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Entraînement des muscles respiratoires

Covid long – qui a le plus de souffle?

La dyspnée et la fatigue font partie des symptômes les plus fréquents du post-Covid-19 (Covid long). L’une des causes envisagées est la diminution de la force ou de la fonction des muscles respiratoires, raison pour laquelle l’entraînement des muscles respiratoires constitue une approche thérapeutique possible. Certains résultats d’études non publiés à ce sujet ont été présentés lors du congrès de l’ERS 2023.

Le Covid-19 peut être associée à des symptômes persistants. Jusqu’à 60% des survivants du Covid-19 associée à une hospitalisation présentent des symptômes qui ne peuvent être justifiés par des diagnostics alternatifs. Chez les patients qui n’ont pas eu besoin d’être hospitalisés, la prévalence est estimée jusqu’à 12%.

Si les symptômes sont présents plus de deux à trois mois après l’infection et qu’ils persistent pendant au moins deux mois, on parle de Covid long. Les symptômes typiques sont la fatigue, la dyspnée, la diminution des performances, les douleurs, les difficultés de concentration («brain fog»), la dépression, la diminution de la fonction pulmonaire et de la qualité de vie.1,2 Observées dans 51% et 63% des cas de Covid long, la dyspnée et la fatigue font partie des symptômes les plus fréquemment rencontrés.3

La cause exacte des symptômes associés au Covid long n’a pas encore été clairement établie. Les modifications pathologiques du tissu pulmonaire ainsi que la fibrose et la diminution de la capacité de diffusion qui en résulte entraînent une augmentation de la ventilation. Il est possible que cette augmentation sollicite davantage les muscles respiratoires et que des symptômes tels que la fatigue, la dyspnée ainsi que la diminution des performances soient dus à une fatigue excessive du diaphragme. Une étude de la clinique universitaire de Hambourg-Eppendorf a montré que 88% des patients présentant des symptômes du Covid long persistants souffraient de faiblesse des muscles respiratoires, associée à une pulsion respiratoire excessive.3 Cela peut activer le métaboréflexe, à la suite duquel l’apport en nutriments vers les muscles périphériques est réduit par vasoconstriction, afin d’accroître la circulation vers les muscles respiratoires. Alors que ce processus vise à maintenir les fonctions physiques en cas de dépassement de la limite d’activité, une activation continue ou excessive du métaboréflexe pourrait contribuer à la diminution observée des performances et de la qualité de vie.1

Le rôle de l’entraînement des muscles respiratoires en cas de Covid long

Il est possible de pallier une diminution des performances ou de la fonction des muscles respiratoires, en particulier du diaphragme, par un entraînement des muscles respiratoires (RMT) ciblé. Il s’agit d’activer les muscles respiratoires par un entraînement de résistance pour de meilleures performances, afin de renforcer les muscles et d’améliorer leur fonction. Le principe de l’entraînement est le même que pour les muscles périphériques. Des séances d’entraînement de courte durée régulières entraînent une hypertrophie des muscles ainsi qu’une amélioration des performances. Le RMT permet une plus grande mobilité (excursion) du diaphragme pendant l’inspiration et l’expiration, et accroît de ce fait la capacité vitale des poumons en augmentant leur volume. L’échange gazeux est ainsi optimisé par cette augmentation, et l’hyperinflation ainsi que l’«air trapping» peuvent être réduits.

Le RMT peut être réalisé à domicile, au moyen de dispositifs d’entraînement des muscles respiratoires portatifs. Ceux-ci offrent soit une résistance à l’inspiration (entraînement des muscles inspiratoires, IMT), soit à l’expiration (entraînement des muscles expiratoires, EMT), soit ils activent les deux groupes musculaires (entraînement combiné des muscles respiratoires, cRMT). Voici des exemples de dispositifs disponibles: «Powerbreathe» pour l’IMT, «EMST-150» pour l’EMT et «The Breather» pour le cRMT. Concernant ce dernier dispositif, les résistances pour les muscles inspiratoires et expiratoires sont réglables indépendamment l’une de l’autre afin de s’adapter à la progression individuelle de l’entraînement et à la capacité d’entraînement variable des deux groupes musculaires.

Si l’on considère qu’une diminution de la force ou de la fonction des muscles respiratoires est à l’origine de certains des symptômes typiques de Covid long, l’entraînement des muscles respiratoires peut être envisagé comme approche thérapeutique dans le cadre de la rééducation. Cette argumentation est reprise par différents groupes de recherche visant à améliorer les symptômes et la qualité de vie dans le groupe de patients concernés. Certains résultats d’études non publiés à ce sujet ont été présentés lors du congrès de l’European Respiratory Society (ERS) 2023, à Milan.

Nouvelles données

Le Covid long a été l’un des sujets brûlants de l’ERS, avec plus de 60 posters scientifiques portant sur le diagnostic, les observations et les approches thérapeutiques associés. Les données présentées ici sont basées sur les résultats de la Covid Virtual Recovery Study, menée par la Mayo Clinic, à Rochester, dans le Minnesota, aux États-Unis, en collaboration avec PN Medical, en Floride, aux États-Unis.4 Pour cette étude entièrement virtuelle, plus de 2000 patients précédemment atteints de Covid-19 ont été recrutés et répartis en groupes d’intensité d’entraînement variable («engagement», «endurance», «force») (Tab.1). Chaque participant a reçu le dispositif «The Breather» pour un entraînement combiné des muscles respiratoires ainsi qu’un plan d’entraînement sur quatre semaines via une application pour smartphone («Breather Coach»).

Tab. 1: Résultats de l’étude Covid Virtual Recovery Study en fonction de l’intensité d’entraînement: 21,8% des participants qui ont fourni des informations sur leurs antécédents médicaux ont été hospitalisés, en moyenne pendant environ 12 jours. Près de 90% des participants ont indiqué qu’ils continuaient à présenter des symptômes (modifié selon Bausek N et al. 2023)4

Une enquête menée au début de l’étude a révélé que l’âge moyen des participants était de 53 ans. Moins d’un quart des participants (21,8%) avaient été hospitalisés à cause du Covid-19. Une majorité des participants à l’étude (89,6%) ont déclaré présenter encore des symptômes. Les résultats préliminaires des enquêtes menées à la fin de la phase d’intervention de quatre semaines ont montré une amélioration de l’état de santé général des participants, indépendamment de l’intensité d’entraînement prescrite. Une amélioration de la respiration à l’effort a également été constatée, mais elle n’était pas significative (Fig.1).

Fig. 1: Amélioration significative de l’état de santé général des participants à la fin (Final) par rapport au début de l’étude (Référence). Une tendance à l’amélioration de la respiration à l’effort a également été observée (modifié selon Bausek N et al. 2023)4

Bien que les résultats présentés ici devraient être considérés comme tout à fait positifs, l’étude a été dominée par des taux d’échec élevés pendant la phase d’intervention, ce qui limite l’interprétation des résultats. D’autres analyses des différents sous-groupes sont en cours afin de vérifier l’effet direct de l’entraînement des muscles respiratoires sur les symptômes typiquement associés à la faiblesse des muscles respiratoires, tels que la dyspnée, la fatigue et la diminution des performances. Les résultats d’une amélioration de l’état de santé présentés au congrès de l’ERS sont en accord avec les observations de l’université Complutense de Madrid d’une amélioration significative de la qualité de vie après huit semaines d’entraînement des muscles respiratoires. L’étude comparative révèle en outre une supériorité de l’entraînement combiné des muscles respiratoires par rapport à l’IMT.1

Un effet thérapeutique direct du RMT sur les symptômes du Covid long a été présenté par le groupe de recherche de Jens Spiesshöfer, École supérieure polytechnique de Rhénanie-Westphalie (RWTH), à Aix-la-Chapelle. 18 patients atteints de Covid long précédemment hospitalisés et présentant une dyspnée d’effort persistante ont suivi un RMT sur six semaines, malgré des résultats cardiopulmonaires normaux. Des examens réalisés à la fin de la phase d’intervention ont mis en évidence une amélioration de la force des muscles respiratoires et de l’endurance du diaphragme, ainsi que de la dyspnée à l’effort. Le RMT a été confirmé ici comme option thérapeutique de la dyspnée persistante chez les patients atteints de Covid long.

Il pourrait par exemple faire partie intégrante de la rééducation pulmonaire, laquelle a des effets positifs sur les performances de ces patients et permet également d’obtenir des améliorations durables en tant qu’approche de télémédecine, comme l’a révélé un poster de Bruna Scharlack Vian, du Brésil. Une surveillance continue des modifications cardiopulmonaires jusqu’à la guérison complète s’avère pertinente. Paraskevi Katsaounou, pneumologue à l’hôpital Evaggelismós d’Athènes, en Grèce, a montré que la spiro-ergométrie est considérée dans ce contexte comme un outil d’observation pertinent de la dyspnée et de la fatigue. Des scientifiques de Manaus, au Brésil, se sont ralliés à cette opinion; ils ont mis en évidence, par spiro-ergométrie, la réduction de la capacité aérobie à long terme après leur sortie chez les patients hospitalisés à cause du Covid-19, ainsi qu’une hyperventilation chez les femmes, indiquant ainsi que l’évolution du Covid long pourrait être spécifique au sexe.

La complexité du Covid long a été confirmée par les conclusions tirées de différentes observations présentées lors du congrès de l’ERS. Anthony Byrne, pneumologue à l’université de Nouvelle-Galles du Sud à Sydney, en Australie, a trouvé des résultats d’oscillométrie (oscillométrie d’impulsion) anormaux chez des patients atteints de Covid long. Zeynep Onay, de l’université Medeniyet d’Istanbul, en Turquie, a mis en évidence un nombre significativement plus élevé de modifications pulmonaires restrictives chez les enfants atteints de Covid long.

Katrin Müller, chercheuse à l’université de technologie de Chemnitz, en Allemagne, a suivi l’état de santé de 127 patients ayant contracté le Covid-19 sur leur lieu de travail pendant leur période de rééducation et une période de suivi de six mois. Les performances physiques, mesurées par la distance parcourue au test de marche de 6 minutes, ainsi que la fatigue avaient été significativement améliorées après la rééducation. Alors que les performances sont restées meilleures six mois après la fin de la rééducation par rapport à celles avant la rééducation, la fatigue est revenue au niveau observé après le Covid-19. Cela montre que la rééducation est pertinente et efficace pour les effets à long terme du CovidD-19, mais indique également un besoin d’optimisation pour les symptômes difficiles à traiter, tels que la fatigue. Les résultats d’Andres Calvache Mateo de l’université de Grenade, en Espagne, révèlent une diminution de l’activité et de la qualité de vie, une hyperalgie et une insomnie chez les patients atteints de Covid long jusqu’à deux ans après le diagnostic, et soulignent la persistance des symptômes dus au Covid long.

Conclusion

Le Covid long est une maladie à long terme et multidimensionnelle ayant des séquelles à long terme potentiellement graves chez les patients concernés. Ses effets peuvent uniquement être traités de manière limitée sur le plan pharmacologique et exigent de nombreuses ressources ainsi que des approches thérapeutiques multidisciplinaires. Une prise en charge efficace du Covid long requiert des études supplémentaires sur les causes ainsi que les éléments déclencheurs fondamentaux des symptômes persistants et souvent changeants. Une collaboration étroite entre la science et la médecine est nécessaire pour trouver des options thérapeutiques efficaces et permettre une amélioration de la qualité de vie des patients atteints de Covid long.

1 Del Corral T et al.: Home-based respiratory muscle training on quality of life and exercise tolerance in long-term post-COVID-19: Randomized controlled trial. Ann Phys Rehabil Med 2022; 101709 2 Jimeno-Almazán A et al.: Effects of a concurrent training, respiratory muscle exercise, and self-management recommendations on recovery from post-COVID-19 conditions: the RECOVE trial. J Appl Physiol 2023; 134: 95-104 3 Hennigs JK et al.: Respiratory muscle dysfunction in long-COVID patients. Infection 2022; 50: 1391-7 4 Bausek N et al.: Combined respiratory muscle training improves long covid symptoms – results from the Covid Virtual Recovery Study. ERS 2023; Poster ID 500

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