
Ajustement précis de l’évaluation durisque et du traitement
Compte-rendu:
Dre méd. Judith Moser
Munich a accueilli le congrès ESMO Breast Cancer 2025 du 14 au 17 mai, qui a attiré plus de 3600 participant·es venant de 103 pays. Parmi les 476 résumés présentés cette année, les points forts étaient en grande partie les nouvelles découvertes dans le domaine de la prédiction des résultats dans le cancer du sein précoce, mais aussi les résultats d’études cliniques et thérapeutiques.
APHINITY: données à long terme
Après une durée de suivi de 11,3 ans, les résultats finaux de l’étude de phaseIII APHINITY ont été présentés par Loibl et al. à l’ESMO Breast Cancer 2025.1
Elle a examiné la question de savoir si l’ajout de pertuzumab au traitement adjuvant par trastuzumab plus chimiothérapie dans le cancer du sein HER2+ précoce permettait de prolonger la survie sans maladie invasive (IDFS) à long terme. Au total, 4804 patient·es ont reçu le traitement à l’étude ou un placebo en plus du trastuzumab plus chimiothérapie dans les huit semaines suivant la résection chirurgicale. Dans 64% des cas, les tumeurs étaient positives aux récepteurs hormonaux (RH+) et environ deux tiers présentaient une atteinte ganglionnaire. L’analyse primaire de l’IDFS présentée en 2017 avait révélé une amélioration de 19% avec l’ajout du pertuzumab (HR: 0,81; p=0,045).2
Selon l’analyse finale de la survie globale (OS), la double inhibition de HER2 a entraîné une réduction significative du taux de mortalité à 10 ans, avec une différence absolue de 1,8% (91,6 par rapport à 89,8%; HR: 0,83; p=0,0441).1
La cohorte à ganglions positifs a été déterminante pour le bénéfice: les taux d’IDFS à dix ans y étaient de 89,6 par rapport à 86,9% (HR: 0,79; Fig.1), tandis qu’aucune différence n’a été constatée dans le groupe à ganglions négatifs (HR: 0,99). Les événements de progression se sont principalement manifestés sous la forme de métastases à distance (premier événement IDFS: 6,3 par rapport à 8,8%). L’analyse actualisée de l’IDFS a également montré des effets persistants, avec une différence absolue de 3,4% et des taux à 10 ans de 87,2par rapport à 83,8% (HR: 0,79). De même que pour l’OS, l’avantage de l’ajout du pertuzumab a exclusivement été observé dans le groupe à ganglions positifs. Une autre sous-classification a montré que les patient·es présentant à la fois des tumeurs à ganglions positifs et des tumeurs RH+ en tiraient le plus grand bénéfice.
Fig.1: Cohorte à ganglions positifs de l’étude APHINITY: survie globale à dix ans (modifiée selon Loibl S et al.)1
Aucun nouveau signal cardiaque n’a été signalé au cours de la période de suivi prolongé. Les événements cardiaques primaires sont survenus à une fréquence <1% dans les deux groupes. Comme le soulignent les auteur·es dans leur conclusion, les données finales confirment le bénéfice du pertuzumab en plus du traitement adjuvant par trastuzumab plus chimiothérapie dans le cancer du sein précoce.
ADAPTcycle: traitement néoadjuvant par inhibition de CDK4/6+ET
L’étude de phaseIII ADAPTcycle a été consacrée à la question de savoir si une inhibition de CDK4/6 plus une hormonothérapie (ET) pouvaient remplacer la chimiothérapie dans le cancer du sein RH+/HER2- précoce à risque modéré à élevé. Dans la cohorte sous traitement néoadjuvante, 341 patient·es ont été traité·es par ribociclib plus inhibiteur de l’aromatase (et analogue de la GnRH chez les femmes en préménopause) suivi d’une ET; dans le groupe de contrôle (n=213), la chimiothérapie de référence suivie d’une ET a été utilisée. La durée de traitement recommandée était de six mois. La stratification du risque a été effectuée sur la base du statut des ganglions lymphatiques, de la réponse à une ET d’induction et du Recurrence Score® (RS) selon Oncotype DX®. ADAPTcycle est la première étude de phaseIII à comparer directement les deux stratégies dans le cancer du sein RH+/HER2- précoce.
Selon l’évaluation présentée par Harbeck et al., les taux de rémissions pathologiques complètes (pCR) étaient comparativement faibles dans les deux groupes de traitement (5,7 par rapport à 7,1%; OR: 0,79; p=0,542).3 Lorsque les rémissions pathologiques presque complètes étaient prises en compte, on constatait une tendance en faveur de la chimiothérapie (9,5 par rapport à 15,4%; OR: 0,58; p=0,05). En ce qui concerne la réponse clinique, le groupe de contrôle a également obtenu des résultats légèrement meilleurs (78,0 par rapport à 93,3%; OR: 0,25; p=0,009), mais la majorité des patient·es traité·es par le ribociclib en ont bénéficié, puisque seul·es deux ont montré une progression. Dans le sous-groupe avec 1 à 3 ganglions lymphatiques positifs, les taux de pCR étaient de 6,1 par rapport à 7,4%, tandis qu’aucune réponse n’a été observée en cas d’atteinte ganglionnaire plus importante. Des taux de pCR faibles dans les deux groupes ont également été observés en cas de risque élevé de récidive selon le RS (8,0 par rapport à 7,6%) et chez les patient·es répondant à l’ET (6,1 par rapport à 7,5%).
Selon ces résultats, le bénéfice de la chimiothérapie peut également être limité chez les patient·es qui sont traité·es par chimiothérapie en supposant que l’ET serait insuffisante. Toutefois, la pertinence clinique de la pCR dans les tumeurs de type luminal B n’a pas encore été définitivement établie et il convient d’attendre les résultats d’autres études.
Les tests d’expression génique au banc d’essai
Les tests d’expression génique multiparamétriques (MPA) comme Oncotype DX® sont souvent utilisés pour prédire le bénéfice potentiel d’une chimiothérapie. L’étude OPTIMA, en cours, se concentre sur la validation des MPA chez les patient·es atteint·es d’un cancer du sein positif aux récepteurs aux œstrogènes (ER+)/HER2-, précoce, à risque élevé.
Les résultats cliniques d’OPTIMA prelim, la partie «Feasibility» de l’étude OPTIMA, ont été présentés pour la première fois à l’ESMO Breast Cancer 2025.4 Les participant·es ont été randomisé·es entre 2012 et 2014. Le groupe de contrôle (n=192) a reçu une chimiothérapie de référence suivie d’une ET. Dans le bras de traitement (n=195), l’évaluation du risque a servi de base au choix du traitement par chimiothérapie suivie d’une ET (RS >25) ou d’une ET seule (RS≤25). L’étude OPTIMA prelim a déjà mis en évidence des écarts significatifs entre différents tests par le passé.5
Après une durée de suivi médiane de dix ans, les résultats cliniques ne différaient pas entre le groupe de traitement et le groupe de contrôle.4 Des récidives étaient survenues chez 15 par rapport à 12%, dont 6 par rapport à 1% de récidives loco-régionales et 9 par rapport à 11% de métastases à distance. Il s’agit toutefois de données exploratoires, car l’étude OPTIMA prelim n’était pas conçue pour démontrer une non-infériorité.
En outre, 383 patient·es ont été testé·es à la fois en utilisant Oncotype DX® et Prosigna®. La comparaison a montré que Prosigna® identifiait un groupe de personnes (22%) avec des résultats défavorables, alors qu’elles présentaient de faibles scores de récidive selon Oncotype DX®. Ceci est cohérent avec les conclusions tirées d’ensembles de données plus vastes basés sur des versions de recherche des tests.6 Les principaux résultats de l’étude OPTIMA, qui comprend également une analyse de non-infériorité de l’indication de chimiothérapie selon le test, sont attendus pour 2026.
Valeur pronostique du ctDNA
Une analyse rétrospective a examiné la corrélation entre la concentration d’ADN tumoral circulant (ctDNA) au moment du diagnostic et la survie sans métastase à distance (DRFS) chez 712 patient·es atteint·es d’un cancer du sein précoce à haut risque et ayant reçu un traitement néoadjuvant dans le cadre de l’étude I-SPY-2.7 En effet, le statut du ctDNA a été identifié comme un biomarqueur pronostique significatif pour la DRFS. Après 36 mois, 96,8% des patient·es dont les échantillons étaient initialement négatifs ne présentaient aucune métastase à distance par rapport à 80,9% dans le groupe dont la valeur initiale du ctDNA était positive (HR: 5,5; p<0,001).
La concentration de ctDNA (MTM/ml) était corrélée à la DRFS indépendamment du sous-type de récepteur (RH+/HER2-, HER2+, triple négatif). Une association linéaire a été observée entre quatre catégories de concentration de ctDNA et la probabilité de récidive. Les chercheur·ses ont également développé un modèle prédictif de la DRFS utilisant l’apprentissage automatique, qui s’est avéré très précis pour différents sous-types de cancer du sein et qui a été validé dans l’étude I-SPY-2 ainsi que dans le monde réel (Fig.2). Selon le modèle, la concentration de ctDNA est le principal facteur prédictif de la DRFS parmi les facteurs pronostiques disponibles au moment du diagnostic.
Fig.2: Précision de la prédiction de la survie sans métastase à distance selon le ctDNA dans des conditions d’étude et dans le monde réel (modifiée selon Magbanua M et al.)7
Les auteur·es soulignent toutefois que la réponse au traitement peut influencer tous les facteurs de risque préexistants. Des analyses en cours visent à optimiser la prédiction de la DRFS en intégrant différentes combinaisons de variables, y compris la réponse et la dynamique du ctDNA.
TIL en cas de TNBC et de pCR
Dans le cadre du cancer du sein triple négatif (TNBC), l’obtention d’une pCR grâce au traitement néoadjuvant indique un pronostic favorable, mais ce paramètre ne garantit pas non plus l’absence de récidive. Massa et al. ont donc examiné la valeur pronostique des lymphocytes infiltrant la tumeur (TIL) après obtention d’une pCR chez 613 patient·es issu·es du réseau européen du monde réel pour les TNBC (GAMBIT).8
Selon l’analyse multivariable, la proportion de TIL et le statut des ganglions (positifs ou négatifs) se sont révélés être des facteurs pronostiques indépendants, tant pour la DRFS que pour l’OS. Une augmentation de 5% des TIL était corrélée à une réduction du risque de 10% (métastases à distance) et de 11% (mortalité). L’analyse a également identifié un sous-groupe précédemment inconnu présentant un risque élevé de récidive: chez les patient·es présentant à la fois une atteinte des ganglions lymphatiques et un faible pourcentage de TIL en dessous du seuil de 30%, la DRFS à cinq ans était de 83%, alors qu’elle était d’au moins 95% dans tous les autres sous-groupes. De même, le taux d’OS à cinq ans (84%) était nettement inférieur aux taux observés dans les autres collectifs (≥97%) (Fig.3). Ces résultats correspondent à une augmentation du risque d’un facteur 3 (DRFS) ou 5(OS).
Fig.3: Survie globale en fonction du statut des ganglions et du pourcentage de lymphocytes infiltrant la tumeur (TIL; modifiée selon Massa D et al.)8
Comme le soulignent les auteur·es, les TIL constituent un outil de stratification rentable et universel. Une validation des données est en cours chez les patient·es issu·es du GAMBIT recevant un traitement adjuvant par chimiothérapie plus pembrolizumab.
Données combinées de l’étude EMBER-3
Dans le cadre du cancer du sein métastatique ER+/HER2-, l’étude de phaseIII EMBER-3 a comparé l’imlunestrant, un modulateur sélectif des récepteurs aux œstrogènes (SERD), à une hormonothérapie de référence et à l’association imlunestrant/abémaciclib. Chez les patient·es ayant montré une progression sous ou après inhibiteur de l’aromatase (IA) avec ou sans inhibiteur de CDK4/6, l’association a entraîné une prolongation significative de la PFS par rapport à l’imlunestrant seul.9 À l’ESMO Breast Cancer 2025, Saura et al. ont présenté les résultats du sous-groupe cliniquement pertinent des patient·es prétraité·es par des inhibiteurs de CDK4/6.10 Dans ce collectif, 139 avaient reçu l’association et 140 l’imlunestrant seul.
Le fait que la progression ait déjà eu lieu sous traitement antérieur par un inhibiteur de CDK4/6 n’a pas compromis l’effet de l’administration d’abémaciclib plus imlunestrant. La PFS était de 9,1 mois sous l’association par rapport à 3,7 mois sous l’imlunestrant seul (HR: 0,51) et était comparable à la PFS dans l’ensemble de la population (9,4 par rapport à 5,5 mois; HR: 0,57). Des résultats cohérents en termes de PFS ont été observés, indépendamment de la présence de métastases viscérales et osseuses, de mutations ESR1 et/ou PI3K, de la présence d’une maladie à haut risque ainsi que du type et de la durée du traitement antérieur par un inhibiteur de CDK4/6.
EMBER-3 est la première étude de phaseIII à démontrer le bénéfice d’une combinaison d’un SERD par voie orale et d’un inhibiteur de CDK4/6 après la progression de la maladie sous inhibiteur de CDK4/6, comme le résument les auteur·es.
Source:
European Society for Medical Oncology (ESMO) Breast Cancer 2025, 14 –17 mai 2025, Munich, Allemagne
Littérature:
1 Loibl S et al.: ESMO Breast Cancer 2025; Abstr. #LBA1 2 Von Minckwitz G et al.: Adjuvant pertuzumab and trastuzumab in early HER2-positive breast cancer. New Engl J Med 2017; 377(2): 122-31 3 Harbeck N et al.: ESMO Breast Cancer 2025; Abstr. #189O 4 Stein C et al.: ESMO Breast Cancer 2025; Abstr. #190O 5 Bartlett JMS et al.: J Natl Cancer Inst 2016; 108(9): djw050 6 Bartlett JMS et al.: Comparative survival analysis of multiparametric tests-when molecular tests disagree-A TEAM Pathology study. NPJ Breast Cancer 2021; 7(1): 90 7 Magbanua M et al.: ESMO Breast Cancer 2025; Abstr. #5MO 8 Massa D et al.: ESMO Breast Cancer 2025; Abstr. #2O 9 Jhaveri KL et al.: Imlunestrant with or without abemaciclib in advanced breast cancer. N Engl J Med 2025; 392(12): 1189-202 10 Saura C et al.: ESMO Breast Cancer 2025; Abstr. #2970
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