
Décompensation aiguë et insuffisance hépatique aiguë sur chronique
Auteurs:
Prof. Dr méd. Jonel Trebicka, PhD
Dr méd. Martin Sebastian Schulz
Universitäres Leberzentrum Frankfurt
Universitätsklinikum Frankfurt
Frankfurt am Main
E-mail: jonel.trebicka@kgu.de
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La décompensation aiguë constitue un syndrome hétérogène et un événement décisif dans l’évolution clinique d’une cirrhose hépatique. Elle peut être subdivisée en cirrhose décompensée stable ou instable, et en insuffisance hépatique pré-aiguë sur chronique (pré-ACLF). Avec l’apparition de défaillances d’organe extra- et intra-hépatique, la décompensation aiguë peut évoluer vers une «acute-on-chronic liver failure» (ACLF) marquée par une inflammation systémique sévère et une mortalité élevée à court terme.
Keypoints
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La décompensation aiguë (DA) d’une cirrhose constitue un syndrome hétérogène et est souvent causée par des événements déclencheurs typiques.
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L’inflammation systémique est le principal facteur de la progression de la DA et du développement d’une ACLF («acute-on-chronic liver failure», insuffisance hépatique aiguë sur chronique).
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L’ACLF a une prévalence élevée chez les patients hospitalisés dans le monde entier et est associée à une mortalité élevée.
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L’identification précoce et le traitement approprié des facteurs déclencheurs d’une ACLF sont déterminants pour le pronostic. Le traitement définitif de l’ACLF est la transplantation hépatique.
La cirrhose hépatique est associée à une morbidité élevée, à une perte significative d’années de vie en bonne santé et à des coûts importants pour le système de santé.1–4 La décompensation aiguë d’une cirrhose hépatique est caractérisée par l’apparition de complications typiques, telles que l’ascite, l’encéphalopathie hépatique (EH) ou les hémorragies gastro-intestinales.5 Le passage d’un stade compensé à une cirrhose décompensée implique pour les patients une réduction drastique de la durée moyenne de survie, laquelle passe de 12 à moins de 2 ans.6,7 L’évolution clinique ultérieure est souvent marquée par des événements de décompensation répétés pouvant évoluer vers une insuffisance hépatique aiguë sur chronique («acute-on-chronic liver failure», ACLF) en raison de la survenue d’une défaillance d’organe intra- ou extra-hépatique.8,9
Facteurs précipitants de la décompensation aiguë
Dans la majorité des cas, des événements déclencheurs responsables de la décompensation aiguë peuvent être identifiés, tels que des infections bactériennes, une hépatite alcoolique, des hémorragies gastro-intestinales ou une encéphalopathie toxique (Fig. 1).10 Il est intéressant de noter que ce n’est pas le type, mais plutôt le nombre d’événements déclencheurs qui est associé à une survie plus courte.10 L’identification précoce de ces événements et l’instauration d’un traitement approprié sont essentielles pour le pronostic des patients atteints de décompensation aiguë et d’ACLF. Cependant, aucun événement déclencheur ne peut être identifié dans jusqu’à 40% des cas.8
Physiopathologie
Ces dernières années, de nombreuses études ont montré que les patients atteints de décompensation aiguë et, en particulier d’ACLF, présentaient une inflammation systémique marquée.9,11–13 Cette dernière constitue un mécanisme clé dans l’évolution de la décompensation aiguë, le développement de dysfonctionnements d’organe et dans la progression vers l’ACLF, la gravité de l’inflammation systémique étant directement corrélée à la survie globale des patients.11,14 Concernant la genèse de l’inflammation systémique, l’axe hépato-intestinal a de plus en plus focalisé l’attention ces dernières années.15–17 Outre son rôle classique et traditionnel dans la physiopathologie de la cirrhose accompagnée d’une congestion pré-hépatique, de la formation d’anastomoses portocaves, de la vasodilatation du lit vasculaire splanchnique, de la réduction du volume sanguin effectif, de l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA), etc., l’hypertension portale (HTP) joue ici un autre rôle clé: celui de facteur principal de la perturbation de la fonction de barrière épithéliale intestinale médiée par l’HTP.18,19 L’augmentation de la perméabilité de la barrière intestinale entraîne la translocation sporadique et récurrente des composants du microbiote intestinal dysbiotique ainsi que des métabolites associés. Ces derniers induisent non seulement une inflammation systémique et hépatique, mais aggravent également la dysfonction endothéliale et hépatocellulaire. Ils renforcent la fibrose hépatique et donc à nouveau l’HTP.15,19
Dans le cadre de la décompensation, une inflammation systémique accrue n’entraîne pas seulement une dysfonction métabolique et mitochondriale systémique, mais contribue probablement aussi directement à des dysfonctions d’organes périphériques ainsi qu’au développement d’une ACLF dus aux effets immunopathologiques.11,20,21
Formes d’évolution clinique de la décompensation aiguë
L’étude PREDICT a montré que la décompensation aiguë n’était pas homogène, mais représentait plutôt un syndrome hétérogène qui pouvait être divisé en différentes formes d’évolution.13 Les patients hospitalisés atteints de décompensation aiguë présentent le plus souvent une cirrhose décompensée stable, caractérisée par une inflammation systémique légère, un taux de complications et une mortalité plus faibles. On peut distinguer clairement la cirrhose décompensée instable, qui est certes associée à une inflammation systémique plus sévère, mais dont les facteurs principaux de la progression sont l’hypertension portale et ses complications. Un troisième phénotype a été caractérisé de pré-ACLF chez les patients ayant développé une ACLF en l’espace de 90 jours. Ces patients présentaient déjà une inflammation systémique fortement accrue avec une progression rapide et une mortalité à court terme nettement plus élevée lors de l’hospitalisation index.13 Le développement d’outils cliniques permettant une stratification précoce du risque pour les patients atteints de décompensation aiguë constituera un défi important dans les années à venir.
L’insuffisance hépatique aiguë sur chronique (ACLF)
L’ACLF est la complication la plus grave de la décompensation aiguë. Elle constitue un syndrome hautement dynamique qui est caractérisé par une inflammation systémique marquée et une mortalité élevée à court terme.9,18 L’étude prospective pionnière CANONIC a permis de déterminer les critères du consortium EASL-CLIF (European Association for the Study of the Liver Chronic Liver Failure) pour la définition de l’ACLF.5,9 Bien qu’il n’existe aucune définition globale uniforme de l’ACLF à ce jour, le consortium américain (NACSELD) et l’association asiatique (APASL) caractérisent également l’ACLF en fonction de la défaillance d’organe concomitante et de l’inflammation systémique.
Les critères EASL-CLIF définissent l’ACLF comme suit:
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Insuffisance rénale isolée (créatinine sérique ≥2mg/dl [≥177µmol/l])
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Défaillance d’un organe associée à une dysfonction rénale (créatinine sérique 1,5–1,9mg/dl [132–168µmol/l]) et/ou encéphalopathie hépatique de grade I ou II
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Défaillance de deux ou plusieurs organes
Le tableau 1 donne un aperçu de la classification des défaillances d’organe en cas d’ACLF.
Tab. 1: Score «Chronic Liver Failure – Organ Failure»(CLIF-OF, insuffisance hépatique chronique–défaillance d’organe) modifié pour la classification des dysfonctions et des défaillances d’organe (en gras) (modifié selon EASL, 2018, et Jalan et al., 2014)5, 33
Le degré de sévérité de l’ACLF dépend à son tour du nombre d’organes défaillants (Tab. 2). Une méta-analyse épidémiologique à grande échelle a montré qu’environ un patient sur trois hospitalisé dans le monde pour une décompensation aiguë présentait déjà une ACLF selon les critères EASL-CLIF lors de son admission.22 Les cohortes européennes évaluées dans cette méta-analyse ont révélé une prévalence de l’ACLF de 39% en Europe, avec une mortalité à 90 jours de 56%.22 Des différences régionales importantes ont toutefois été observées à l’échelle mondiale en termes d’étiologies, de prévalences et de taux de mortalité.22,23 Les infections bactériennes (47%) ont constitué l’étiologie la plus fréquente en Europe, suivies de la consommation d’alcool (25%) et des hémorragies gastro-intestinales (19%).
Tab. 2: Vue d’ensemble des degrés de sévérité de l’ACLF et des taux de mortalité associés (modifié selon Arroyo et al., 2016)8
Traitement de la décompensation aiguë et de l’ACLF
Dans le cadre du traitement de la décompensation aiguë, l’accent est mis sur le traitement des complications associées à la cirrhose, telles que l’hyponatrémie, l’encéphalopathie hépatique ou les hémorragies gastro-intestinales.
Malgré les taux de mortalité élevés, il n’existe à ce jour aucun traitement spécifique pour l’ACLF.24 L’identification précoce des événements déclencheurs avec instauration d’un traitement approprié ainsi qu’un traitement de soutien et, le cas échéant, de médecine intensive des défaillances d’organe associées à l’ACLF revêtent une importance centrale dans la gestion clinique de l’ACLF.5,25
L’infection bactérienne (30–64%) est l’événement déclencheur le plus fréquent d’une ACLF.10,22,26 Il a été démontré qu’en cas d’infection bactérienne avérée et de traitement antibiotique de première ligne inapproprié dans le cas d’une ACLF, la mortalité à 90 jours augmentait de >50%. C’est pourquoi un traitement antimicrobien initial à large spectre couvrant les spectres locaux d’agents pathogènes multirésistants est fortement recommandé en cas d’ACLF.10 Jusqu’à présent, le traitement de l’hépatite alcoolique sévère se limite à l’utilisation de corticostéroïdes, bien qu’aucun effet positif sur l’évolution à long terme n’ait encore pu être démontré. L’infection par le virus de l’hépatite B, ou également la réactivation virale, qui prédomine surtout dans les pays asiatiques, peut être traitée par des antiviraux spécifiques.
Une complication fréquente de la décompensation aiguë et la défaillance d’organe la plus fréquente en cas d’ACLF est l’insuffisance rénale aiguë. Cette dernière doit être traitée par de l’albumine ainsi que de la terlipressine en l’absence de réponse à l’expansion plasmatique et si les signes cliniques d’un syndrome hépatorénal persistent conformément aux directives actuelles.5 Les formes d’évolution sévères peuvent nécessiter un traitement par dialyse. Dans le cadre d’un traitement de médecine intensive en cas d’ACLF persistante, il peut être nécessaire d’instaurer un traitement par les catécholamines, voire une ventilation invasive.
Les systèmes de support hépatique extracorporels n’ont pas montré d’avantage en termes de survie évident dans le cas de l’ACLF lors d’études randomisées.27,28 On peut toutefois supposer qu’à l’avenir, ils auront peut-être une place dans la gestion de l’ACLF en tant que solution provisoire jusqu’à la transplantation («bridging to transplant»).29
Le seul traitement définitif de l’ACLF est à ce jour la transplantation hépatique.30–32 La pénurie d’organes et les directives strictes relatives à l’autorisation d’inscription sur liste de transplantation hépatique, laquelle exige une abstinence d’alcool documentée sur six mois, même en cas de syndrome très aigu tel que l’ACLF qui est souvent d’origine éthylotoxique, posent cependant de grands défis à la médecine de transplantation.
Conclusion
Dans l’ensemble, l’insuffisance hépatique aiguë sur chronique représente un énorme défi pour la médecine intensive hépatologique en raison de la mortalité élevée à 28 jours et de l’absence de traitements spécifiques. Des efforts de recherche considérables et une implication croissante de l’industrie pharmaceutique seront nécessaires à l’avenir pour améliorer la gestion clinique de l’ACLF et pouvoir offrir de meilleures perspectives aux patients.
Littérature:
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