidence observée en 2021 était comparable à l’incidence calculée pour chaque mois de la campagne de vaccination, pour un taux d’incidence global de 0,86 (intervalle de confiance à 95%: 0,73–1,02). Il convient également de noter que le nombre total de biopsies rénales examinées en 2021 n’était pas différent de celui des années 2015 à 2019. Nous ne pensons donc pas qu’il y ait eu un biais de détection à cette époque en raison de ressources limitées dans le secteur de la santé (contrairement à l’année 2020, pendant la première vague d’infections et le confinement; voir ci-dessus).
Fig. 1: Incidence mensuelle de tous les nouveaux cas de néphropathie à IgA, de glomérulonéphrite à lésions minimes, de néphropathie membranaire et de glomérulonéphrite nécrosante pauci-immune en 2021 pour 1 million d’habitants. La ligne rouge correspond à l’incidence réelle des glomérulonéphrites en 2021. La ligne bleue correspond à l’incidence attendue, calculée à l’aide d’un modèle bayésien de régression de Poisson à partir des données des années 2015 à 2019, la surface bleue représentant l’intervalle d’incertitude (adapté d’après Diebold et al., 2022)15
Pour la deuxième partie de l’étude, nous avons pu inclure 111 patient·es ayant reçu un diagnostic confirmé par biopsie, soit près des deux tiers de tous les patient·es ayant reçu un nouveau diagnostic de glomérulonéphrite durant cette période. Pour chacun·e de ces patient·es, 1000 contrôles de la population suisse ont été attribués à la même catégorie d’âge et au moment de la biopsie rénale. Par exemple, une personne de 54 ans ayant subi une biopsie rénale le 1er avril 2021 pour diagnostiquer une NIgA a été comparée à mille personnes âgées de 50 à 60 ans dans la population suisse. La date de référence pour le calcul du nombre de personnes vaccinées (et de la date de vaccination) était la date de la biopsie, à savoir ici le 1er avril 2021. Nous avons pu montrer que parmi les personnes ayant reçu un nouveau diagnostic de glomérulonéphrite, la proportion de personnes vaccinées était la même que dans la population normale (Fig. 2). Le Risk Ratio calculé de développer une glomérulonéphrite de novo après la vaccination était de 0,97, avec un intervalle de confiance à 95% de 0,66 à 1,42.
Fig. 2: Proportion de patient·es vacciné·es présentant une glomérulonéphrite nouvellement diagnostiquée en 2021 comparativement au groupe témoin à des intervalles de 4 semaines en fonction de la biopsie. Les barres orange correspondent au nombre de patient·es vacciné·es atteint·es de glomérulonéphrite de novo, les barres grises, au groupe témoin (adapté d’après Diebold et al., 2022)15
Dans notre population d’étude, certaines personnes ont développé une glomérulonéphrite dans les quatre semaines suivant la vaccination. Cependant, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, ces cas ayant un lien temporel peuvent tous être expliqués par un effet aléatoire. Dans une autre analyse, nous avons comparé les caractéristiques cliniques de ces patient·es avec celles de personnes ayant développé une glomérulonéphrite sans lien temporel avec une vaccination, et nous n’avons pas trouvé de différences pertinentes.
Discussion
Notre analyse à l’échelle de la Suisse a été la première étude épidémiologique au monde à examiner un lien éventuel entre la vaccination contre le SARS-CoV-2 et l’apparition de glomérulonéphrites. Nous n’avons trouvé aucun lien entre la vaccination à ARNm et le risque de glomérulonéphrite de novo. Néanmoins, en raison des faibles taux d’incidence des glomérulonéphrites, un effet très faible ne peut pas être exclu, en particulier pour la néphropathie à lésions glomérulaires minimes. Toutefois, un éventuel effet qui aurait pu échapper à la détection dans notre étude serait extrêmement faible. De même, notre étude s’est limitée aux nouveaux diagnostics de glomérulonéphrite et ne répond donc pas à la question de savoir si, en cas d’antécédents de glomérulonéphrite, le risque de récidive pourrait être accru avec la vaccination. En effet, une étude américaine a démontré une légère augmentation du risque de récidive après la deuxième dose de vaccin (mais pas après la première).16 La question de la vaccination contre le Covid-19 ou d’une dose de rappel doit bien entendu être discutée individuellement avec les patient·es, en fonction également du risque courant de Covid-19 (situation épidémiologique, statut de risque individuel). En règle générale, cependant, un risque hypothétique de glomérulonéphrite ou de récidive sera largement négligeable.
L’importance de nos travaux, au-delà du domaine des glomérulonéphrites, pourrait être plus grande encore: ils montrent que la conclusion de la causalité à partir d’un lien temporel (post hoc ergo propter hoc), généralement implicite et hâtive dans les cas individuels, ne résiste souvent pas à un examen critique.
Littérature:
1 Baden LR et al.: Efficacy and safety of the mRNA-1273 SARS-CoV-2 vaccine. N Engl J Med 2021; 384: 403-16 2 Polack FP et al.: Safety and efficacy of the BNT162b2 mRNA Covid-19 vaccine. N Engl J Med 2020; 383: 2603-15 3 Greinacher A et al.: Thrombotic thrombocytopenia after ChAdOx1 nCov-19 vaccination. N Engl J Med 2021; 384: 2092-101 4 Oster ME et al.: Myocarditis cases reported after mRNA-based COVID-19 vaccination in the US from December 2020 to August 2021. JAMA 2022; 327: 331-40 5 Barda N et al.: Safety of the BNT162b2 mRNA Covid-19 vaccine in a nationwide setting. N Engl J Med 2021; 385: 1078-90 6 Li X et al.: Association between covid-19 vaccination, SARS-CoV-2 infection, and risk of immune mediated neurological events: population based cohort and self-controlled case series analysis. BMJ 2022; 376: e068373 7 Bomback AS et al.: De novo and relapsing glomerular diseases after COVID-19 vaccination: what do we know so far? Am J Kidney Dis 2021; 78: 477-80 8 Klomjit N et al.: COVID-19 vaccination and glomerulonephritis. Kidney Int Rep 2021; 6: 2969-78 9 Gutiérrez S et al.: Minimal change disease following influenza vaccination and acute renal failure: just a coincidence? Nefrologia 2012; 32: 414-15 10 Kielstein JT et al.: Minimal change nephrotic syndrome in a 65-year-old patient following influenza vaccination. Clin Nephrol 2000; 54: 246-8 11 Arakawa H et al.: Juvenile membranous nephropathy developed after human papillomavirus (HPV) vaccination. Vaccines 2022; 10: 1442 12 Watanabe T: Vasculitis following influenza vaccination: a review of the literature. Curr Rheumatol Rev 2017; 13: 188-96 13 Hill AB: The environment and disease: association or causation? Proc R Soc Med 2018; 108: 32-7 14 Mohammad AJ: An update on the epidemiology of ANCA-associated vasculitis. Rheumatol 2020; 59: iii42-50 15 Diebold M et al.: Incidence of new onset glomerulonephritis after SARS-CoV-2 mRNA vaccination is not increased. Kidney Int 2022; 102: 1409-19 16 Canney M et al.: A population-based analysis of the risk of glomerular disease relapse after COVID-19 vaccination. J Am Soc Nephrol 2022; 33: 2247-57.
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